samedi 10 février 2018 - par Laurent Metais

L’Accorderie, une banque de temps sociale

Une Accorderie fait partie de ce que l’on appelle un : système d’échange locale (SEL). En étant plus précis, elle est une banque de temps, un réseau d’échange de services ; c’est-à-dire que ses membres vont s’inscrire pour créer ensemble un réseau afin de pouvoir s’échanger des services avec comme monnaie : le temps.

Dans un couple il y a des sujets qu’il faut parfois ne pas aborder, des sujets où les désaccords existants peuvent créer une ambiance houleuse, déclencher des passions. Il y a le sujet classique des beaux-parents, de l’ex, des sujets sur le temps passé au travail, sur le temps consacré à passion, mais pas pour nous. Par contre ne venez pas parler de l’Accorderie, vous vous mettriez dans l’embarras. Bien que… le voyage, le temps, les découvertes ont aussi permis d’accorder nos visions, mais ça reste un sujet important, puisque Audrey y a travaillé 3 ans, on s’est rencontré là-bas, puis quand elle a quitté j’ai eu son poste pendant 2 ans. Heureusement que l’effet jeune couple était présent lorsqu’on parlait du sujet alors !

Qu’est-ce qu’une Accorderie ?

accorderieUne Accorderie fait partie de ce que l’on appelle un : système d’échange locale (SEL). En étant plus précis, elle est une banque de temps, un réseau d’échange de services ; c’est-à-dire que ses membres vont s’inscrire pour créer ensemble un réseau afin de pouvoir s’échanger des services avec comme monnaie : le temps.

Son fonctionnement est différent du troc, car il faut voir son fonctionnement de manière triangulaire. Prenons l’exemple que vous offriez 2 h de jardinage à votre voisin. Celui-ci n’a pas à vous rendre un service en échange, il doit cependant vous payer 2 h de son compte de temps. Puis avec ce 2 h, vous pouvez soit les utiliser pour prendre un cours d’allemand, ou alors prendre 1h de cuisine avec une autre personne et 1h d’Allemand avec une autre. Un compte dans la banque de temps, c’est comme de l’argent on le dépense comme on veut.

À la différence des monnaies nationales toutefois, la banque de temps permet que la valeur des services ne soit pas basé sur une quelconque valeur abstraite que la société donne aux savoirs, mais au temps humain investi par la personne qui vous rend service. Si vous aidez quelqu’un pendant 1h à monter une table, cela à la même valeur qu’une heure de conseil juridique ou une heure à vous accompagner dans une démarche administrative.

Mais quelle différence entre une Accorderie et une banque de temps ?

Un Accorderie va comporter 2 différences majeur qui vont la différencier d’un SEL ou d’une banque de temps classique ; la première est que l’Accorderie à une mission sociale de : lutte à la pauvreté et contre l’exclusion sociale. Afin de pouvoir mener à bien cette mission, sa deuxième différence fait qu’elle a des employés. Dans les faits, un SEL est la plupart du temps un regroupement de personnes volontaires et autonome à vouloir créer ce genre d’entité, que ce soit par un désir de fonctionner en dehors du système capitalisme ou de vouloir recréer un réseau local. Ils n’auront donc pas de personne tierce pour les gérer, mais le feront par eux, dans leur communauté.

Selon les études, un SEL ne pourra cependant rarement dépasser une cinquantaine de personnes, sinon il implose, son but étant de recréer un réseau, un nombre trop grand de membres fait qu’ils ne se connaîtront pas et n’échangeront pas. Une Accorderie peut dépasser cette barrière grâce au rôle des employés qui appliqueront la mission et qui seront le ciment lui permettant de tenir.

Un peu d’histoire

accorderie Afin de mieux comprendre la mission de l’Accorderie, il est important de savoir la raison de sa création. Au début des années 2000, le centre-ville de Québec n’était pas le quartier gentrifié que nous connaissons maintenant. Saint-Roch est historiquement un quartier ouvrier et il était, est, le lieu où se trouvent beaucoup d’organismes d’aide à la personne. La fondation Saint-Roch organisait un groupe d’achats, c’est-à-dire un groupe ou des citoyens se regroupent afin d’acheter en grosse quantité ensemble afin d’économiser individuellement, cependant, une perte de financement l’empêcha de continuer. Dans le même temps, la Caisse d’économie solidaire Desjardins, membre des caisses populaire, mais avec encore un fond de social contrairement au mouvement, faisait de crédit solidaire, mais se voyait contraint d’arrêter. Or, les deux organismes voulaient continuer d’offrir leur service respectif, en se concertant mutuellement de là est née l’idée de créer un organisme qui y pallierait.

Alors que l’on était encore dans les balbutiements de l’organisme, l’idée du SEL germa petit à petit ; et s’il était possible de s’en servir comme d’un ciment afin de créer du lien entre les personnes. L’Accorderie naissait. Quand on explique son principe, on l’a définie comme le désir de récréer un village à petite échelle, de se faire un réseau de connaissance afin de s’entraider. Il est important de comprendre que ce n’est pas par sa grosseur que l’on peut qualifier le bon fonctionnement d’une Accorderie, mais par le lien tisser entre ses membres.

Lutte à la pauvreté et contre l’exclusion sociale

Quand j’y travaillais, l’Accorderie de Québec avait 26 % de personnes étant nées hors Québec, contrairement au 12 % des statistiques de la ville. Il y a plusieurs manières d’être pauvre, tout comme la richesse monétaire n’indique pas forcément une richesse humaine, la pauvreté monétaire n’est pas forcément un manque de connaissance. La mission de l’Accorderie en fait casse-tête à qui souhaite la penser ou la catégoriser. Est-ce un organisme communautaire ou un regroupement d’activistes ? Les deux. Est-ce que c’est un organisme pour les personnes pauvres ? Non et oui. Est-ce un lieu pour rêver à l’après-capitalisme ? Oui et non.

Riche ou pauvre, l’Accorderie à une mission de mixité sociale, en son sein, le docteur ou le chômeur sont à égalité devant le temps que nous avons. Les gens viennent parce qu’ils se sentent seuls ou aiment le principe qu’elle défend, on y vient parce qu’on a besoin de s’en sortir au delà du système monétaire ou tout simplement parce qu’on ne veut pas y rentrer.

Le rôle de la personne employé est de faire que cette mixité puisse exister et d’épauler une population plus fragile à pouvoir participer à pied égale dans ce système. Ce n’est pas parce que l’on a pas d’argent ou de travail que l’on a pas de talent, cependant cela peut être la cause d’un manque de confiance en soi et il faut alors réapprendre à faire le premier pas.

Faire une demande de service pour du gardiennage d’enfants peut être plus compliqué qu’une demande de correction de texte si on ne connaît pas la personne, c’est aussi pour cela que l’on a besoin d’avoir un réseau, une communauté qui se connaît et qui peut se faire confiance. Avoir des activités de groupes et collectives et tout aussi important pour la communauté que pour la richesse des échanges individuels. Dans un Accorderie il y a souvent d’organiser des activités ouvertes à tous afin que les nouveaux et anciens puissent se connaître et se conseiller, c’est un des piliers de son fonctionnement afin que le ciment puissent fonctionner,

Alors que le groupes d’achats et le micro-crédit à la base de sa création en 2002 avaient été pensé renforcer par l’implantation du SEL, c’est lui même qui se retrouve renforcer par le groupe d’achats et la chimie créer entre ses membres. En 2014 le groupe d’achats de l’Accorderie de Québec du stopper à cause d’un manque de fond et d’une réduction de personnel. Un an après c’est un nouveau groupe d’achats qui naquit fruit d’un labeur des membres de façon autonome. Leur travail collaboratif a permis à celui-ci de subsister, mais aussi à créer de nouveau lien et un adhérence à l’organisme par les membres qui s’impliquaient.

Sa force comme sa faiblesse, mais elle grandit.

Née en 2002, l’Accorderie de Québec a été la première et elle a fait de nombreuses poussent depuis. Jusqu’en 2006 elle devait s’occuper de son fonctionnement et d’aider d’autres à se créer, alors cette année-là un réseau se créa avec pour mission d’épauler et d’encadrer les Accorderies afin d’en faire un plus grand réseau. À ce jour il y a maintenant 15 Accorderies au Québec avec une nouvelle née il y a quelques semaines. Depuis 2012, son modèle s’est exporté outre-atlantique et il y a maintenant plus de 20 Accorderies en France, mais il y a en a aussi une en Belgique et au Maroc.

Le modèle s’exporte et il le mérite, mais l’Accorderie a la faiblesse d’être un organisme qui nécessite de l’argent pour fonctionner, ce qui fait sa force sur le SEL en fait aussi sa faiblesse, l’Accorderie ne peut exister par elle-même. Alors oui, on innove et ses membres se l’approprient, on peut par exemple faire des tâches au sein de l’organisme et se faire payer en heures, ce qui permet d’échanger des services avec d’autres, ce n’est pas donc pas du bénévolat. Mais jusqu’à quel point si la mission de l’organisme est d’inclure, peut-on aller dans cette logique ?

L’Accorderie est un organisme qui accueille et aide tout le monde par l’entraide de chacun et cela les aides financières ne le voit pas d’un bon œil, puisque le résultat n’est pas quantifiable par des statistiques faites par un employé de bureau. Le fait de ne pas être un organisme communautaire venant en aide à une population défavorisée spécifique, l’empêche de beaucoup de financements, mais c’est justement cette ouverture qui permet de remplir sa mission.

Comment palier à cette problématique ? Au Québec, 5 d’entre-elles, dont celle de la ville de Québec, se sont transformée en coopérative. Afin d’aller chercher un autre moyen de financement ou de renforcer l’aspect démocratique, cela n’a pas encore fait ses preuves, mais la démarche de subsister se fait sentir, Les membres veulent être présent et jouer un rôle. Comment un organisme citoyen pourrait-il exister si sa mission est de faire naître une chose que la politique se joue à éteindre ?

Social ou autonome ?

J’ai tendance à dire que l’Accorderie est un peu comme une auberge Espagnol, c’est-à-dire qu’on y trouve ce que l’on y apporte. Entre activisme et travail social si vous le cherchez vous le trouverez sûrement, mais n’en faites surtout la raison d’être de l’Accorderie, ce n’est que la vôtre, c’est que l’on a compris dans nos discussions en couple :)

 Article orginale sur le site notre projet.




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