jeudi 6 août 2009 - par Michel Santi

Etats-Unis, Chine : Pour le meilleur et pour le pire

Les masses de liquidités généreusement fournies par la Réserve Fédérale US se logent progressivement vers les marchés boursiers, obligataires ainsi que vers les matières premières à mesure que la sérénité s’installe parmi les investisseurs et spéculateurs. Les sommes acheminées ainsi vers les Bons du Trésor US sont si importantes que le papier à 10 ans ne parvient toujours pas à dépasser la barre des 4%...

Clairement, ce terreau est favorable à l’émergence d’une nouvelle bulle aux conséquences évidentes, le poids de ces opérations et transactions étant à terme susceptible de crever le plancher sur lequel elles reposent. Le maintien des taux d’intérêts Américains à leurs niveaux actuels ne manquera donc pas de susciter et de maintenir une nouvelle bulle à l’instar du boom immobilier ayant été stimulé par les taux bas de la période ayant suivi l’implosion de la bulle des valeurs technologiques...Soucieuse de ne pas répéter sempiternellement les erreurs du passé lui ayant considérablement terni sa réputation auprès des citoyens de son pays, la finance Américaine semble avoir opéré un changement subtil de stratégie consistant à canaliser une partie substantielle de cet excès de liquidités hors des Etats-Unis : Il vaudrait en effet mieux que, si nouvelle bulle il y a, elle se crée hors du pays !

Ayant un marché immobilier sur évalué de l’ordre de 100%, la Chine plie ainsi littéralement sous le poids d’une liquidité qui envahit tous ses secteurs d’activité. Le montant des nouveaux prêts totalise ainsi 1’000 milliards de dollars pour le seul premier trimestre 2009, chiffre en augmentation vertigineuse par rapport à 2008 qui avait enregistré 600 milliards de dollars de nouveaux crédits sur toute l’année. L’endettement actuel des Chinois atteignant la ratio effroyable de 25% du P.I.B. du pays ! 

La pression est donc nettement moins intense sur les responsables privés et publics US ayant ainsi refilé le témoin à leurs confrères chinois et qui partent du principe que la Chine peut s’accommoder de cette bulle et même la digérer sur quelques années. Pour autant, ils sont parfaitement conscients des risques d’implosion prématurée - et dramatique - de cette bulle en cas d’appréciation du dollar. Laquelle remontée du dollar pourrait être provoquée par la hausse des taux d’intérêts Américains dans le cadre de la lutte de la Fed contre une intensification des pressions inflationnistes. Sous le poids de liquidités qui quitteront le pays, la gigantesque bulle chinoise implosera donc dès lors que le billet vert bénéficiera d’une inversion de sa tendance baissière. 

De fait, les périodes ayant connu un dollar faible ont toujours été des périodes de formation du bulles dans les marchés émergents, bulles ayant systématiquement implosé dès l’inversion de tendance du billet vert. La politique monétaire Américaine pourrait ainsi constituer un puissant catalyseur à même de précipiter la déliquescence chinoise par le biais d’une appréciation importante du dollar. Des précédents existent : Au début des années 80, Paul Volker alors Président de la Fed avait considérablement augmenté les taux d’intérêts US afin de lutter contre de fortes pressions inflationnistes, donnant du même coup une impulsion substantielle au dollar dont le contre coup fut la crise d’Amérique Latine...

Dans l’hypothèse - tout à fait réaliste au vu des injections massives de liquidités - d’une résurgence inflationniste, la Fed pourrait certes temporiser en ne resserrant pas immédiatement sa politique monétaire avec toutefois un risque évident d’aggravation de cette inflation qui nécessiterait une réponse rapide et brutale sous la forme d’une remontée importante des taux Américains, préalable à une appréciation subséquente et mécanique du dollar. Néanmoins, ce retour à une inflation qui imposerait de telles mesures énergiques est loin d’être acquis dans un contexte de reprise économique Américaine qui resterait tout compte fait assez molle.

En conséquence, le scénario idéal pour la Chine - mais également pour les marchés financiers US -consisterait en un maintien du taux de chômage aux Etats-Unis autour des niveaux actuels qui éviterait ainsi l’emballement de la machine avec à la clé une reprise quasi certaine de l’inflation, un raidissement de politique monétaire, une remontée du dollar et la liquéfaction de la bulle chinoise. Les Etats-Unis se retrouvent ainsi face à un dilemme authentiquement cornélien, existentiel, car tandis que l’amélioration du chômage serait la meilleure façon de hisser leur économie réelle hors de son marasme actuel, elle constituerait également une périlleuse menace pour leurs marchés financiers.

Démonstration supplémentaire - si besoin était - que les intérêts du monde de la finance et du travail ne se rejoignent pas en tous points. 



10 réactions


  • yoananda 6 août 2009 10:19

    « Le dollar c’est notre monnaie, c’est votre problème ».

    Vous oubliez une chose dans votre article, c’est que maintenant, le chinois en tête, mais avec eux l’Iran, le Vénézuela, et même la Russie et d’autres encore ne veulent plus du dollar. D’ou les multiples accords d’échanges internationaux dans les devises locales, par exemple.
    Si vous vous avez compris la stratégie américaine, les chinois aussi, et ils sont décidés à ne pas se laisser faire tel qu’ils l’ont annoncé au dernier G20 (avec les DTS du FMI).
    Donc, vu qu’actuellement les USA ne sont plus en mesure de financier leur train de vie trop dispendieux (guerre, chômage, santé), la porte s’ouvre pour une opportunité de renverser l’ordre établi.

    D’autre part, aux USA même, l’insurrection gronde, et il n’est pas dit que les tensions sociales croissantes n’aboutissent pas à quelques petites anicroches dans la stratégie américaine. Ils n’auront plus qu’a faire appel à l’agence tout risque ! lol


    • faxtronic faxtronic 6 août 2009 11:37

      Tu reve completement la. Les US ont loin d avoir perdu la partie, bien au contraire. La seule chose pour laquelle on peut prier, c est que les deux grands (USA et Chine), ne s entendent pas sur le dos de l Europe...


  • manusan 6 août 2009 11:36

    vu sur la Chronique Agora
    http://www.la-chronique-agora.com/

    Vendredi 31 Juillet 2009

    ** On apprenait hier matin que la société China State Construction Engineering a été introduite en Bourse. C’est la plus grande introduction — à 7,3 milliards de dollars
    — depuis plus d’un an. C’est également le plus grand constructeur immobilier chinois. Dès que les actions ont touché le marché, elles ont grimpé en flèche... clôturant 56% plus haut que leurs cours d’introduction. A ce cours, elles s’échangent environ 40 fois les estimations de bénéfices pour 2009.

    * Pourquoi voudrait-on payer 40 fois les bénéfices pour un constructeur immobilier ? C’est une activité assez facile à mettre en place. Pas de barrières qu’un peu d’argent... un bon réseau... et une scie circulaire ne pourraient surmonter. Et la croissance est limitée... par le fait que d’autres constructeurs se lancent sans arrêt. Si l’investisseur a acheté ses titres à 40 fois les bénéfices, il ne peut obtenir que 2,5% sur son argent — si l’entreprise verse 100% de dividendes ! Alors pourquoi payer si cher ?

    * La réponse est double. Pour commencer, la Chine a mis en place un plan de relance économique proprement gigantesque. Elle a donné le signal à ses banques. Les banques ont réagi en ouvrant les vannes. Durant la première partie de 2009, les prêts représentaient le triple de ceux de la même période une année auparavant. Naturellement, ces liquidités ont fait effet. L’économie est en plein boom. On achète tout ce qu’on peut acheter à crédit. Mais... comme nous le savons tous à la Chronique Agora... on ne peut pas acheter la vraie prospérité à crédit.

    * Il y a une autre raison à la bulle des valeurs des constructeurs immobiliers : les investisseurs — en particulier les investisseurs en Chine — n’ont rien appris du krach de 2007-2008.

    * C’est notre petit secret, n’est-ce pas, cher lecteur ? Le reste du monde ne semble pas conscient de la manière dont les marchés fonctionnent... et ils pensent que le crédit est un engrais miracle pour l’économie.

    ** Sauf que les marchés ne sont pas mathématiques... ni mécaniques ; ils sont moraux. Leur dessein n’est pas de rendre les gens riches, mais de les rendre sages. Et encore... seulement pendant un temps.

    * S’ils étaient mathématiques, on pourrait rendre les gens plus riches en ajoutant des zéros. Mais ce n’est pas aussi simple. Le Zimbabwe a essayé — ça ne fonctionne pas. Un lecteur nous a offert un billet de 10 000 MILLIARDS de dollars — un vrai billet imprimé par le Trésor du Zimbabwe. Prenez-le — ainsi que cinq dollars américains — et vous pourrez acheter une tasse de café à Harare... s’il y en a.

    * Si les marchés étaient purement mathématiques, on pourrait essayer d’anticiper les mouvements de prix avec des ordinateurs et un diplôme de maths. Bon nombre de gens ont essayé. Pour autant que nous en sachions, aucun n’a jamais vraiment réussi.

    * Ce ne sont pas non plus des systèmes mécaniques. Lorsque les cours baissent, on ne peut pas resserrer des boulons... tirer des leviers... On ne peut pas ajouter du carburant ou graisser les rouages. Ce n’est pas aussi simple.

    * Non, les marchés sont des systèmes naturels complexes... Comme une maîtresse, on peut les amadouer et les manipuler... mais on ne peut jamais les contrôler ou les prédire. C’est ce qui les rend aussi intéressants, bien entendu.

    * Les marchés sont toujours en train de nous apprendre quelque chose... de nous corriger... de nous donner un bon coup de pied au derrière. Ce sont des leçons morales... au sens large. C’est-à-dire que si vous faites le mauvais choix, vous en êtes puni. Marchez sur un râteau, vous vous le prendrez dans la figure.

    * Le but d’un marché baissier est de corriger les erreurs du boom qui l’a précédé. Parmi les principales erreurs, il y a celle consistant à penser qu’on peut gagner de l’argent en spéculant en Bourse. Une fois que cette idée est installée, le bon sens passe par la fenêtre. Les gens achètent des dot.com sans business plan... et des constructeurs immobiliers à 40 fois les bénéfices :

    * Mais c’est ainsi qu’on saura que la correction est terminée : lorsque les gens abandonneront les marchés boursiers... lorsqu’ils ne voudront plus avoir affaire à eux. Si l’on en juge par l’actualité du moment... nous en sommes encore loin.

    * Préparez-vous à un autre krach... la prochaine étape baissière de cette correction historique... le prochain coup de pied au derrière... la prochaine leçon mora


  • W.Best fonzibrain 6 août 2009 14:55

    en moins de six mois la bourse chinoise a doublé,lol,ils n’ont vraiment rien compris


    la chute va etre terrible,ils sont vraiment à la masse

    • Pierre93 9 août 2009 09:48

      Comme l’article le décrit, il y a des masses d’argent disponibles dans le monde du fait des plans de relance gouvernementaux. Si en Occident la récession est évidente, la Chine offre encore un taux de croissance de 9%. Ces capitaux sont donc automatiquement attirés par cette performance.Il est évident qu’il se forme des bulles, et que des spéculateurs (et des pigeons) resteront sur le carreau tandis que d’autre se verront attribuer de méga bonus. Vu sous un autre angle, tandis que cette logique de casino permet à certains de se remplir rapidement les poches, dans le même temps nos industries disparaissent mais la Chine commence à fabriquer ses TGV, ses Airbus, etc... Il est évident qu’actuellement en occident le financier spéculatif domine le politique, mais cette hérésie prendra fin. Ce jour là la Chine dominera le monde, car elle joue le temps et construit patiemment son modèle. Il est tout à fait possible et même probable que les gigantesques réserves de dollars de la Chine se dévalorisent avec le fonctionnement à outrance de la planche à billet aux USA, il n’empêche que la Chine continue à développer son potentiel industriel, et que quand ce marasme financier se sera calmé, elle sera incontournable.


  • franck2010 6 août 2009 17:07

    Nous serons balayés par une crise sans précédent. Les tenants de ce système le feront perdurer jusqu’au dernier super-bonus. Ils n’ont pas le choix , autrement ils doivent accepter de revenir à un système qui ne les privilègiront plus. Il n’y a pas d’exemple qu’une classe sociale abandonne d’elle-même ses bonus, ses parachutes, ses rentes...

    La super-classe mondialisée se voit comme l’héritière de toutes les avancés de la civilisation . Dialectiquement elle se retrouvera dans le rôle de la super-classe parasite, au moment de la crise qui emportera le système. Alors et seulement alors un nouveau système émergera.

    Ils sont irrécupérables, ils faudra songer à les éliminer.

    Je sais que ce que j’écris là paraît abominable.... :)....mais je m’en fous je ne serais pas là pour participer à l’épuration. Votre inertie leur permettant de commettre encore suffisament de crimes économiques pour le siècle qui vient !




  • tvargentine.com lerma 6 août 2009 18:25

    De toute façon la situation est bloquée car si vous annoncez une reprise,la spéculation reprend sur le pétrole et compte tenu que les constructeurs n’ont rien fait pour changer (il faut du temps) les consommateurs arrêtont la machine comme voici 1 an

    Nous pouvons plutot penser à une reprise économique qui sert les intérets des américains et des chinois dans le meilleur des monde,c’est à dire une sorte de krack rampant comme au JAPON dans les années 90 quand la bulle immobilière avait explosé

    Cela à durer 10 ans

    Les chinois,ne veulent pas se retrouver dépouillé et les américains n’ont aucun intérêt en terme de crédibilité financière à laisser les chinois payer la crise à leur place

    Effectivement,je pense comme l’auteur de l’article,que cela peut durer quelques années

    http://www.tvargentine.com/


  • MiLaban 6 août 2009 20:43

    Je suis d’accord on néglige un peu trop l’aspect sociologie .Quelle place a t il au milieu de ces plus et moins ?les gens se lassent à partir de quand ?quel pourcentage est nécessaire pour basculer dans un sens ou dans l’autre.


  • Tzecoatl Tzecoatl 6 août 2009 23:44

    Mr Santi, vous vous égarez. Il aurait fallu titrer :
    « Etats-Unis, Chine : Pour le pire et pour le prix »
    Non, plus sérieusement, l’économie chinoise est supérieure en efficacité (mais pas en bien-être) car elle a une volonté politique forte, ce qu’a connue la Corée du Sud lors de la formation de ses conglomérats et la France gaulliste, là où entrepreneurs, travailleurs et consommateurs mondialisés perdent confiance dans le flou des décisions économiques d’autrui. Les medias ont beau pérorer (ça leur change du catastrophisme de l’automne 2008) la bouche en coeur avec les leaders politico-économiques que la sauce reprend, faut encore que la béchamel suive.

    Quand à votre conclusion, je la trouve en tout point timoré. Vous pourrez constater cependant que je propose dans mon dernier article (en modération) la fin de ce dilemne, tout au plus un peu d’amusement dans le cas où la 3ème proposition serait applicable z’et appliqué.


  • nortydal 8 août 2009 13:37

    "Laquelle remontée du dollar pourrait être provoquée par la hausse des taux d’intérêts Américains dans le cadre de la lutte de la Fed contre une intensification des pressions inflationnistes.« 

     »maintien du taux de chômage aux Etats-Unis autour des niveaux actuels"

    Et si le chômage continuait d’augmenter ?
    Quels conséquences aurait une hausse des taux d’intérêts sur le marché immobiler ? et plus généralement sur les remboursements de crédits ?


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