lundi 9 mars 2009 - par Aimé FAY

L’actionnaire de Total : un privilégié dans la crise ?

Selon une certaine presse, l’actionnaire du groupe Total et ses trente-neuf congénères du CAC 40 seront bien, cette année encore, des privilégiés grâce aux confortables dividendes qu’ils vont recevoir. Est-on vraiment sûr de cela ?
D’abord, il faut dire que l’actionnaire est celui qui détient une partie du capital de la société émettrice des actions. Cette partie du capital, il l’a acquise, soit lors d’une émission d’actions sur le marché primaire, dit marché du neuf ; soit sur le marché boursier, dit marché secondaire ou marché de l’occasion. Pour cet achat, il a mis une partie de son propre patrimoine, son argent, au service du projet industriel d’entreprise qu’il a librement choisi.
 
L’objectif de tout actionnaire est naturellement la rentabilité. Ce n’est pas un philanthrope ! Surtout si l’entreprise qu’il intègre évolue dans le secteur marchand et concurrentiel et a donc l’obligation, pour sa pérennité, de créer de la richesse économique, de la valeur, telle que la comptabilité nationale l’entend.
 
Alors, s’il espère rentabiliser son investissement, l’actionnaire qui participe à l’aventure industrielle de la société cotée, prend tout de même trois risques :
 
- celui de tout perdre si la société fait faillite.
- celui de n’avoir aucun revenu annuel si la société ne lui verse pas de dividende. Ou, d’avoir un revenu inférieur à celui qu’il aurait eu s’il avait placé son argent sur un livret A, un livret bleu, orange ou de toute autre couleur, à rémunération non réglementée.
- celui de perdre une partie de son investissement au cas où il déciderait de vendre ses actions alors que leur cours de bourse est inférieur au cours auquel il les a achetées.
 
Cela étant dit, quid de l’actionnaire en général, de celui de Total et des 39 autres du CAC, en particulier ?
 
Imaginons qu’un agent économique lambda, vous, moi, un institutionnel ait acheté du Total, du Renault, de l’Arcelor … bref, l’une des sociétés cotées au CAC, en janvier 2008. Qu’a-t-il gagné ? Qu’a-t-il perdu ?
 
Il a gagné, pour 2008, un dividende estimé aujourd’hui entre 0 % et 6 à 7 % selon les sociétés. Ainsi, par exemple, pour Total dont nous connaissons le montant du dividende, il aura gagné 2,28 euros par action. Comme celle-ci cotait hier 36 € environ, son rendement est donc de 6,33 %. Pas mauvais du tout !
 
Cependant, dans le même temps, l’action Total a perdu 25,27 % en un an, 31,12 % en trois ans. Donc, malgré son dividende de 6,33 %, l’actionnaire en sera tout de même de sa poche de quelques 20 %, s’il décide de vendre aujourd’hui. Et, s’il ne vend pas, la boule au ventre, il peut aggraver sa perte et rester collé longtemps, comme l’on dit dans le jargon boursier.
 
C’est la fameuse perte en capital, tant redoutée par tout investisseur !
 
Aujourd’hui, l’actionnaire de Total est pourtant logé à la même enseigne que ses congénères des autres sociétés du CAC, telles que :
 
- BNP Paribas —> - 62,17 %
- Air Liquide —> - 31,22 %
- Arcelor —> - 71,07 %
- Essilor —> - 34,58 %
- Renault —> - 83,54 %
- Alcatel —> - 74,85 %
- etc.
 
En moyenne, l’actionnaire CAC 40 a perdu 45,13 % en un an, 49,23 % sur trois ans et 32,98 % sur cinq ans (*). Est-il vraiment le privilégié dont on parle ?
 
Oui dit BFMTV et certains de ses confrères ! En effet, pour ces médias, chaque fois que le CAC baisse, ils annoncent que l’actionnaire a pris son bénéfice et, chaque fois qu’il monte, c’est une bonne affaire pour lui. En somme, pour eux, l’actionnaire joue à qui perd gagne toujours. Avec de tels commentaires, il ne faut pas s’étonner pourquoi beaucoup de Français pensent que l’actionnaire est un capitaliste qui gagne quand la bourse monte et qui gagne aussi quand elle baisse. Tout le contraire de ce que montre la réalité les chiffres ci-dessus.
 
La France compte près de 6 millions d’actionnaires et tous ne sont des zinzins ! Tous ne sont pas non plus le fameux Warren Edward Buffett. Le seul homme au monde (sic !) qui prétend avoir gagné des milliards dans cette crise. Comment ? Vantardise d’un vieil homme à l’agonie ou réalité d’un spéculateur chanceux qui ne fait que vendre à découvert ? Continuera-t-il à gagner quand le marché s’inversera ?
 
Alors, on le voit, la crise n’épargne personne, même pas l’actionnaire du CAC 40, même pas celui de Total !
 
Combien de temps faudra-t-il à cet actionnaire lambda pour regagner ses pertes de l’année ou des trois ou quatre dernières années ? Combien de temps lui faudra-t-il, s’il a acheté en vue de préparer sa retraite, quand le CAC était à 6 944 points le 4 septembre 2000 ? Combien de dividendes à 2,28 € par action devra-t-il récupérer ?
 
Après de telles années de disette, l’actionnaire sera-t-il toujours enclin, une fois la crise passée, à mettre son argent dans une entreprise ?
 
Là est bien la question fondamentale qui fonde le dynamisme de toute économie capitaliste moderne de marché.

(*) boursorama.com


21 réactions


  • Yohan Yohan 9 mars 2009 12:45

    Un privilégié qui va quand même supprimer 5000 emplois


    • Kalki Kalki 9 mars 2009 13:10

      Faut profiter c’est la crise et ca permet d’assurer les bénéfice par la suite ( dans le temps de crise)

      VOyons !


  • JahRaph JahRaph 9 mars 2009 13:43

    @ l’auteur :

    Je ne vous suis pas du tout : ok, la majorité des actionnaires (qui sont de petits actionnaires) ont perdu bêtement de l’argent avec la crise, mais surtout, la minorité des actionnaires qui nous intéresse (celle qui façonne les Conseils d’Administration et le haut management des grands groupes et autres multi-nationales), et bien cette minorité a globalement très tôt retiré ses billes des secteurs qui ont tout à perdre avec la crise.

    Cette minorité a réalisé des profits exhorbitants. Et ses intérêts ont inspiré les lois internationales jusqu’à présent (via l’OMC, le FMI, la Banque Mondiale, l’Europe et autres accords de libres échanges)... Pour notre plus grand malheur....

    Cette minorité est en train de faire ce qu’elle a toujours fait : pendant la crise, on fait le dos rond, on minimise les réformes sociales, et on attend que la crise soit finie pour repartir de plus belle.....

    A BAS LE CAPITALISME, VIVE L’ALTER-CAPITALISME !!!


    • skof 9 mars 2009 13:58
      Si on supprime l’actionnaire, qui financera les entreprises ?
      L’état l’a fait en Corée du nord, à Cuba, ailleurs. On a vu où cela les a conduit. Les communistes d’Urss ont fait marche arrière en 90

    • JahRaph JahRaph 9 mars 2009 14:35

      @Skof :

      Je ne propose pas de supprimer l’actionnariat. Je propose d’en modifier les modalités. ALTER-CAPITALISME, pas ANTI-CAPITALISME ni COMMUNISME. smiley


    • Eleusis Bastiat - Le Parisien Libéral eleusis 5 avril 2009 10:41

      "mais surtout, la minorité des actionnaires qui nous intéresse" ==> donc vous nous dites, elle a vendu. A qui, s ’il vous plait ? eclairez nous un peu.


  • Internaute Internaute 9 mars 2009 16:48

    La culture anti-capitaliste et anti-entreprise qui baigne nos médias devient franchement grottesque. Pour beaucoup trop de gens, le seul français valable est le français pauvre. Je me demande de quoi vivront les jornalistes quand on aura cassé la tirelire et dépensé son contenu.


    • Eleusis Bastiat - Le Parisien Libéral eleusis 5 avril 2009 10:42

      j approuve ce commentaire. L’auteur de l’article essaye d’expliquer que parfois les actionnaires gagnent, parfois ils perdent, et les commentaires sont du genre "ils gagnent toujours" !


  • ASINUS 9 mars 2009 17:19

    anti entreprise non ,anticapitaliste oui monsieur d ailleurs nombre de petites et moyennes entreprises
    crevent de ce capitalisme derégulé predateur et relevant a mon avis de la prévarication.


    "le seul français valable est le français pauvre "au train ou vont les choses il est le plus nombreux et
    une partie de ce chiffre s explique par les rendements a deux chiffres exigés par les actionnaires,
    la gestion du capitalisme ne peut relever de la morale quand l etat non seulement ne joue pas son role régulateur mais passe avec armes et bagages du coté de l argent , il ne peut ou ne pourra faire l economie d un séisme .


    cet etat a fait cadeau de plusieurs milliards aux plus nantis meme pas au createurs aux inventifs aux
    entrepreneurs bref au entreprenants Non ce cadeau fiscal a été fait a l argent qui dors a l argent qui asseche qui liquide et qui ne produit que de l argent. A l heure ou des petits epargnats naifs ont vus leurs economies envolées a l heure ou l on degraisse ou mon entreprise vas se casser avec les machines
    en Roumanie ,ou des meres de famille font les poubelles le matin , j entend parler de milliards donné aux banques aux grosses entreprises ces milliards que nous en bas nous allons payer en Impots en plus en services publics en moins en protection sociales en moins en precaritées en plus . Je me dis que cette crise financiere manque singulierement de banquiers se foutant par la fenetre , de vendeurs winners
    lachés en safari dans ma zus de conseils d aministrations dansant la gigue au lampadaire, bordel je ne sais pas quel est le systeme economique idéal , mais je sais que celui ci ne l est que pour un petit nombre qui tot ou tard gouteras les joies d un bon 1793 !


    revienne le temps des chateaux qui brulent


    • Eleusis Bastiat - Le Parisien Libéral eleusis 5 avril 2009 10:47

      Vous avez raison quand vous denoncez les milliards donnés aux banques. Sabine Herold d’Alternative Liberale dit la meme chose. Elle est la seule politicienne a vouloir un vrai capitalisme avec des vrais sanctions contre les dirigeants incompetents. L’autre jour, je sais plus sur quelle chaine, elle disait, face a Lefebvre de l’UMP, en gros, qu’ils defendaient le statu quo et elle le vrai libéralisme.
      Par contre, votre histoire de 1793, peut etre , mais 1. n oubliez pas que en 2009 on est content d’avoir des chateaux a montrer aux touristes 2. Apres 1793 il y a eu le directoire puis l’empire. ...


  • patroc 9 mars 2009 17:21

     Ouais, Total fait 13 milliards de bénéfice, supprime des emplois, et reverse 60 pour cent aux actionnaires, moins de 1 pour cent à son personnel !.. Et de la bourse, pyramidale, les petits actionnaires trinquent pour les autres !.. Ouais, même dans la crise, les privilégiés sont toujours les mêmes, pas de doute, et si çà vous sautent pas au yeux, ouvrez les !!...


    • Eleusis Bastiat - Le Parisien Libéral eleusis 5 avril 2009 10:49

      c est normal, le personnel touche un salaire, pas des dividendes ... le salaire touche 16% du chiffre d’affaires de Total, l’Etat 8% et les actionnaires 6%. 


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 9 mars 2009 17:40

    Si l’intéressement et la participation avaient été institutionnalisés et appliqués avec soin, le salarié serait devenu le principal actionnaire de toutes les petites entreprises et une part importante des plus grosses, cette somme des minorités feraient la majorité des parts ( merci l’enfoiré ). Mais comme cette loi est restée confidentielle, voilà où nous en sommes. 

    C’est comme la publicité comparative qui prédisait une plus grande concurrence, son absence laisse la part belle aux plus forts qui s’en gave et mangent les plus petits.


  • Serge Serge 9 mars 2009 17:53

    Au royaume des actionnaires il n’y a pas égalité de traitement...Le petit actionnaire a toujours été et sera toujours le dindon de "la farce capitaliste " ;celui à qui on fait miroiter de "jouer dans la cour des grands" mais à qui on n’explique ni les règles du jeu ni qui "arbitre" !Et surtout on ne lui accorde aucun pouvoir réel de contrôler quoi que ce soit ! Alors...
    Cela dit je n’ouvre pas "la valise à sanglots" sur les petits actionnaires...certes ils percevront moins d’intérêts...mais être licencié et se retrouver chômeur c’est une vie brisée,détruite dont il est difficile de se relever.


    • Eleusis Bastiat - Le Parisien Libéral eleusis 5 avril 2009 10:54

      Vous avez raison de dénoncer les monopoles. Mais dans le cas de Total, il y a monopole dit naturel sur l’exploration prduction car il n ’est pas evident de rassembler les competences technniques et les ressources financieres pour aller extraire le petrole, vous ne croyez pas ? Quand à la telephonie mobile, c est vrai qu il y a un cartel, l’ART et le conseil de la concurrence l’ont vu. Maintenant, vous, etes vous sur SFR Orange ou Bouygues, ou bien sur un MVNO type tele2 Mobile, Virgin Mobile, Ten, Carrefour Mobile, M6 Mobile ? C’est aussi a nous de nous bouger et de l’entretenir, la concurrence ! Surtout pour un produit qui etait inexistant il y a 20 ans, inutile il y a 15 ans et soit disant indispensable aujourd hui, non ?


  • bob 9 mars 2009 22:26

    bonjour,

    J’ai fait un calcul et je vous invite a faire de meme :

    En placant son argent a la bourse en 1989 sur une valeur benchmarkee ( qui suit le cours de ) sur le cac 40, l’actionnaire aurait eu un rendement hors impot et hors frais bancaires de 1% et ce toute hausse et crise confondue. Investisseurs de tous pays, je vous invite a y reflechir.
    Le rendement ne concerne pas les dividendes qui tombent ou non et sont eux-memes soumis a l’impot.
    Source yahoo ( boursorama, boursier.com et zonebourse ne vont pas jusque si loin dans le passe).


  • mandrier 9 mars 2009 22:35

    Il faut que Total délocalise son siège et devienne carrément une multinationale de droit Suisse ou Britannique. mais surtout ne pas rester en France...


    • ASINUS 10 mars 2009 06:43

      @Mandrier bonjour
       d accord cela me semble de la liberté d entreprendre , dans ce cas que Total cesse de jouir de la logistique Politique , Diplomatique et militaire de l etat Français , j ai comme militaire assité a son appui militaire en afrique ,fut un temps ou sur simple coup de fil la Royale deroutait un navire pour Total, les ambassades les consulats sont devoués corrps et ames a Total et tous les presidents de la republique
      ont trimballés dans leurs bagages un représentant de Total et il faudrait etre naif " je ne vous en scoupconnes pas " pour ne pas qu il ne s agit que de la partie emmergée de l iceberg Total


    • mandrier 10 mars 2009 11:25

      @asinus,

      Je sais ! j’en ai moi même trimballé !
      Plus sérieusement faudrait arrêter de taper sur des entreprises nationale qui "marchent"... Car le jour où nous aurons "perdu" Total, Areva, etc... Nous serons au même niveau que ces pays africains : tu vois ce que je veux dire ? Tu les as vu !
      Moi je les ai connu avant 1962, et après en toute "sécurité" (avec PSA en poche et une quadrillée à portée de main)


    • Eleusis Bastiat - Le Parisien Libéral eleusis 5 avril 2009 10:56

      Ou meme Belge ou Luxembourgeoise, puisque Total c est aussi Fina ! Franchement parfois on se prend a rever du jour ou Total dira "ok on quitte la Defense" comme ca les politiciens de tout bord auront un peu moins de quoi commenter. 


  • K K 9 mars 2009 23:22

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