Extraire n’est pas produire
Dans la lumière du lampadaire économique, les seules activités économiques visibles sont la production, l’échange et la consommation. Dans la lumière du lampadaire économique, on ne voit que de l’argent (qu’on appelle monnaie) : https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/le-lampadaire-economique-234378
La consommation est la destruction de la production pour que la vie continue. J’achète une baguette, je la mange sinon je meurs, la manger la détruit, et je recommence le lendemain parce que je dois de nouveau manger pour ne pas mourir. Le boulanger recommence aussi.
Par extension de cette idée, tout ce que je détruis pour vivre est réputé avoir été produit.
Je brûle du pétrole dans ma voiture pour aller quelque part, ce pétrole n’est plus là, il est consommé, détruit, il a donc été produit. Cette démarche intellectuelle est un impensé.
Cette boucle à deux termes, production-consommation, qu’on a dans la tête parce qu’elle sert de base à tous les discours économiques est fausse, parce qu’elle ne dit pas ce qui se passe réellement.
Nous n’avons pas produit le pétrole, nous l’avons extrait.
On ne produit pas l’énergie. Personne n’a la capacité de produire de l’énergie. L’énergie se transforme. Une de ses transformations la plus importante est la dispersion.
Quand une voiture roule, le pétrole raffiné qui brûle dans ses cylindres, transforme l’énergie que ce pétrole contient en déplacement et nous avons tendance à ne voir que cela, parce qu’il n’y a que cela qui nous intéresse. Cependant, seuls 30% de ce pétrole deviennent du déplacement de la boite à roues dans laquelle nous sommes, les 70% restant deviennent principalement de la chaleur qui se disperse dans l’air et n’est plus utilisable (il s’agit d’ordres de grandeur). L’énergie est utilisable par les hommes quand elle arrive à se concentrer.
On ne produit pas l’énergie. Il y a une équivalence entre la matière et l’énergie. Cependant, rares sont les matières qui sont aisées à transformer en énergie utile pour nous. On n’utilise (on ne peut utiliser) que certaines matières (le bois, le charbon, le gaz, le pétrole…). Donc on convertit certaines matières en énergie mécanique, c’est-à-dire en mouvement de certains objets, de machines qu’on invente (voiture, train, avion) ou en énergie calorifique quand cela nous intéresse de chauffer l’air de nos appartements, l’eau pour les cuissons diverses, pour les nouilles, pour la douche… ou, pour de l’énergie mécanique : pour les locomotives à vapeur (dépassées), les centrales nucléaires… Quand on veut de l’énergie mécanique, du mouvement, on ne peut empêcher qu’une partie de l’énergie initiale nécessaire se transforme en chaleur, ce qui est, pour nous, une déperdition.
Ce sont, en gros, les végétaux, les animaux, le plancton… qui ont produit le pétrole, par un processus lent, long de quelques dizaines de millions d’années, de transformation dans le sol. Cette production par la nature (c’est-à-dire indépendante des hommes) suppose un certain nombre de conditions spécifiques. Elle n’a eu lieu que dans certains endroits. Il faut aussi que le pétrole migre et trouve des poches, ce qui n’est pas toujours le cas (encore une question de concentration-dispersion).
Si, dans un moteur de recherche du web, vous tapez « production de pétrole », vous aurez l’action économique humaine.
Pour connaître la production du pétrole, réelle, telle que cette production se fait par la nature, sans travail des hommes, dans des durées inaccessibles à l’humanité, il faut taper « formation du pétrole ». En général, en fin des explications sur la « formation du pétrole » arrivent les paragraphes « exploitation » qui est un mot convenable, qui parle de ce qu’il se passe, et souvent « production, on devrait dire extraction » (après avoir fait cette remarque indispensable, on reprend le terme de production).
Il faudrait faire le même commentaire avec les termes du lampadaire : production animale, dire prélèvement (?) ; production agricole, dire culture agricole, cultivation, si on veut distinguer le soin à la vie de la plante et le prélèvement de ses fruits.
Avec le blé, l’homme produit le pain, les gâteaux, les pâtes… mais il ne produit pas le blé, ni la farine. Avec le raisin, l’homme produit du vin, mais il ne produit pas le raisin, ni la vigne.
Avec des matières « énergétiques », l’homme produit des déplacements mécaniques, et, involontairement, beaucoup d’autres transformations. Il sait rendre utile à ses désirs et à ses besoins une faible part de l’énergie contenue dans certaines matières.
Mais il ne produit pas l’énergie, il la disperse (du point de vue de l’énergie contenue dans la matière, le déplacement qui motive l’homme est tout autant une dispersion que la chaleur ou le CO2 répandu). Disperser est le mot qui dit notre action.
Dans le rond de lumière que nous professe l’économie, via les médias, journaux, radios, télés… il n’y a pas ces mots, ces idées d’extraction, de cultivation, de prélèvement…
Il n’y a que consommation-production médiatisée par de la monnaie, l’économie traite de la monnaie.
Prenez vos lampes de poches et sortez de ce rond, vous verrez alors ce qui est vraiment important.