France/Allemagne et la régionalisation
L’Allemagne est de toute éternité basée sur un système fédéral,
avec des régions fortes et indépendantes, appelées Länder, et un État fédéral.
L’exacte inverse de l’organisation politique à la française, de type hyper
centralisateur, avec le pouvoir de l’État régalien, qui s’occupe de tout et
dispose de tout à Paris, et des régions à qui on a laissé quelques miettes de
pouvoir ici et là. Cette belle organisation et la philosophie centralisatrice sur laquelle elle repose datent
de la Royauté d’abord, et a été confirmée par la République et par l’Empire ensuite.
Par un curieux mouvement des idées et de l’histoire,
l’organisation politique de la France évolue vers une plus grande décentralisation
et une plus grande autonomie des régions, tandis qu’en Allemagne, tout en souhaitant
aller dans le même sens, on s’aperçoit aujourd’hui des limites qui découlent de ce
modèle fédéral. Il y a donc peut-être des leçons à tirer de l’antériorité de
l’Allemagne dans ce type d’organisation.
Car l’État fédéral allemand, qui souhaiterait transférer
d’autres responsabilités vers les Länder, enregistre aujourd’hui un grave endettement. L’endettement total des Länder est en effet de l’ordre de
350 milliards d’euros, avec le land de Rhénanie-Westphalie, certes le plus
peuplé du pays, endetté jusqu’au cou pour plus de 100 milliards d’euros, et
celui de Brême, qui a un endettement par habitant record de 17 000 euros (18 000
par Français en comparaison). Les raisons en sont un train de vie dispendieux
d’un côté, et surtout des effectifs très élevés dans la fonction publique
territoriale, avec 2.12 millions de personnels territoriaux pour les 16 Länder.
L’État fédéral allemand est soumis aux mêmes contraintes que
le nôtre par Bruxelles, c’est-à-dire qu’il doit présenter des budgets 2006 et
2007 qui respectent la règle des 3 pct maximum de déficit, sous peine d’être
pénalisé. Un peu comme en France, une méthode consiste à transférer aux Länder
des compétences nouvelles, sans leur transférer, en tout ou partie, les recettes correspondantes.
En France, nous en sommes un peu au même point, en ce qui
concerne le budget et la pression de Bruxelles pour imposer un respect des
3 pct maximum de déficit. Nous avons aussi commencé à transférer certaines
responsabilités par la loi de décentralisation chère à Monsieur Raffarin. Le
transfert des recettes est un sujet de débat et pose problème, comme vous vous
en êtes sans doute aperçus. Seul avantage significatif, nos régions, étant de
création récente, sont peu ou pas endettées du tout. Ce qui explique le prurit
d’augmentation des budgets de tous nos nouveaux roitelets, et le souci
corrélatif du gouvernement de contrôler immédiatement ces dérives (qui rentrent
dans le calcul du déficit de Bruxelles) en imposant la règle nouvelle du 60 pct
maximum de pression fiscale par rapport aux revenus. Comme je vous l’ai déjà
expliqué dans un précédent article, ce pourcentage maximum, tous impôts
confondus, IR, ISF, taxes foncières et taxe d’habitation, impose une certaine
sagesse à nos dirigeants régionaux. C’est pourquoi, d’ailleurs, ils ont protesté,
en rappelant l’incompatibilité entre les limites que leur impose l’État et leur mandat électif, qui leur donne toute liberté de fixer leurs budgets
comme ils le souhaitent.
Espérons que ce parallèle entre des systèmes finalement assez similaires mais saisis à différentes périodes de leur existence convaincra nos dirigeants régionaux d’être raisonnables sur les dépenses et les effectifs...