La Caisse d’Epargne condamnée en appel pour ses méthodes de travail
Le 21 février 2014, la Cour d’appel de Lyon a condamné la Caisse d’Epargne de Rhône-Alpes pour son organisation de travail reposant sur le benchmark, un système d’évaluation contraignant qui met en concurrence permanente les agences et les commerciaux dont les résultats sont comparés à chaque instant. Ces pratiques ont été jugées attentatoires à la santé des salariés. Curieusement, cette information qui permet désormais de faire condamner ce système d'évaluation, n'a été reprise que par Mediapart.
Le benchmarking, d’origine américaine, est un comparateur pour les produits et les services. Pour améliorer ses résultats, la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes a tout simplement appliqué cette pratique à ses employés. Or, les risques sanitaires bien réels de cette pratique ont été mal évalués par la direction. Dans l’émission Envoyé Spécial du 28 février 2013 sur France 2, un cadre de la banque confirmait une pression permanente créant stress, tensions inutiles, et culpabilisation. Un ancien médecin du travail du groupe BPCE affirme que cette situation de tension extrême, favoriserait l’émergence de sérieux problèmes psychologiques, et affecterait gravement la santé des salariés.
L’historique judiciaire de cette affaire remonte au 10 mars 2011, lorsque le syndicat Sud BPCE avait assigné la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes (CERA) devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Lyon pour faire interdire une organisation du travail reposant sur le benchmark. Le 4 septembre 2012, le TGI de Lyon a donné raison au syndicat dans un jugement sans équivoque. La direction de la CERA a fait alors appel de cette décision.
Le 21 février 2014, la Cour d’appel de Lyon vient de confirmer le 1er jugement du TGI aux patrons de la CERA de Lyon, considérant que l’organisation du travail mise en place à partir de 2007 et jusqu’à ce qu’il statue en 2012 était attentatoire à la santé des salariés.
Pour motiver sa décision, la Cour a pris en compte les éléments apportés par Sud à l’appui de sa demande : la dizaine de rapports d’alerte des médecins du travail ainsi que les multiples critiques factuelles et concordantes émanant de l’Inspection du Travail, du cabinet ARAVIS chargé d’une expertise, des assistantes sociales, du CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions du Travail) et des autres instances représentatives du personnel. Toutes ces critiques s’accordaient pour dénoncer les multiples effets particulièrement pernicieux et dommageables résultant de l’organisation du travail mise en place par les patrons : une atteinte à la dignité, un sentiment d’instabilité, une culpabilisation permanente, un sentiment de honte, une incitation pernicieuse à passer outre la réglementation et une multiplication de troubles physiques et mentaux constatés chez les salariés.
Pour Stéphane Ducrocq, l’avocat de Sud groupe BPCE, « c’est une décision très satisfaisante dans la mesure où elle entérine le fait que désormais le juge peut s’immiscer dans la vie de l’entreprise et interdire une organisation du travail qui serait potentiellement susceptible de porter atteinte à la santé des salariés. Elle autorise en outre les organisations syndicales à intervenir de manière préventive avant qu’un drame effectif ne soit survenu. »
Cette décision très importante inscrit dans la législation du travail le fait qu’une entreprise ne pourra plus désormais mettre en œuvre une organisation du travail susceptible de porter atteinte à la santé physique et mentale du salarié sous peine de voir le juge interdire la dite organisation du travail.
Depuis le jugement rendu par le TGI, la CERA a mis en place un benchmark « allégé » pour tenter de contourner l’interdiction posée par le TGI. La cour d’appel, faute d’éléments sur cette nouvelle organisation du travail, n’a pas été en mesure de l’interdire. Les différents intervenants en matière de santé au travail interviendront très prochainement sur les conséquences potentiellement néfastes de cette nouvelle organisation.
Au vu de ces pratiques organisationnelles, les rémunérations très élevées des dirigeants de la BPCE sont d’autant moins acceptables. François Pérol a vu sa rémunération annuelle passer à 1,6 million d’euros en 2010. Le président du directoire pour la région Rhône-Alpes percevait quant à lui 36.625 € mensuels en 2011 (soit 434.700 € annuels selon le rapport du comité de rémunération de la BPCE).
Le salaire mensuel du président du directoire de la Caisse Epargne Rhône-Alpes était de 36.000 € mensuels en 2011
Sources pour aller plus loin :
- La banque a accumulé faux pas et risques inconsidérés depuis sa création. (Mediapart : sept 2008 Des activités trop dispersées voire très risquées avec des pertes chiffrées à l’époque à plus de 7 milliards d’euros.
- La mise en examen de François PEROL, président du directoire de la BPCE pour prise illégale d’intérêts (la loi interdit à un fonctionnaire de travailler pour une entreprise qu’il a surveillée, avec laquelle il a conclu un contrat ou qu’il a conseillée sur ses opérations dans les trois ans précédant son passage du public au privé. C’est le cas de Mr Pérol, ancien secrétaire général de l’Elysée)
- Blog Humeurs numériques