jeudi 9 décembre 2010 - par Mark Hitti

Irlande et Islande : Crises similaires pour deux destins opposés

La crise internationale a fortement touché ces deux pays qui avaient profité de la croissance économique internationale ces dernières années. L’Irlande et l’Islande se sont développées grâce aux stratégies agressives de leurs secteurs bancaire et financier. En période de croissance, leurs stratégies avaient tendance à converger, mais au lendemain de la crise leurs philosophies économiques semblent désormais complètement différentes. 

Banques irlandaises et explosion de la bulle immobilière 
Le secteur bancaire irlandais s’est rapidement développé sur la période 1995-2007 grâce à l’environnement économique que lui procurait son intégration à l’Union Economique et Monétaire. Jadis considéré comme un pays pauvre, le Tigre Celtique a bénéficié des fonds structurels européens, des taux bas de la Banque Centrale Européenne (BCE) pour mettre en place une politique fiscale attractive et entreprendre une politique facilitant l’acquisition immobilière des irlandais. 
 
L’Islande et son secteur financier gigantesque
Le secteur islandais s’est spécialisé dans les activités d’investissement notamment dans les produits dérivés. Ces principales banques (Glitnir, Landsbanki, Kaupthing) se sont financées sur le marché interbancaire international pour se procurer les liquidités que le marché islandais, trop étroit (300,000 habitants), ne pouvait leur apporter. Avec la crise internationale et la hausse du taux d’intérêt de la Banque Centrale Islandaise (15,5%) pour contrer l’inflation, ses trois principales banques ne pouvaient plus faire face à leurs échéances.
 
Une crise financière, deux solutions 
En Islande, une nouvelle entité s’est créée à la suite de la restructuration de la Landsbanki avec plus de 500 personnes licenciées. Cette situation, selon le Fonds Monétaire International, avait entraîné en 2009 une baisse du PIB Islandais de plus de 10%. De plus, les irlandais ont voté contre le plan de sauvetage de IceSave (filiale de Landsbanki), dont la dette vis-à-vis des créanciers étrangers s’élevait à 3 milliards d’euros. Parallèlement, la couronne islandaise s’est dévaluée (1 EUR = 155 ISK) permettant ainsi une amélioration de la compétitivité relative du pays. 
 
L’Irlande s’est lancée dans une phase de soutien, dans un premier temps entre 2007 et 2009, à hauteur de 10 milliards d’euros pour recapitaliser ses banques (Allied Irish Bank, Bank of Ireland, Anglo Irish Bank) et créer la National Asset Management Agency ("Bad bank"). Mais ces interventions sont insuffisantes selon les acteurs des marchés financiers qui estimaient les banques irlandaises incapables de répondre à leurs prochaines échéances. Fin novembre 2010, le FMI et la BCE se mettent d’accord pour injecter 85 milliards d’euros pour soutenir le secteur irlandais.
 
Effets à long terme : Deux visions s’opposent 
L’école autrichienne aurait souhaitée que les banques, qui ont effectué de mauvaises investissements, fassent faillite ou diminuent en taille. Ce fut le cas en Islande où les banques ont vu leur capitalisation boursière divisée en quelques mois. Alors que l’école keynesienne admet une politique de soutien des institutions financières pour que les acteurs de la croissance économique de demain continuent à être irriguée de liquidités. 
 
On verra à moyen terme les effets de chacune de ces politiques. La situation générée par telle et telle politique va montrer la manière dont les économies vont rebondir. Respécialisation économique pour l’Islande ? Investissement diversifiée dans les secteurs d’avenir pour l’Irlande ? Les conséquences vont donner du grain à moudre pour les théoriciens et les différentes écoles de pensées économiques. 
 
Mark Hitti
 


20 réactions


  • Daniel Roux Daniel Roux 9 décembre 2010 11:13

    C’est déjà vu. Il s’est produit la même chose avec le Chili et le Mexique. Le Chili a laissé ses entreprises faire faillite, pas le Mexique.

    Aujourd’hui le Chili est en croissance et le Mexique en déconfiture.

    Rien n’excuse l’incurie de nos gouvernements et surtout pas l’incompétence de Sarkozy, arc-bouté sur le dogme libéral anglo saxon de la baisse des impôts pour les plus riches.


    • Sergueï Sergueï 10 décembre 2010 10:57

      Le dogme libéral anglo-saxon comme vous dites n’as jamais proné le sauvetage de quelque organisme que ce soit. Justement le dogme libéral est contre toute intervention de l’êtat. J’ajouterais même que c’est le fondement du libéralisme.
      Pour vous, les libéraux sont des pro-etatistes ? Je ne vous suis plus...


    • Daniel Roux Daniel Roux 12 décembre 2010 10:10

      @ Sergueï

      Vous ne me suivez plus, dites vous, mais en réalité, c’est les logiques et les buts de la politique économique des gouvernements libéraux qui vous échappent.

      Et elles vous échappent parce que leurs buts n’est pas le bon fonctionnement du marché par l’offre et la demande, mais un accaparement de ses richesses par une clique de malfaisants manipulateurs et criminels.

      Je suppose que vous ne suivez pas non plus lorsque Bush, l’ultra néo con, bombarde ceux qui porte atteinte à l’hégémonie du dollar, baisse les impôts des riches en creusant les déficits ou sauve ses banques et ce qu’il reste de ses industries, en faisant chauffer la planche à billets.

      Il arrive un moment dans la vie où l’on apprend que le père Noël n’existe pas, que les parents ont menti, que les hommes sont cupides, que la vie est injuste et cruelle et que les gouvernements trichent et favorisent les plus riches aux dépens des plus pauvres.

      Vous y êtes.


  • Alpo47 Alpo47 9 décembre 2010 13:07

    Islande, Argentine, Chili ... on constate que l’on peut suivre une autre voie, c’est à dire notamment que les Etats cessent d’honorer ses dettes et laissent les banques s’effondrer.
    Bien entendu, c’est possible, l’Allemagne en prenait le chemin avant d’être ramenée dans le « droit chemin » par Sarko et consorts, plus le FMI. C’est même et de loin, la meilleure alternative.

    Laisser les banques s’effondrer sous le poids de leurs produits toxiques et de leurs prêts aux Etats, récupérer le droit régalien de « battre monnaie », et reconstruire sur des bases bien plus saines, c’est la seule alternative à l’effondrement actuel et à une société fasciste qui se construit actuellement.
    C’est l’intérêt des peuples, mais pas des « élites, les fameux »rentiers-actionnaires« . Et la seule difficulté, mais de taille, c’est que TOUS nos décideurs politiques sont à la botte des banksters et de la caste qui confisque le pouvoir.

    Il faudra donc d’abord passer par un effondrement, un chaos plus ou moins généralisé, afin de précipiter une prise de conscience des »masses", qui alors chercheront à comprendre ce qui se passe et quelles sont les alternatives.

    Le chaos est donc très probable.


    • picpic 9 décembre 2010 13:33

      « C’est l’intérêt des peuples, mais pas des »élites "...

      Tout est là, personne ne semble comprendre ça, nos gouvernements ne feront rien qui puisse nous sortir de la, au contraire, plus ils nous enfoncent, plus ils s’en foutent dans les poches et gagnent en pouvoir !


    • Mark Hitti 9 décembre 2010 13:49

      On dirait que l’Allemagne est consciente du problème, c’est pour cela qu’elle tente de faire passer depuis la fin de l’été l’idée qu’un moratoire des dettes est possible. 

      Angela Merkel parle de « la primauté du politique » et de « la limite des marchés ». Autrement dit, l’Etat est lui seul capable de faire face aux défis que rencontre une collectivité et non le secteur privé. 


  • labulle 9 décembre 2010 14:00

    Merci, article intéressant.

    Le problème de l’allemagne, c’est que si la zone euro éclate, leur deutch mark(qui vaut 0,5 euro, c’est la seule ancienne devise qui est en parité entière avec l’euro, pour mémoire) ira percer le plafond, dont la conséquence principale est un renchérissement important de leurs produits, donc des prix de produits exportés moins concurrentiels dans des pays qui auront une devise dévaluée.

    @Alpo47 : c’est une bonne idée « que les Etats cessent d’honorer [leurs] dettes », que les créanciers fassent marcher leurs assurances, juste pour rire !!!!!


    • labulle 9 décembre 2010 14:07

      Pour compléter sur la situation actuelle de l’Allemagne, aujourd’hui c’est l’ensemble des citoyens de la zone euro qui compensent la sous-évaluation des prix des produits allemands, qui seraient beaucoup plus chers, comme vu ci-dessus, s’ils les vendaient en Deutch Marks.

      C’est à dire que la situation actuelle avantage doublement l’économie allemande, une fois parcequ’ils ont des taux d’emprunts très bas du fait de leur assise européenne, et une deuxième parce qu’ils vendent dans une devise sous-évaluée.
      Plus un troisième avantage, le fait que l’ensemble des allemands ne jouent pas le jeu économique, puisqu’ils s’imposent d’avoir une balance commerciale toujours positive et exédentaire.


    • Mark Hitti 9 décembre 2010 14:41

      C’est juste l’Allemagne s’attache énormément au concept d’excédent commercial. 

      C’était sans doute nécessaire puisque pendant 20 ans la réunification allemande a été un coût élevé pour la société allemande. L’Allemagne avait refusé que le poids de l’ex-RDA soit pris en compte dans les fonds structurels européens, c’est donc seule que le pays a redressé sa moitié. 
      Parallèlement, les salaires en ont pâti (ainsi que la consommation intérieure) et c’est pour cela que l’accent a été fortement mis sur les exportations. 

    • Alpo47 Alpo47 9 décembre 2010 15:11

      Le président Islandais s’exprime à ce propos .
      Voilà bien des infos que les grands médias ne reprendront pas.


  • BA 9 décembre 2010 23:46

    Jeudi 9 décembre 2010 :

    La Banque du Canada est inquiète pour l’économie.

    Une nouvelle crise économique et financière mondiale est de plus en plus probable et les Canadiens ne seront pas nécessairement bien placés pour y faire face, prévient la Banque du Canada.

    Dans l’édition de décembre de sa Revue du système financier, présentée jeudi 9 décembre, la banque centrale soutient que les problèmes de dettes en Europe se sont tellement aggravés depuis juin qu’ils présentent maintenant un risque pour le système financier canadien.

    http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/economie/macro-economie/201012/09/01-4350806-la-banque-du-canada-est-inquiete-pour-leconomie.php


    • Mark Hitti 10 décembre 2010 01:20

      Dommage que le communiqué soit aussi flou. 

      Quelle sera la nature de cette crise ? un défaut de paiement souverain ou privé ?

  • plancherDesVaches 10 décembre 2010 09:26

    Le souci de votre article est lorsqu’on lit ça :

    http://blog.mondediplo.net/2010-12-02-Ne-pas-detruire-les-banques-les-saisir
    "à la façon dont les banques islandaises se sont remises bien plus vite que prévu du fait de n’avoir pas hésité à dénoncer les passifs non-résidents [21] – et mieux encore d’avoir fait valider ce geste de dénonciation par un référendum populaire !« 

     »[21] Et ceci même s’il est exact qu’à moyen terme, les banques islandaises, et l’Etat qui les a couvertes, se retrouveront engagés dans de nombreuses procédures judiciaires aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, aux Pays Bas, etc."

    Ils n’ont donc fait que reculer l’échéance...
    Et pendant ce temps, les intérêts courent toujours dans une crise qui s’aggrave.


  • S2ndreal 10 décembre 2010 09:53

    Un certain Paul Krugman a hurlé au comportement délirant quand il a vu comment les banques ont été sauvées. Son idée était analogue à ce que les Suédois ont fait à leurs banques lors d’une crise qu’ils ont vécue. Dans son idée, les actionnaires sont ratissés. Il est keynésien et contredit votre vision du keynésianisme.

    Ma vision de l’école autrichienne me dit que ces gens sont totalement pour l’austérité la plus dure et n’ont rien à dire contre les fortunes et la puissance accumulée par les banquiers maintenant. Ils nous tiennent tous en otages et font ce qu’ils veulent, disent aux états comment ils doivent se comporter, etc...

    Naturellement, elle peut être aussi fausse que la votre en ce qui concerne le keynésianisme.


    • Mark Hitti 10 décembre 2010 10:14

      Vous avez raison. Il n’y a pas de solutions miracle. Les uns pour « la planche à billet », les autres pour « l’austérité ». Quelque soit la politique menée, ca aurait été plus facile dans un environnement international stable et en croissance. 


  • Mark Hitti 10 décembre 2010 10:09

    @ Plancher des Vaches : Exact, l’Islande est engagée dans plusieurs procès en Europe, notamment au Luxembourg et en Hollande. c’est mené par des investisseurs nationaux qui ont perdu leurs avoirs lors que les trois grandes banques islandaises ont fait faillite. Ces dernières ont néanmoins été secourues mais ne retrouveront pas les tailles qu’elles avaient avant la crise. 

    Ces procédures judiciaires sont une conséquence normale de la crise. Malheureusement, beaucoup de gens se retrouvent dans la précarité. 
    Mais fondamentalement, ce sont les banques islandaises qui ont fait faillite et ce sont donc les dirigeants de ces banques qui doivent être poursuivis et non l’Etat islandais. 

    • plancherDesVaches 10 décembre 2010 10:33

      Malheureusement, si.

      L’état islandais avait cautionné l’activité de ces banques spéculatives. Et étant solidaire, il se fait logiquement attaqué.
      Et devra payer.

      Ce qui gène dans l’histoire est qu’hormis deux ou trois pays qui s’en sortent, toute la planète est en train de couler.
      Donc, il y aura bien faillite des états et les quelques milliards du FMI n’y pourront rien.

      On a voulu du mondial, on l’a eu.


    • Mark Hitti 10 décembre 2010 10:42

      @ Plancer des Vaches : C’est juste. Quand la finance tourne bien et qu’elle apporte la prospérité, difficile pour l’Etat de venir mettre des barrières pour dégonfler l’excroissance monstrueuse. Une fois le système explosé, il se retrouve irrémédiablement dans l’oeil du cyclone. 


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