samedi 24 mai 2008 - par Abolab

Introduction au CMN : Revenu d’Existence, refondation de l’économie ?

Introduction au Cycle Monétaire Négatif. Un récent article signalait que le Premier Ministre François Fillon a mandaté un groupe de travail pour réfléchir à la possibilité d’instauration en France d’un Revenu d’Existence, qui pourrait remplacer à terme, le Revenu Minimum d’Insertion. La barrière psychologique d’un tel revenu franchie au niveau de l’Etat, celle, financière, de la mise en application d’une telle mesure n’en demeure pas moins plus délicate à dépasser. Mais si l’idée d’un Revenu d’Existence peut être intéressante, nous allons voir qu’elle est économiquement déterminée par les faiblesses du modèle économique actuel, basé, paradoxalement pour un système libéral, sur une interdiction, et non sur une libéralisation monétaire, et sur une division de l’économie, régulée par une politique économique européenne centralisée au niveau des nations.

Les trois principes théoriques du Revenu d’Existence

Le Revenu d’Existence (RE) s’inscrit dans la droite ligne de l’idée d’une allocation universelle, dont disposeraient tous les citoyens. Elle s’inscrit comme toutes les allocations existantes dans l’ancien modèle libéral historique qui attribue à l’Etat une position de distributeur légal de telles allocations en direction des citoyens concernés. Ce revenu se définit ainsi comme allouable, déductible et capitalisable.

Allouable, le Revenu d’Existence est distribué par l’Etat et est donc soumis potentiellement aux restrictions budgétaires politiques de ce dernier.

Déductible, le Revenu d’Existence est ponctionné sur le salaire minimum légal. En effet, selon l’Association Pour le Revenu d’Existence (AIRE), un salarié au SMIC perçoit 960 euros net par mois. Cela inclut 300 euros de Revenu d’Existence. Le RE n’est donc pas théoriquement une création monétaire, car se déduisant de la masse monétaire déjà effective dans le cadre de l’économie actuelle.

Capitalisable, le Revenu d’Existence se définit, toujours selon l’AIRE, par l’ouverture d’un compte spécialisé : A l’ouverture du plan de transition, chaque citoyen ouvre dans la banque de son choix, pour lui et ses enfants, un nouveau " compte d’existence " individuel. Chaque mois le compte sera crédité du montant du RE.

Les principes d’allouabilité, de déductibilité et de capitalisabilité, définissent donc le Revenu d’Existence (RE), mais en constituent également les limites et les restrictions nouvelles ou anciennes, héritées du sytème monétaire actuel.


Critiques théoriques du Revenu d’Existence

Aussi, plusieurs critiques théoriques peuvent être énoncées sur cette réforme potentielle :

1°) Le Revenu d’Existence apparaît comme une mesure politico-économique centralisée.

Le plan de financement du RE se place dans ses fondement au niveau de la politique économique internationale, et nécessite d’enfreindre pour sa mise en place son deuxième principe de définition : le principe de déductibilité. En effet, son lancement nécessite selon l’AIRE, la mise à contribution du réseau bancaire, par de la création monétaire, sous forme d’un prêt non remboursable sur cinq ans dont les intérêts seraient pris en charge par l’Etat. Le Revenu d’Existence serait par la suite financé par les impôts. De part son principe d’allouabilité, il correspond donc à la mise en place d’une centralisation nationale des distributions, qui se concrétise par son évaluation arbitraire au regard du marché. Cette centralisation sous l’égide de l’Etat n’est donc pas à l’abri des aléas politiques nationaux, en transférant son financement hors du flux monétaire lui-même représenté par le réseau bancaire, qui seul peut garantir la faisabilité et la fiabilité du système économique.

2°) Le Revenu d’Existence autorise la création d’une économie parallèle de la pauvreté

De part son principe de capitalisabilité discriminante (création d’un « compte d’existence »), le Revenu d’Existence permet la mise en place au sein même du système bancaire d’une économie parallèle de la pauvreté. Car si le RE, de part son principe de déductibilité, concerne tous les citoyens, sa capitalisation concerne sans exception toutes les classes sociales défavorisées de la société, ce qui est d’autant plus accéléré, par la prévision de suppression de tout un large panel d’aides sociales accompagnant la mise en place de cette réforme. Ce regroupement bancaire de toute une partie de la population de part ses revenus apparaît comme discriminante, et segmente l’économie dans une logique à terme, à double vitesse : en séparant l’économie d’existence de l’économie normalisée, au niveau bancaire, l’Etat autorise la spéculation financière ciblée et garantie, sur les classes de population les plus pauvres.

3°) Le Revenu d’Existence ne répond pas aux contraintes nouvelles de l’économie mondialisée.

La dette publique des états, les déficits publics en terme de sécurité sociale, le problème des retraites, des allocations chômage ou celles concernant les personnes dites « non-actives », toutes ces contraintes économiques gouvernementales héritées du modèle libéral historique alourdissent considérablement les activités politiques actuelles. Les solutions apportées, le plus souvent composées de mesures isolées et fragmentaires, demeurent insuffisantes, et restent inscrites dans un système économique régi par un réseau bancaire dont les outils fiscaux deviennent de plus en plus complexes, et sur lesquels les citoyens n’ont plus de prise. Dans une perspective de gestion éco-compatible des activités humaines avec l’économie mondialisée, le Revenu d’Existence ne s’inscrit pas dans une relocalisation de l’économie monétaire incitant à l’entrepeuneuriat individuel, mais dans une logique d’assistanat étendu, déconnectée des marchés directs, et celle uniformisante de blocs économiques nationaux en compétition à l’échelle de la communauté de marché européenne.



Le Revenu d’Existence, révélateur du non libéralisme de l’économie monétaire européenne


De part son principe de déductibilité, le Revenu d’Existence ne consiste pas en une création monétaire, mais à une transformation et à un transfert de logistique économique. Cependant, son lancement nécessite l’appui du réseau bancaire par de la création monétaire sous forme d’une rente perpétuelle dans le cadre d’un plan quinquennal. Cet état de fait souligne la contradiction économique existant au cœur du sytème libéral actuel, la politique économique européenne étant basée sur une interdiction et non sur une libéralisation monétaire.

En effet, la Banque Centrale Européenne (BCE) et le pacte de Stabilité et de Croissance européen reposent sur un interdit institutionnel d’accorder des découverts à des organismes ou institutions non bancaires, énoncé dans le Traité instituant la Communauté Européenne à l’article 101 (ex article 104), et conformément au Traité de Lisbonne, ceci afin bien sûr d’éviter la corruption mais aussi la banqueroute des acteurs économiques hors réseaux bancaires. Cette interdiction repose sur la division institutionnelle entre le réseau bancaire, garant économique de la Communauté, et les acteurs institutionnels économique et politique de cette Communauté. Aussi, dans une optique d’économie mondialisée éco-compatible aux activités humaines (cf par exemple le principe de longue-traîne énergétique), l’interdiction de découverts, appliquée aux institutions, ne se légitime pas, économiquement, en ce qui concerne les individus composant la Communauté, et la libéralisation de ces découverts par le réseau bancaire constitue une réelle possibilité d’alternative directe au Revenu d’Existence, qui est quant à lui centralisé de manière étatique et déconnecté des réseaux bancaires et donc des marchés.





Pour les particuliers, ce sont les banques dites de détail qui gèrent et s’occupent du commerce de l’argent et de son flux dans le cycle monétaire bancaire. Au niveau des Etats, les banques centrales réglementent et supervisent les activités bancaires territoriales, ainsi que la production de monnaie, en vue de réguler la croissance selon des objectifs définis dans le cadre de l’Union Européenne, par des consensus entre les Etats membres. La Banque Centrale Européenne (BCE) ne peut prêter qu’aux organismes de crédits publics ou privés, et ces derniers n’autorisent des découverts aux citoyens que de manière limitée et soumise, par exemple en France, à l’ "Autorité des Marchés Financiers" (AMF). L’autorisation de découvert ou « facilité de caisse » est couramment proposée par les banques à leurs clients, de manière temporaire ou permanente, sur des montants limités, permettant ainsi de faire une avance à un client sur un revenu, allant même jusqu’à la forme de prêts encore appelés : « crédit à la consommation ». Le découvert permet généralement pour le client de la banque de pallier à une situation débitrice de courte durée (quelques jours à quelques mois, selon les banques et la situation financière du client). Ce système de monétarisation négative limitée est à la base du cycle de monétarisation négative.


Le Cycle Monétaire Négatif

Tiraillés entre l’étatisme et la libéralisation tout azimut des marchés, les gouvernements semblent ne pas trouver de mesures adéquates aux contraintes économiques et sociales, dans le système bancaire actuel, et c’est pourquoi une nouvelle approche de la régularisation du commerce monétaire de détail est à envisager afin de dépasser les contradictions inhérentes au libéralisme actuel.

Un cycle de monétarisation négative ouvert, ou « découvert illimité » permet de s’affranchir des multiples complications économiques générées par le système bancaire actuel, au service des Etats et non des particuliers, et peut remplacer avantageusement un Revenu d’Existence, tout en évacuant ses contraintes. Effectivement, par rapport au Revenu d’Existence, le principe de « découvert illimité » recouvre un spectre d’action économique beaucoup plus large, et définit un Revenu Minimum Vital (ou de Subsistance), non pas arbitrairement évalué, mais calculé en fonction d’un taux d’Autorisation de Découvert directement lié au taux de croissance du PIB d’une nation.

D’autre part, ce Revenu de Subsistance est, contrairement au Revenu d’Existence, non allouable, non déductible et non capitalisable, éludant toutes les contraintes identifiées, générées par ce dernier. Instauré pour les particuliers uniquement, le découvert illimité est régulé directement par la masse salariale cliente de la banque, et en fonction de l’activité ou de la non-activité du salarié autorise l’accumulation dégressive des capitaux, par capitalisation négative(1).


Le flux monétaire du découvert étant non capitalisable (principe de : "à un client particulier correspond un compte et un seul"), celui -ci est approvisionné directement par les banques centrales par l’intermédiaire des banques de détails. L’économie de groupe a ainsi un impact direct sur l’équilibre financier global, en étant liée directement à la consommation des individus. Ce cycle de monétarisation négative est régulé par un Taux d’Autorisation de Découvert (tAD), inversement proportionnel au Taux de croissance du territoire (tC) (taux de variation du PIB) , tel que :


tAD(%) = k* 1 / tC

avec :
tAD(%) Taux d’Autorisation de Découvert
k coefficient correcteur (= 1 pour une croissance normalisée de 3%)
tC taux de croissance ou taux de variation du PIB


L’Autorisation de Découvert (AD) est alors de :
AD = s * tAD

s étant le revenu d’activité de la personne considérée (net) (2)



Le Revenu Minimum Vital ou de Subsistance est défini de la manière suivante :
MV = p * AD

avec :
MV MinimumVital
p coefficient de subsistance-logement individualisé (p=1 si pas de loyer à charge)
AD autorisation de découvert normalisée sur le SMIC (3)



Les découverts illimités pour particuliers permettent, outre une véritable libéralisation de l’économie monétaire, une recentralisation de l’économie des places financières sur l’individuel, via l’approvisionnement des banques de détail par les banques centrales. Cette mesure couplée à une régulation des flux internationaux via la simplification des outils boursiers, la mise en place d’un système de gestion des revenus générés par les transferts internationaux via les chambres de compensation internationales, permettrait ainsi de réduire les déficits publics des territoires tout en renforçant leurs systèmes de protection sociale, par un changement de paradigme monétaire bien plus profond dans ses conséquences et plus facile à mettre en place que l’instauration d’un Revenu d’Existence.


(1) Exemple de capitalisation négative : je dispose d’un solde de "moins 1340 euros". Je réapprovisionne de 1000 euros. Mon capital dégressif sera de "moins 340 euros".

(2) Par exemple :Pour une personne au SMIC (disons : 1000 euros net, salaire mensuel), pour un taux de croissance de 3%, le découvert serait de :
AD = (1000 * 1 / 0.03) / 100 = 333, 33 soit une autorisation de découvert de 333, 33 euros net. La personne pourrait donc ponctionner en solde négatif 333,33 euros par mois.

Pour une personne gagnant 1800 euros net (salaire mensuel) :
AD = (1800 * 1 / 0.03)/ 100 = 600 euros nets. La personne pourrait donc ponctionner en solde négatif jusqu’à 600 euros net par mois. La non capitalisation du cycle monétaire négatif répond aux besoins directs des consommateurs, en favorisant son pouvoir d’achat et en maintenant l’efficience et la liquidité des marchés.

(3) Ainsi, pour une personne n’ayant pas de loyer à charge, MV = 333, 33 euros pour un taux de croissance de 3%. Cette personne sans revenu pourrait ponctionner jusqu’à 333, 33 euros par mois sur son compte.


39 réactions


  • Abolab 24 mai 2008 10:41

    Quelques précisions (qui pourront être développées dans un autree article) :

    Il est à noter ce qui n’a pas été avancé dans l’article, que le découvert de la monétarison négative étant non capitalisable est reconduit à durée fixe (à chaque mois et chaque nouveau salaire) : l’ardoise s’efface donc chaque mois.

    D’autre part, en adéquation avec un revenu Minimum de Subsistance, dans un tel système monétaire, une limitation salariale progressive est possible au niveau des hauts salaires, limitation compensée par la virtualisation d’un nouveau capital monétaire de découvert.

    D’autre part, afin de réduire la masse monétaire en circulation, les découverts sont potentiellement limités à un usage électronique ou papier (chèque) d’utilisation.


  • chmoll chmoll 24 mai 2008 12:03

    c comme l’dessin un rond point,ça tourne en rond


    • Abolab 24 mai 2008 12:25

      Excellente remarque Chmoll, d’où la notion de cycle du CMN (Cycle Monétaire Négatif)

      Ce qui est injecté dans l’économie négative (sous forme de découvert activable ou non, et non capitalisable) participe à la régulation du système.


  • Cug Cug 24 mai 2008 12:27

    Comment peut ’on imagniner que Fillon puisse réfléchir à cela ?????

    Et que pense l’auteur de ...

    1/ Démarchandiser toutes les monnaies

    2/ Rendre aux états nations la création monétaire

    Comment peut ’on imagniner que Fillon puisse réfléchir à cela ?????


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 24 mai 2008 17:34

      Des qu’on accepte que la monnaie n’est pas une valeur, mais le véhicule de la valeur, comme l’électricité ou l’hydrogene ne peuvent que transporter une energie, on peut faire bien des choses. Mais ça ne console pas celui qui vit une panne de courant. Pour un autre scenario optimiste, voyez ici ou la.

       Pierre JC Allard


  • nounoue david samadhi 24 mai 2008 12:38

    Moratoire internationale pour la création du RMA !
    Ce moratoire rejoindrait les mouvements qui veulent taxer les transactions financieres virtuelles et sans frontière ni état d’âme ...

    Spéculation et crises : ça suffit !
    Des économistes européens lancent un appel pour une régulation orchestrée par les états et l’abrogation de l’article du traité de Lisbonne sur la libre circulation des capitaux. Pour mettre fin à la déréglementation, responsable de la crise actuelle.

    La finance dérèglementée détruit les sociétés. Silencieusement, au quotidien, quand les actionnaires pressurent les entreprises, c’est-à-dire les salariés, pour en extraire davantage de rentabilité, au Nord comme au Sud. A grand spectacle et avec fracas dans les crises aiguës où se révèlent brutalement les invraisemblables excès de la cupidité spéculative et leur contrecoup sur l’activité et l’emploi. Chômage, précarisation, accroissement des inégalités : les salariés et les plus pauvres sont voués à faire les frais soit de la spéculation, soit des nuisances du krach qui s’ensuit.

    Depuis deux décennies, le cours de la finance mondiale n’est qu’une longue suite de crises : 1987, krach boursier ; 1990, crise immobilière aux Etats-Unis, en Europe et au Japon ; 1994, krach obligataire américain ; 1997 et 1998, crise financière internationale ; 2000-2002, krach internet ; 2007-2008 enfin, crise immobilière et peut-être crise financière globale.

    Pourquoi une telle répétition ? Parce que toutes les entraves à la circulation des capitaux et à « l’innovation » financière ont été abolies. Quant aux banques centrales qui ont laissé enfler la bulle, elles n’ont plus d’autre choix que de se précipiter au secours des banques et des fonds spéculatifs en mal de liquidités.

    Nous n’attendrons pas la prochaine crise sans rien faire et ne supporterons pas plus longtemps les extravagantes inégalités que la finance de marché fait prospérer ni les dangers qu’elle fait courir à tous. Parce que l’instabilité est intrinsèque à la déréglementation financière, comment les dérisoires appels à la « transparence » et à la « moralisation » pourraient-ils y changer quoi que ce soit – et empêcher que les mêmes causes, de nouveau, produisent les mêmes effets ? Y mettre un terme suppose d’intervenir au cœur du « jeu », c’est-à-dire d’en transformer radicalement les structures. Or, au sein de l’Union européenne, toute transformation se heurte à l’invraisemblable protection que les traités ont cru bon d’accorder au capital financier.

    C’est pourquoi nous, citoyens européens, demandons l’abrogation de l’article 56 du Traité de Lisbonne, qui, interdisant toute restriction à ses mouvements, offre au capital financier les conditions de son emprise écrasante sur la société. Et nous demandons également que soit restreinte la « liberté d’établissement » (art. 48) qui laisse opportunément au capital la possibilité de se rendre là où les conditions lui sont le plus favorables, et permettrait ici aux institutions financières de trouver asile à la City de Londres ou ailleurs.

    Si par « liberté » il faut entendre celle des puissances dominantes, aujourd’hui incarnées dans la finance, d’asservir le reste de la société, disons immédiatement que nous n’en voulons pas. Nous préférons celle des peuples à vivre hors de la servitude de la rentabilité financière.

    Elle dispose d’un site web www.stop-finance.org
     

    les crises à répétition sont l’un des symptômes de l’économie néolibérale, responsable de l’instabilité d’un système désormais abstrait et bien loin des réalités humaines.

    Les bourses mondialisées, créatrices de bulles spéculatives.

    Le RMA, « revenu maximal admissible » ?

     

    Ce n’est pas pour des raisons économiques qu’il faut s’interroger sur le RMA (« revenu maximal admissible »), c’est pour des raisons politiques et morales.

     

    C’est la fête sur les marchés boursiers. Champagne et cotillons. Depuis le 1er janvier 2007, les actionnaires des sociétés qui composent le CAC40 [1] à la Bourse de Paris ont vu leur patrimoine grossir de 131 milliards d’euros en raison de la hausse des cours des actions incluses dans cet indice. Près de deux fois plus en quinze semaines que la progression du produit intérieur brut (PIB) de la France au cours de l’ensemble de l’année 2006 (+ 72 milliards d’euros), soit près de 9 milliards d’euros par semaine (deux fois le coût du RMI).

     

    Certes, la comparaison est critiquable puisqu’elle porte sur l’évolution respective d’un flux (le PIB) et celle d’un stock (le patrimoine) dont on sait, en outre, qu’il est détenu pour 55% environ par des non-résidents. Pour autant, le rapprochement n’est pas dénué de signification : en un peu plus d’un trimestre, les actionnaires ont accru leur richesse deux fois plus que l’ensemble des 25 millions de personnes en emploi ont permis de faire progresser la valeur créée par leur travail durant toute une année. Je vois d’ici les conclusions en forme de condamnation que certains procureurs vont se dépêcher de tirer : Taxons le capital, puisque c’est un magot qui ne cesse de grossir ! La France est riche, mais ce sont les actionnaires qui en profitent, pas les travailleurs. Prenons l’argent là où il est : à la Bourse !

     

    Ce n’est évidemment pas si simple. D’abord parce que, s’il arrive que la Bourse monte, il lui arrive aussi de baisser, voire de s’effondrer : le « e-krach » de 2000 est encore dans les mémoires de beaucoup. La détention d’actions est un placement à risque, et pour persuader les détenteurs de capitaux de le privilégier de préférence à d’autres, il faut bien les attirer par une espérance de rémunération plus forte que la moyenne.

     

    Ensuite, les firmes du CAC40 sont pour l’essentiel mondialisées : leurs bénéfices proviennent de leurs filiales étrangères pour une part majoritaire, et leurs actionnaires sont pour la plupart non résidents : dans un monde où la liberté de circulation des capitaux est la règle, les imposer ici plus lourdement qu’ailleurs, c’est la certitude de provoquer la délocalisation d’une partie des sièges sociaux. Enfin, et sans doute surtout, si la tendance est à la hausse des cours, c’est parce que les bénéfices des firmes cotées, et notamment l’ampleur des dividendes qu’elles versent à leurs actionnaires (100 milliards d’euros pour les firmes du CAC40), exercent un effet de levier. Ainsi, lorsque le bénéfice par action passe de 5% une année à 6% l’année suivante, le cours par action tend mathématiquement à progresser d’un cinquième, voire davantage si les opérateurs de marché anticipent que cette croissance des bénéfices se poursuivra. En moyenne, 1 euro de bénéfice en plus se traduit par 15 euros de valorisation du cours de l’action, mais cet effet de levier peut doubler si les opérateurs pensent que la croissance des bénéfices se poursuivra.

     

    Reste que l’inégalité entre le sort des détenteurs d’actions et celui du reste de la population est choquante. Parce qu’elle justifie les rémunérations énormes que s’attribuent, en toute bonne conscience, les dirigeants des firmes concernées, ce qui pousse ensuite ceux qui sont déjà assez bien, voire très bien, lotis à s’estimer insuffisamment rémunérés. François Lenglet, dans un essai stimulant [2], rappelle qu’en 1989 le montant de la rémunération du PDG d’alors de Peugeot, Jacques Calvet, révélé par Le Canard Enchaîné, avait scandalisé. Les 2 millions de francs annuels d’alors (400.000 € d’aujourd’hui) apparaissent pourtant bien bénins au regard des dizaines de millions d’euros gagnés par une poignée de grands dirigeants, qu’ils s’appellent Antoine Zacharias, Lindsay Owen-Jones ou Noël Forgeard.

     

    Certes, cela ne concerne que peu de monde, mais quoi qu’en dise Laurence Parisot – « un parachute doré (…) est une sécurité qui réduit l’angoisse [du dirigeant] » –, de telles sommes contribuent fortement à déliter la cohésion sociale du pays et à attiser la colère des démunis. Elles devraient faire honte à ceux qui les perçoivent ou qui les défendent parce que, quels que soient leur talent et leurs mérites, elles poussent tous les autres membres de la société à s’estimer maltraités. Ce qui engendre plus de frustrations et de colère que cela ne calme l’angoisse des bénéficiaires.

     

    La démocratie est alors vécue comme un leurre lorsqu’elle s’accompagne de telles inégalités. Ce n’est pas pour des raisons économiques qu’il faut aujourd’hui s’interroger sur un RMA (« revenu maximal admissible »), c’est pour des raisons politiques et morales.

     

    [1] Cotation assistée en continu des 40 sociétés effectuant le plus gros volume des transactions à la Bourse de Paris.

     

    [2] "La crise des années 30 est devant nous" par François Lenglet, éd. Perrin, 2007.

     

    Denis CLERC pour Alternatives Economiques

     

    nouvelle approche de la revolution :)

     


    • Abolab 24 mai 2008 12:53

      Un RMA est par nature anti-libéral dans le système monétaire actuel. Une telle mesure ne change rien au fond des problèmes économiques.

      Comme indiqué plus haut, une limitation progressive des hauts-salaires est envisaseable dans le CMN, car cette limitation est compensée par l’existence d’un découvert mensuel, activable ou non, et non capitalisable.

      Une présentation du CNM avait été envoyée l’année dernière au journal Alternatives Economiques, sans aucune réponse de la rédaction, comme quelques autres de la presse économique.


    • Barbathoustra Barbathoustra 24 mai 2008 13:20

      Un RMA est par nature anti-libéral dans le système monétaire actuel.

      ==>

      Au contraire. L’allocation de subsistence, universelle, de citoyenneté .... appellez ça comme vous voudrez, est même une idée reprise au révolutionnaire Thomas Payne puis popularisée par F. Hayeck et M. Friedman qui sont les 2 grands papes du néo-libéralisme. Je vous laisse d’ailleurs le soin d’imaginer un système " ultra libéral " sans ce type d’allocation pour contenir la colère des exclus.


    • Abolab 24 mai 2008 13:31

      Vous ne pouvez pas frustrer les investisseurs en leur supprimant du capital. Par contre, vous pouvez modifier la nature de ce capital, en le transformant et l’incorporant à une nouvelle économie des flux, avec de nouvelles caractéristiques comme expliquées ci-dessus.


    • Cug Cug 24 mai 2008 13:43

      "Les découverts illimités pour particuliers permettent, outre une véritable libéralisation de l’économie monétaire, une recentralisation de l’économie des places financières sur l’individuel, via l’approvisionnement des banques de détail par les banques centrales"

      Qui prête aux banques centrales ? Pourquoi les états s’endettent ?


    • Cug Cug 24 mai 2008 13:59

      Merci Mimose ...

      De toutes manières avant de changer quoi que se soit il faut :

      1/ Que les états nation récupère la création monétaire.

      2/ Démarchandiser TOUTES les monnaies


    • Abolab 24 mai 2008 14:11

      Le problème de la création monétaire est un faux problème, la question économique réside dans son flux, non dans sa création.

      Concernant le deuxième point, les monnaies ne sont déjà pas une marchandise, elles sont des objets de capitalisation, ce qui est très différent. Le problème réside alors dans la liquidation des capitaux, pas dans le fait d’en avoir ou pas. Car si vous avez des capitaux, mais pas de marché, vous l’avez dans le baba smiley


    • Cug Cug 24 mai 2008 14:14

      Faux problèmes !!!!

      Alors va voir les banques qui pêtent aux banques centrales voir si elles sont d’accord avec ta proposition !!!! Et je parle même pas de celle de David.

      Les monnaies ne sont pas des marchandises !!!!!! Et si j’achète X en yen pour allez les investire sur un marché en doll ... c’est quoi !!!!


    • Abolab 24 mai 2008 14:29

      « Et si j’achète X en yen pour allez les investire sur un marché en doll ... c’est quoi !!!! »

      C’est de la création monétaire.


    • Cug Cug 24 mai 2008 14:30

       Ah et je précise au cas ou cela échappe que par exemple pour aider les pêcheurs l’état est obligé de demander à Bruxelle ....

       Puis que l’argent débloqué passera dans le budget augmentant le déficit donc la dette, l’emprunt, les intérèts de la dette ....


    • Cug Cug 24 mai 2008 14:32

       Ben justement les états nations doivent récupérer la création monétaire et pour que ce soit efficace il faut démarchandiser toutes les monnaies.

       Si tu veux changer le système faut récupérer le pouvoir soit le GRIZBI


    • Abolab 24 mai 2008 14:37

      D’où l’intérêt de découverts non capitalisables qui, lorsqu’il sont activés par les particuliers, sont investis dans l’économie, réduisant ou contre-balançant les effets de la concurrence internationale mondiale. L’investissement local est alors privilégié, ce qui réduit dans le même temps la nécessité de subventions professionnelles délivrées par l’Etat, tout en favorisant l’indépendance de celui-ci par rapport au pouvoir économique centralisateur européen.


    • Abolab 24 mai 2008 14:39

      « Ben justement les états nations doivent récupérer la création monétaire et pour que ce soit efficace il faut démarchandiser toutes les monnaies. »

      Cela n’a pas grand sens, dans le cadre du système monétaire actuel.


    • Cug Cug 24 mai 2008 14:45

      "Cela n’a pas grand sens, dans le cadre du système monétaire actuel."

      Justement je pense qu’il faut changer le système monétaire international pour avancer.

       

      Tu me dis que je peux faire un découvert illimité si toute fois je ne le capitalise pas c’est ça ?


    • Abolab 24 mai 2008 14:52

      C’est ta banque qui te l’autorisera en fonction de ta fiche de paie. Il s’agira nécessairement d’un compte courant et non d’un compte d’épargne.


    • Abolab 24 mai 2008 15:02

      Si ce découvert est activé, il sera forcément capitalisé, mais pas par toi. Tu n’auras fait que déplacer ce capital, pour consommer.


  • wiztricks 24 mai 2008 15:26

    L’idée semble intérressante. 

    Ceci dit, j’ai le sentiment que c’est un peu trop révolutionnaire et diablement trop technique pour que le citoyen lambda adhère.

    -W


    • Abolab 24 mai 2008 15:54

      Je ne sais pas, le citoyen lambda préfère-t-il « travailler plus pour gagner plus », ou « gagner plus » tout court et selon ses besoins ?

      Techniquement, c’est on ne peut plus facile à mettre en place, au niveau des banques : les comptes ne changent pas. Il y a juste officialisation d’un compte courant pour cela. La contrainte technique réside en la régularisation du taux de découvert en fonction du bulletin de salaire, mais on peut facilement imaginer qu’un tel système encourage à l’uniformisation des salaires par profession et par statut salarial, tout en simplifiant les bulletins de salaires eux-mêmes, ce qui est un plus pour les employeurs.


    • Abolab 24 mai 2008 16:01

      Il est évident qu’un système anti-fraude doit accompagner cela afin d’éviter que les particuliers activent ce découvert en consommant les services ou produits de leur propre société, s’ils en ont une. Mais là rien de bien nouveau, il s’agit d’une simple déclaration d’activités, et sur les investissements financiers.


  • Cug Cug 24 mai 2008 17:24

     Un truc que je pige pas c’est comment tu vas vendre ce système aux banquiers ?


  • wiztricks 24 mai 2008 19:51

    Votre article et le précédent m’ont permis de farfouiller ce qui traitait du sujet "allocation universelle"...

    Nombreux débats en perspective !!!

    -W

     


  • Cug Cug 25 mai 2008 02:24

    Adolab en quoi changeraient t’elles un système qu’elles ont mis en place et qui les sert si bien ?


    • Abolab 25 mai 2008 11:07

      Parce que changer est nécessaire, et redonner au réseau bancaire l’initiative économique permettra aux politiques de s’occuper vraiment de politique, et plus des demi-mesures et trivialités actuelles, qui ne sont là que pour gagner du temps sur un changement véritable et profond du système monétaire.


  • Cug Cug 25 mai 2008 11:13

    Qui te dit que les banquiers veulent changer quoi que se soit ?

    Qu’ils envisagent un changement ?

    Que pour eux c’est necessaire ?


    • Abolab 25 mai 2008 12:39

      Parce que beaucoup de banques sont en difficultés financières, c’est une question de survie pour nombre d’entre elles.


  • Cug Cug 25 mai 2008 13:10

    Vraiment ?

    Qu’elles sont les banques en si grande difficulté ?

    Les banques centrales n’ont t’elles pas recapitaliser les banques trop exposées ? Voir nationalisé lorsque cela était necessaire ....


    • Abolab 25 mai 2008 14:32

      Il suffit d’écrire ’liquidités banque’ dans un moteur de recherche d’actualités pour s’apercevoir de la situation catastrophique dans laquelle elles se trouvent


  • ZORBA 26 mai 2008 15:09

    J’AI RAREMENT LU UN ARTICLE ET DES INTERVENTIONS AUSSI STUPIDES

    ET COMME LES ECONOMISTES SE TROMPENT TOUJOURS,QUELS QUE SOIENT LES ELUCUBRATIONS ECONOMICALES ET PSEUDO TECHNIQUES ,IL N’EN RESTE PAS MOINS VRAI QUE LES PAUVRES SONT PAUVRES PARCEQUE LES RICHES SONT DE PLUS EN PLUS RICHES ET CE D’UNE MANIERE INSOLENTE.

    ET SI VOUS AVEZ ENVIE DU NOM DU PLUS GRAND DES ECONOMISTE JE VOUS SERS CELUI DE MARX ET SI VOUS N’ETES PAS TROP BOUCHE VOUS COMPRENDREZ QUE CE MONDE EST EN TRAIN DE S’EFFONDRER A LA VITESSE GRAND V.

    TOUTES CES FAUSSES RECETTES NE CACHENT QUE LA PEUR DE CEUX QUI ONT A PERDRE CE QU’IL ONT VOLE ET QUI LEUR SERA REPRIS D’UNE MANIERE OU D’UNE AUTRE !!!


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