Idées reçues sur le chômage (fin)
13 - L’allègement de charges crée des emplois. VRAI !
« Les allègements de charges sur les bas salaires créent beaucoup d’emplois. Il en résulte de nouvelles rentrées fiscales et des économies au titre des allocations chômage et des minima sociaux. » p.78
14 - L’assistanat mal pensé et à tout prix est contreproductif. VRAI
Il faut distinguer, selon les deux auteurs, les bonnes incitations qui conduisent au but recherché, des mauvaises, qui engendrent des effets pervers. Ainsi, « en France, des allocataires de minima sociaux (?) vivent des transferts sociaux attribués par le régime de solidarité et ne peuvent espérer que des salaires peu élevés s’ils parviennent à trouver du travail. Pour eux, le retour vers l’emploi n’apporte pas, ou peu d’avantages financiers par rapport à ce qu’ils reçoivent dans leur situation d’assistés. Ce phénomène est amplifié par les frais occasionnés par l’exercice d’un métier (transports, garde d’enfants, impôts sur les revenus du travail, etc.). Ces personnes se trouvent ainsi enfermées dans une « trappe à inactivité ». » p.84 Ce raisonnement est purement économique et ne mesure en rien le désir de travailler pour exister socialement, même si la « rentabilité » n’est pas au rendez-vous, mais il est utile d’examiner tous les effets lorsque l’on crée des incitations. Alors qu’une expérience canadienne de « prime au retour à l’emploi » a largement montré son intérêt, le dispositif identique français illustre encore le « trop peu, trop tard » habituel à nos technocrates. « Tout d’abord, la loi et le barème sont effroyablement complexes » p.99 « Les montants maximaux de la prime sont aussi très modestes. » id « Le PPE distribue peu d’argent, mais à beaucoup de monde. Ce qui fait qu’en définitive son coût est très élevé. » p.100
15 - La protection de l’emploi a des effets pervers. VRAI
« La protection de l’emploi modifie les politiques de recrutement et de licenciement des entreprises sans influencer significativement le nombre de postes de travail dont les entreprises ont besoin. Son impact essentiel consiste finalement à répartir les risques de façon très inégalitaire. La législation actuelle (française) protège les emplois des salariés dotés d’une certaine ancienneté, mais pousse les entreprises à utiliser abondamment les contrats à durée limitée. Elle accentue ainsi la segmentation du marché du travail entre, d’une part des salariés protégés ayant accès à des emplois stables et, d’autre part, des salariés contraints d’accepter des contrats à durée limitée et des chômeurs ayant, en moyenne, peu de chances de retrouver du travail rapidement. » p.139 Si l’on invoque politiquement la « réduction des inégalités », voici un terrain propice !
16 - Des incitations valent mieux que des réglementations rigides. VRAI« Un mécanisme de bonus-malus, dans lequel le taux de cotisation à l’assurance chômage d’une entreprise augmente avec le nombre de licenciements auxquels elle a procédé, permet de limiter les destructions d’emplois inefficaces. Il constitue une forme de protection de l’emploi qui incite les employeurs à prendre en compte les coûts qu’ils infligent à l’assurance chômage et aux comptes sociaux lorsqu’ils détruisent des emplois. » Cela n’a pas été tenté en France. Et pourtant, « un tel système joue un rôle central dans le financement de l’assurance chômage aux Etats-Unis » p.143 Un pays pourtant « ultra » libéral, n’est-ce pas ? Pierre Cahuc
Reste la formation, dont les auteurs montrent qu’elle est d’autant plus efficace qu’elle est faite tôt dans la vie, dès l’école maternelle, afin de socialiser les enfants dans de bonnes conditions. En revanche, la formation des adultes n’est utile pour retrouver un emploi que si elle est proche de leur savoir acquis. Une complète reconversion n’apparaît pas « rentable » au sens économique. C’est peut-être là que je ne reprends pas totalement à mon compte l’idée. Je constate, au vu des études citées, le faible atout que présente une formation nouvelle pour retrouver un emploi, surtout lorsqu’on avance en âge. Mais la souplesse d’esprit, la curiosité pour aborder un domaine neuf, les compétences annexes acquises, sont quand même un atout dans un CV comme lors des entretiens d’embauche. C’est amusant, dans la finance, mes futurs employeurs m’ont toujours parlé de l’archéologie qui figure dans mon CV comme d’un élément d’originalité qui avait retenu leur attention. La formation n’est pas la panacée qui permet de retrouver un emploi mais elle aide, au moins psychologiquement celui qui cherche.
Les auteurs n’abordent le chômage que sous l’angle de l’économie empirique : comment il naît, ce qui le fait durer dans les pays où, comme en France, il reste plus élevé qu’ailleurs, et les solutions qui donnent des résultats. Le livre n’aborde pas l’aspect personnel et sociétal du chômage, la solitude, le sentiment d’abandon, d’inutilité sociale. Cet aspect non-économique est aussi la vérité du chômage. Le choix politique pourrait alors utilement s’orienter vers les solutions économiques les plus rentables qui, en même temps, apportent une réponse humaine aux chômeurs. La réforme des ANPE/ASSEDIC vers un plus grand suivi personnalisé des individus, comme cela se pratique en Suisse, en Suède et en Angleterre, donnerait probablement les meilleurs résultats.
Une conclusion des auteurs qui est entièrement mienne : « Pour affronter le réel et tenter de le comprendre, il faut s’extraire du monde des croyances et entrer résolument dans celui des évaluations, en priorité pour ce qui concerne les politiques publiques. » p.196 Sinon, on se contente d’attendre « le retour de la croissance, comme les anciens attendaient la pluie. »
Pierre Cahuc & André Zylberberg, Le chômage fatalité ou nécessité ? 2004 Flammarion, 197p