samedi 29 janvier 2011 - par Michel Santi

Forum de Davos ou Forum des égoïsmes ?

Les ondes de choc qui marquent notre temps apparaissent très clairement à l’occasion de ce « World Economic Forum » de Davos. La crise semble s’estomper en ce début 2011 non sans laisser des stigmates indéniables ainsi qu’une nouvelle donne économique mondiale d’une complexité inouïe. En fait, les grands déséquilibres financiers et commerciaux internationaux – partiellement responsables de la crise - entre nations bénéficiant d’une très forte croissance qui placent leurs immenses excédents auprès de pays à la croissance anémique n’ont, de loin, pas été résorbés. Ils ont même été amplifiés par des tourmentes financières qui accentuent la dépendance des économies développées (croulant désormais sous le poids de leur endettement) aux liquidités des pays émergents.

Les politiques Keynésiennes hyper expansionnistes mises en place depuis 2008 dans le double espoir de sauver les fleurons de notre finance et de relancer la consommation Occidentale se soldent aujourd’hui, de manière très prévisible, par l’explosion des déficits et par l’avènement d’un mal que les banquiers centraux pensaient avoir relégué au musée, à savoir l’inflation. Est-il vraiment étonnant que les prix des denrées alimentaires et des matières premières flambent dans un contexte où les Etats-Unis activent frénétiquement leur planche à billets ? En réalité, les programmes des baisses de taux quantitatives (le dernier en date, réaffirmé mercredi 26 Janvier par la Fed, étant de 600 milliards de dollars) accentueront davantage et déséquilibres et inflation puisqu’ils contribuent notablement à soutenir les importations américaines et, en conséquence, à entretenir tout à la fois les exportations comme les surplus des pays émergents.

Et c’est à ce moment très précis que tous les regards se tournent vers une Chine accusée de tous nos maux et dont on espère qu’elle se décidera enfin à stimuler sa consommation intérieure au lieu de pomper ses excédents à partir de ses seules exportations… Nos autorités politiques et économiques (particulièrement aux USA) ne semblent décidément toujours pas avoir assimilé le fait, limpide, que c’est leurs politiques keynésiennes qui sont aujourd’hui responsables de la bulle inflationniste comme du gonflement des excédents commerciaux de ces pays émergents. Le consensus est certes établi car, et pour reprendre une expression entendue quotidiennement ici à Davos, nous sommes tous – « de Béijing à Boston et de Birmingham à Brisbane » – dans le même bateau. Dit autrement hier encore par Nouriel Roubini, alias Dr Doom, 10% de croissance en Chine équivalent à 10% de chômage aux Etats-Unis…

Dans l’optique de réduire ces déséquilibres, il est donc politiquement correct de plaider pour un retour de balancier consistant à améliorer la demande intérieure des pays du Sud et de l’Est tout en relançant l’investissement et les exportations du Nord et de l’Ouest. Les décisions économiques et financières cruciales qui s’imposent à l’Ouest sont en réalité remises à plus tard faute de volonté et de courage politique. Un des Chefs d’Etat les plus entreprenants de la planète – le Président Obama – semble même aujourd’hui décidé à faire l’impasse sur la lutte, pourtant vitale, contre les déficits de son pays en prévision d’un second mandat dont les chances seraient hypothéquées par une aggravation du chômage…

L’esprit même de coopération, et ce dans des domaines très divers et variés, vient donc cruellement à manquer. Sur plus de six cent accords commerciaux, pourquoi les Etats-Unis ne sont-ils signataires que d’une petite vingtaine ? A Davos, pour qui veut bien se donner la peine d’être lucide, le constat est sans appel et la tristesse évidente : la reprise économique s’annonce lourde de menaces car ce sera du chacun pour soi. Après le G 8 et autres G 20, place au G 0 ou, dit autrement, place au degré zéro de coopération et de concertation internationales.



4 réactions


  • LE CHAT LE CHAT 29 janvier 2011 11:36

    Non , juste un rassemblement de collectioneurs de rollex !  smiley


  • Ferdinand_Pecora 29 janvier 2011 11:39

    Paru dans le Wall Street Journal  : « Davos : le Congrès du nouveau Moyen-Age » et en français ci-dessous :


    « Un nouveau ’momentum à la San Francisco’ 1945 recréant les Nations-Unies ou même un sommet pour un ’nouveau Bretton Woods’ ne sont pas en mesure d’assurer la stabilité géopolitique et la prospérité du monde. Cette forme archaïque de pensée est un vestige égotique d’un monde mené par l’Occident. Plus fondamentalement, il s’agit même des restes d’un monde westphalien Etat-centrique. Eh bien c’en est fini. Nous sommes entrés dans un nouveau Moyen-âge : une ère ressemblant de très près au monde pré-westphalien d’il y a environ mille ans. C’est cette période de l’histoire où l’Orient étant aussi puissant (voir plus) que l’Occident, les villes avaient plus d’importance que les nations, des dynasties et compagnies commerciales puissantes étaient le moteur de la croissance et de l’innovation, des mercenaires privés combattaient dans toutes les guerres, les croisades religieuses façonnaient les relations interculturelles, et les nouvelles routes terrestres et maritimes donnaient naissance à la (presque) première économie globale. » Ca fait rêver ! Dans sa grande sagesse, Khanna, nous enseigne par ailleurs qui si ce monde idéal avait disparu, c’était à cause d’un curieux phénomène rétrograde qu’il identifie sous le terme « patriotisme », qui avait remplacé la diplomatie des puissants par la diplomatie de la souveraineté.

    « Le meilleur endroit pour admirer le modèle [ancien] de diplomatie en plein nouveau Moyen-âge, est sous nos yeux, dans l’enclave suisse de Davos, où se réunissent chaque année les gens les plus influents : chefs d’Etat, PDG, maires, leaders religieux, présidents d’ONG, présidents d’université, célébrités et artistes (…) ce rassemblement ’de capitalistes, de mondialistes et de futuristes’ sembvle fonctionner précisément parce qu’il n’a ni structure formelle, ni officielle. Davos n’a rien à voir avec la souveraineté et tout à voir avec l’autorité  : c’est une relation de pairs entre tous ceux qui sont quelqu’un. Où ailleurs peut-on voir les PDG du Fortune 500, des ministres américains, le maire de Londres, le Premier ministre de Catalogne, le président de l’Export-Import Bank chinoise, des investisseurs-hommes d’Etat comme Georges Soros, des rock-stars militantes comme Bono et des milliardaires philanthropes comme Bill Gates se parler directement et honnêtement pour former de nouvelles associations sur le champ ? A comparer au système diplomatique contemporain inter-Etats, Davos représente l’anti-diplomatie. »



  • Tzecoatl Claude Simon 29 janvier 2011 17:04

    Que l’occident et ses élites libérales continuent à subventionner l’autocratie chinoise, les élites en auront bien besoin avant de récolter définitivement la révolte :



  • ddacoudre ddacoudre 29 janvier 2011 21:44

    bonjour michel

    l’absence du rôle justement keynésien de l’état qui ne consiste pas seulement à injecter de la monnaie dans les banques qu’elle emprunte sur le marché et que prête aussi ces mêmes banques, ne peut être qualifié de keynésienne car il manque deux volets celui de la capacité d’émettre de la monnaie et la capacité de l’état de définir par le plan des projets sociaux-économique pour fixer les investissements ailleurs que dans la spéculation, certes l’inflation en été une difficulté mais entre nous, que la monnaie en surplus se détruise par l’inflation ou l’explosion de bulle, le résultat et le même, sauf que cette destruction cette fois ci à été compensé par les états pour soutenir leur système libéral.
    enfin la Chine et les USA vont certainement se partager le monde dans un nouveau Yalta d’où nous seront exclus, comme ils sont entrain de nous exclure du Magrheb.

    cordialement.


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