mardi 27 octobre 2009 - par Jean Claude BENARD

Eric Woerth : Le « Sapeur Camember » du bouclier fiscal

Le nom du Sapeur Camember est bien connu des français qui, pour beaucoup, ignorent son histoire.

Camember a été créé par Georges Colomb, dit Christophe en 1890 "Camember est un personnage de soldat illettré et un peu simplet dont les agissements sont souvent absurdes ... / ... Il est affecté comme sapeur, c’est-à-dire soldat du génie militaire. Sa simplicité s’illustre, par exemple, lorsqu’il creuse un trou pour y mettre la terre d’un autre ; il est vrai qu’il est alors dépassé en sottise par son supérieur, le sergent Bitur, qui le traite de « double mulet cornu » et lui reproche de ne pas avoir fait le deuxième trou assez grand pour qu’on puisse y mettre sa terre avec celle du premier.. / ... " Source Wikipedia

Et bien c’est cette brillante technique qu’Eric Woerth (poussé par son supérieur ?) envisage très sérieusement d’utiliser pour résorber le trou de la dette sociale !

Éric Woerth vient d’expliquer au Figaro qu’il est : "favorable au transfert de la dette sociale à la Cades à partir de 2011, mais refuse toute hausse de la CRDS"

Parler de la CADES, alors que beaucoup de français ignorent jusqu’à son nom, c’est une nouvelle manoeuvre "habile" du gouvernement qui lui permet de ne pas céder sur sa mesure emblématique du bouclier fiscal.

Car, arc-bouté sur le bouclier fiscal, qui est, comme le nomme JF Copé, un "marqueur de ce quinquennat", le gouvernement a repoussé des amendements, y compris un venu de l’UMP, qui voulait réduire la portée du bouclier, dispositif fiscal limitant l’impôt à 50% des revenus d’un contribuable. La ministre de l’Economie, Christine Lagarde, ayant plaidé en faveur du bouclier, "contrat de confiance passé entre la majorité et les Français".

Ne voulant pas être en reste, Jean-François Copé a surenchéri : "Si on veut ébrécher le bouclier, alors revoyons l’ISF. Nous ne ferons pas l’un sans l’autre. Mais pas lors d’une nuit à l’Assemblée", a lancé pour sa part le patron des députés UMP. "Aujourd’hui, si le bouclier fiscal est un marqueur de ce quinquennat, c’est parce que nous voulons un système équilibré entre la justice et la compétitivité"

L’opposition a demandé comme chaque année depuis 2007 la suppression du bouclier. Plus rare, une députée UMP, l’ex-secrétaire d’Etat Marie-Anne Montchamp, a demandé de sortir la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) de l’assiette du bouclier, en raison des déficits des comptes sociaux.

"Le bouclier doit contenir le CSG et la CRDS", a répondu le ministre du Budget Eric Woerth ... / ... " Source AFP/Google

Alors, c’est quoi cette providentielle "CADES" qui va faire disparaître le problème et éviter d’écorner le "contrat de confiance passé entre la majorité et les Français"

La CADES a été créée le 1er janvier 1996 par l’ordonnance n°96-50 du 24 janvier 1996 III.1.3 Objet social résumé. La CADES a pour objet, conformément aux articles 2 et 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 et la loi n°97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 :


- d’apurer la dette cumulée du régime général de la sécurité sociale, correspondant au financement des déficits des exercices 1994 à 1997 à hauteur de 224 milliards (Mds) de francs (34,149 Mds Euros),

- d’effectuer un versement annuel de 1,906 Md Euros à l’État ; Les versements prévus de 2002 à 2008 ont été remplacés par la loi de finance 2002 par 4 versements annuels de 3 Mds Euros de 2002 à 2005,

- de verser, au cours de la seule année 1996, 457 m.euros à la Caisse nationale d’assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM),


- de verser un montant de 1,28 Md Euros en 2003 et de 1,1 Md Euros en 2004 à différentes caisses de sécurité sociale. La loi n° 2004-810 du 13 août 2004 prévoit un transfert de dette de la branche maladie de 35 Mds Euros à la CADES en 2004 et le transfert des déficits prévisionnels 2005 et 2006 à la CADES dans la limite de 15 Mds Euros. 6,6 Mds ont été versés en 2005.


Cette loi prévoit aussi la modification de l’assiette de la CRDS ( de 95 à 97% du salaire brut) et que la branche maladie affectera ses excédents futurs à la CADES. Par ailleurs, tout nouveau transfert de dette à la CADES devra être accompagné de recettes nouvelles - Loi organique sur la sécurité sociale 2005 - Source Banque de France
 
Le Sénat avait d’ailleurs été très clair sur le fonctionnement de la CADES

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998 - Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 30 juin 1998 - Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juillet 1998. PROPOSITION DE LOI relative à l’extinction de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, PRÉSENTÉE Par MM. Jacques OUDIN et Alain LAMBERT, Sénateurs. (Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.) Sécurité sociale.


- CADES. EXPOSE DES MOTIFS


MESDAMES, MESSIEURS,
La Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) est une structure de cantonnement de la dette accumulée par le régime général de sécurité sociale depuis le début de la décennie. Elle a été créée pour une durée de treize années, jusqu’en 2008, par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

Dès sa création, la CADES a supporté la charge des dettes suivantes :


- le déficit de 137 milliards de francs cumulé par le régime général sur les exercices 1994 à 1996 ;


- le déficit de 3 milliards de francs cumulé par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM) sur les exercices 1995 et 1996 ;

- l’obligation de verser chaque année à l’Etat 12,5 milliards de francs, au titre de l’amortissement du déficit de 110 milliards de francs cumulé par le régime général sur les exercices 1991 à 1993 et repris directement par le Trésor au 1er janvier 1994.

Antérieurement à la création de la CADES, cette obligation était à la charge du Fonds de solidarité vieillesse.
Ultérieurement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a transféré à la CADES le déficit de 87 milliards de francs à nouveau cumulé par le régime général sur les exercices 1997 et 1998.

Parallèlement, la durée de la CADES a été prolongée de cinq années, jusqu’en 2014.
Transitoirement, la CADES couvre ses besoins de trésorerie par des ressources d’emprunt.

Elle apure les dettes dont elle a la charge au moyen d’une ressource fiscale qui lui est affectée, la contribution pour te remboursement de la dette sociale (CRDS).
La CADES est constituée sous la forme d’un établissement public national à caractère administratif, distinct de l’Etat. Ses opérations restent en dehors du champ des lois de financement de la sécurité sociale mais interfèrent avec les lois de finances.

La CADES apparaît comme un outil vertueux pour financer des déficits sociaux qui ne le sont guère.
... / ... La création de la CADES en janvier 1996 s’inscrivait dans le cadre d’un ambitieux plan de réformes structurelles de la sécurité sociale. Elle était admissible dès lors qu’il s’agissait d’une mesure tout à fait exceptionnelle et que des dispositions devaient être prises pour maîtriser les déficits sociaux.

A l’inverse, la réouverture de la CADES par la dernière loi de financement de la sécurité sociale, assortie de sa prolongation de cinq années, constitue un fâcheux précédent. Elle accroît les transferts de charges injustifiés entre générations tout en générant des charges d’intérêts supplémentaires considérables
... / ... La présente proposition de loi veut contribuer à éviter que la CADES ne devienne le réceptacle ordinaire de déficits sociaux récurrents ... / ... " Intégralité du texte sur le site du Sénat

Or, que déclare Eric Woerth

"Eric Woerth : ... /... nous allons prévoir des crédits ( ?) pour faire diminuer de façon importante la dette en dessous de son niveau de fin 2008. Par ailleurs, il y a la question de la dette sociale accumulée sur plusieurs années. Nous la financerons à court terme par un octroi de trésorerie supplémentaire à l’Acoss ( Agence centrale des organismes de sécurité sociale). Avec l’aide technique de l’Agence France Trésor, elle empruntera sur le marché européen. Nous voulons éviter de transférer la dette de la Sécurité Sociale vers la dette de l’État et allonger la durée de vie de la Cades chargée de financer la dette sociale passée ... / ...

Le Figaro : Est-ce à dire que vous n’excluez pas de transférer dès 2011 cette dette à la Cades (Caisse d’Amortissement de la dette sociale) ?

Eric Woerth : Personne ne sait ce que seront les recettes sociales et fiscales en 2011. Mon objectif pour 2010 est que cette dette reste dans la sphère sociale mais je ne m’interdis rien pour l’avenir. Le plus cohérent serait que nous transférions la dette à la Cades. ... / ... "

Le Figaro : Vous augmenterez alors la CRDS (Contribution pour le remboursement de la dette sociale) ?

Eric Woerth : Nous n’augmenterons pas les prélèvements obligatoires. On peut transférer la dette à la Cades en versant une recette supplémentaire mais sans augmenter les impôts (Re ?) . On peut le faire par exemple par redéploiement d’autres ressources. Il existe plusieurs moyens d’y parvenir sans toucher au taux de prélèvement."

Un autre trou par exemple !!!! De toute façon, comme disait Coluche " Rigolez pas c’est avec votre argent" ...

Nous apprenions, il y a peu que Nicolas Sarkozy "dévorait", "La Révolution française" de Max Gallo et le "Désert" de Jean-Marie Le Clézio et que "Le Président assure à la presse que "malgré un emploi du temps très chargé", il "apprécie de lire un roman pour se divertir." - Source Fluctuat On ignorait par contre, qu’il était également fan des oeuvres de Georges Colomb.

Nous avons pour preuve cet épisode du Sapeur Camember

"C’est l’automne et la cour est jonchée de feuilles mortes. L’adjudant Bitur demande au Sapeur de creuser un trou pour les y enfouir. Le Sapeur s’exécute. Quand l’adjudant revient, il aperçoit le monceau de Monde terre extraite du trou, et il demande au Sapeur d’enfouir cette terre. Quand il revient, un nouveau monceau, encore plus grand que le précédent, est visible. Et l’adjudant admoneste le sapeur en lui disant : bougre d’imbécile, il fallait faire un trou plus grand !"

Devant de telles similitudes, on est en droit de se demander si le destin du président, et le nôtre, par extension n’est pas celui de la Famille Fenouillard du même auteur

"Les Fenouillard, sont bonnetiers à Saint-Rémy-sur-Deule (sis dans le département imaginaire de Somme-Inférieure). Agénor Fenouillard ayant convolé en justes noces avec Léocadie Bonneau. Ils explorent d’abord la Normandie et embarquent malgré eux au Havre pour l’Amérique, rencontrent les Sioux, les trappeurs du Détroit de Behring et enfin les Papous. Ils finissent par revenir triomphalement à Saint-Rémy-sur-Deule" Source Wikipedia

Etonnant et un petit peu effrayant non ?
 


5 réactions


  • jps jps 27 octobre 2009 17:02

    excellente démonstration

    Woerth prépare le terrain pour 2012. Présenter un moindre déficit par de l’habillage. In fine (après 2012), les contribuables seront sollicités et les prélèvements obligatoires augmenteront mais ceci n’aura plus d’importance pour l’UMP car les élections présidentielles et législatives seront passées. Il faut toujours prévoir sur le long terme


  • Serge Serge 27 octobre 2009 17:18

    Même la Cour des Comptes ( qui n’est pas que je sache un repaire de « l’ultra-gauche ! » ) dans son rapport annuel s’inquiète et alerte le gouvernement sur « le problème des allégements des charges sociales des entreprises. »

    32,6 milliards d’exonérations cette année !!!

    Voici comme exemple le financement de la Sécurité Sociale...

    En 1990 les entreprises contribuaient à hauteur de 42%...aujourd’hui seulement 36% ; en 1990 les ménages contribuaient à hauteur de 31%...aujourd’hui 40% ; en 1990 l’Etat contribuait à hauteur de 27%...aujourd’hui 24% !!!

    Qui se gave sur le peuple ?

    Il est vrai qu’une certaine Parisot dans l’interview en date du 23 Juin 2009 au « Dauphiné Libéré » se lamentait sur le sort des capitalistes en déclarant...

    « LE SOCIAL ! UN FARDEAU QUI PESE SUR NOS ENTREPRISES. »

    Il est certain qu’avec Sarkozy et sa clique l’Elysée ( en fidèle serviteur du Cac 40 ) est au « petits soins » ( et même plus ) pour le MEDEF !
    Voir récemment la lamentable pantalonnade de« l’ affaire du vote de J.F. Lamour » sur la taxation des bénéfices des banques !!!


  • Le péripate Le péripate 28 octobre 2009 09:54

    C’est amusant, parce que vous plagiez la loi de Bitur-Camembert, due à la plume de François Guillaumat. Loi économique qui veut que la redistribution politique détruit en tendance une richesse équivalente à celle qu’elle vole.
    Bien sûr, dans votre esprit ça n’a pas cette portée.


    • yasunari yasunari 28 octobre 2009 14:42

      Curieux la faculté du Peripate à lire pour ne pas comprendre... Me fait penser à Bouvard et Pécuchet...

      La loi de Bitur-Camember ne fonctionne, si j’ai bien compris, qu’à l’équilibre (qui par essence n’est jamais atteint, puisqu’il n’est qu’une tendance) et à condition de faire abstraction de l’incertitude (qui elle est certaine, allez comprendre).

      Cette « loi » ne s’applique donc qu’à la saint glinglin, et uniquement au pays des rêves....

      Allez, essaye encore....


  • Francis, agnotologue JL 28 octobre 2009 10:09

    Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris cet article.

    Naïvement je poserais bien la question : à quand la privatisation de la CADES ? Chaque citoyen sera responsable individuellement de sa part de dette envers la CADES. Et comme on ne s’embarrasse pas d’équité dans ces sphères là, hé bien tout le monde sera tenu de rembourser la même somme. Si vous ne pouvez pas payer, vous vendrez vos biens, et à défaut, vos corps ! Elle est pas belle la vie ?


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