On peut sans doute sourire de voir la CGT publier un plan produit taillé sur mesure pour Renault, juste avant que Carlos Ghosn n’annonce le sien. Et pas un plan vite fait, qui tendrait à maintenir pour l’éternité les succès d’hier, genre « on veut des 4L à Billancourt pour toujours ». Non, un vrai plan produit, avec deux gammes distinctes, dont une low-cost, des propositions de production délocalisées et jusqu’à des noms de produits finalement pas plus bêtes que ceux qui sont étudiés à grands frais par des cabinets spécialisés (Céliane, Trofan, etc.). Ce qu’on imagine assez bien, par contre, c’est la tête du patron du produit chez Renault, à la lecture de ce document. Pire, la CGT s’inquiète de la situation chancelante de telle ou telle filiale, de l’excès de spécialisation de certaines usines, et conclut avec amertume : « PSA, c’est la croissance rentable , Renault, la rentabilité sans croissance ». On croit rêver. Un papier de ce genre signé par un analyste financier ferait l’effet d’un profit warning. Il y a sans doute de la fausse naïveté dans cette étude, et des arrière-pensées à peine cachées. Mais la CGT est après tout dans son rôle. Ce que je préfère y voir, c’est peut-être un premier pas en direction d’un changement plus profond. Celui qui amènerait la CGT à quitter petit à petit le marécage du syndicalisme revendicatif, arc-bouté sur une défense de classe et d’avantages acquis, pour rejoindre les espaces plus éclairés d’un syndicalisme de construction et de compromis.
On aurait tort d’en sourire, tout bien pesé.