vendredi 25 novembre 2011 - par Gemmal David

La confiance allemande boudée par les investisseurs

Mercredi, l'Allemagne n'a pas trouvé preneurs pour 30 % des obligations gouvernementales qu'elle avait proposées au marché. En effet, les investisseurs cherchent un lieu sûr pour placer leur argent. Au-delà des obligations allemandes, reste-t-il une autre place européenne pour traiter des affaires solides ?

La surprise est venue de l'échec allemand, lors d'une vente d'obligations pour renflouer les caisses en vue d'opérations gouvernementales. Un tiers des obligations n'a pas été vendu ce qui a généré une atmosphère de crainte dans la zone Euro incluant l'Allemagne.

Les analystes financiers tempèrent la crainte en expliquant qu'il ne faut pas focaliser sur de simples obligations ponctuelles. Mais, le prestige allemand est dégradé. Ce qui limitera désormais son pouvoir de décision lors des sommets européens de crise.

Une impression s'impose dans les esprits : la Banque Centrale et les grands états européens agiront ensemble pour sauver l'euro, mais l'ensemble de la zone euro commence à se déliter. La crise a frappé 5 grands états européens dont l'Italie et la Grèce, qui empruntent désormais à des taux élevés. La crise incite d'ores et déjà les investisseurs à retirer l'argent de la zone euro.

L'Allemagne défend l'austérité pour maintenir la confiance. C'est le discours qu'elle impose pendant les sommets européens de crise. Elle refuse que la Banque Centrale prête des fonds de sauvegarde aux gouvernements en difficulté.

Les investisseurs viennent de signifier aux Allemands, qu'ils ne croient pas en cette politique. Selon Silvio Peruzzo, qui est un économiste de la Banque Royale écossaise : "C'est un des piliers sur lequel l'Allemagne a basé son approche politique." (...) "L'Allemagne pourrait perdre massivement sa capacité de négocier."

Mercredi dernier, l'Allemagne a tenté de rassembler 6 milliards d'euros lors d'une vente d'obligations sur 10 ans. Elle a réuni 3,9 milliards selon la Bundesbank. La succession des ventes aléatoires pourrait déplacer le débat vers "Trop d'austérité, nous avons besoin de croissance." selon Peruzzo. En outre, des signes annoncent que 17 pays membres de la zone euros entrent en récession. La sagesse et l'austérité allemandes semblent d'ores et déjà inefficaces.

Mercredi, la Commission Européenne, l'exécutif des 27 pays de l'Union, a proposé des mesures incluant, pour la première fois, l'émission d'obligations européennes soutenues par tous les pays de la zone euro. Malgré le refus allemand, cette idée paraît être la seule capable de rassurer le marché, puisque la crise persiste.

Lors d'un débat sur le budget mercredi à Berlin, la chancelière allemande Angela Merkel a réaffirmé son opposition à ces obligations. Toutefois, elle a laissé entrevoir de possibles recours à ces obligations émises par toute la zone euro dans un avenir, qui paraît finalement approcher à mesure que les échecs du plan allemand se précisent. L'échec des obligations allemandes est un tournant déterminant de cette crise, qui vient de frapper le coeur du système européen.

Charles Diebel, qui dirige les stratégies de marché à la Lloyds Banking de Londres, voit dans cet échec : "Une très signifiante grève des investisseurs." Puisque la crise atteint le coeur du système, elle est devenue systémique, selon Diebel.

La faible demande, lors de cette vente, indique que les investisseurs attendent que l'Allemagne et la Banque Centrale Européenne, qui renflouent largement la zone euro, misent tout pour sauver l'euro. De plus, les profits annoncés de ces obligations étaient trop bas pour justifier un tel risque. Car, l'Allemagne va devoir soutenir l'Italie et l'Espagne, entre autres.

Diebel affirme que, cet échec allemand et le manque de décisions efficaces pour répondre à la crise pourraient provoquer "le risque accru d'un éclatement de l'euro." Toutefois, l'hypothèse d'obligations allemandes prenant de la valeur lors de cette chute de l'euro pourrait pousser les Allemands à rétablir le deutsch mark. Les économistes reconnaissent que le mark allemand serait plus fort que l'euro face aux autres monnaies.

Les officiels allemands tentent d'amoindrir l'importance de cet échec lors de la vente des obligations, mercredi dernier. Ils précisent que 9 ventes ont connu de semblables échecs, cette année, selon Jörg Müller, le porte-parole de l’Agence de Finance Allemande. "C'est la routine." Les demandes affluent généralement en fin d'année, pour boucler les ventes. Le gouvernement rentrera dans ses fonds.

Toutefois, en avril, la vente fut un échec puisque 19 % des acheteurs avaient boudé le produit. Les obligations refusées ont doublé mercredi dernier. Certes, Peruzzo pense qu'une minorité d'investisseurs doute de l'Allemagne. Mais, le marché est devenu si fragile en Europe, que le moindre accident peut déliter l'ensemble. Beaucoup s'interrogent : "Est-ce le début de l'érosion du crédit allemand ? "

Wall Street perçoit une alarme dans ce premier échec allemand. Les investisseurs auraient adressé un message à Franckfort : " Vous aussi, vous pouvez échouer." Le responsable des investissements de la Western Asset Management à New York pose cette question : " Pouvez-vous imaginer les conséquences d'un échec de ventes d'obligations du trésor U.S. ? " Les dominos tombent, et les deux derniers dominos sont les obligations allemandes et le trésor U.S.

C'est le premier pas qui mène vers l'intégration des politiques et de la finance en vue de créer les euro bonds pour sauver l'euro. Tout mène aussi vers une délégation des pouvoirs de chaque pays à l'autorité européenne globale, qui pourra reformuler les plans locaux pour éviter la prodigalité.

Le président de la commission, José Manuel Barroso souligne que : " Sans une gouvernance forte dans la zone euro, il sera difficile, voire impossible, de soutenir la monnaie commune". La proposition sera soumise à l'acceptation par les 27 pays.

Finalement, les Allemands ont toujours dit que les autorités européennes ont besoin d'un pouvoir accru de contrôle des dépenses dans la zone euro. Pour endiguer les chutes grecque et italienne causées par les gabegies entraînant l'ensemble de la zone euro dans la crise.

La conscience européenne vit des heures risquées dans ce jeu du "chacun pour soi" où les identités et sensibilités respectives devront s‘effacer, pour rétablir la cause commune. Désormais, tous les pays sont à risque. Les investisseurs cherchent désespérément un leadership dans cette Europe, qui fuit de toutes parts. Des obligations émises par toute la zone euro seront le signe de ce leadership global retrouvé. Ce qui est le seul message que les investisseurs entendront.



5 réactions


  • devphil30 devphil30 25 novembre 2011 09:40

    Remboursement du capital emprunté aux banques en finançant les états par la BCE , cela supprimera le coût des intérêts et diminuera le montant des remboursement.


    Le simple fait de ne plus avoir d’intérêt à payer permettra un retour à l’équilibre des budgets sans créer d’inflation.

    Philippe

  • Xavier 25 novembre 2011 21:15

    Vous n’y pensez pas !

    Si la BCE devait prêter aux États la capital emprunté aux banques afin qu’ils les remboursent, cela entraînerait immédiatement la création ex nihilo de sommes qui se chiffreraient en milliers de milliards d’euros !
    Les montagnes d’argent créées permettraient aux États de continuer à s’endetter comme avant, certes auprès de la BCE et à des taux proches de zéro, mais quand même...

    Et les banques ne manquerait pas de faire fructifier illico cet énorme pactole par le biais de crédits, de spéculations sur les matières premières à travers le monde, d’achat de forêts pour les détruire...bien-sûr avec de copieux bonus.

    Tout cela provocant une hyper inflation ne profitant qu’aux plus riches et réduisant les plus fragiles ou les moins audacieux à l’état de mendiants.


  • BA 25 novembre 2011 22:42

    Vendredi 25 novembre 2011 :

     

    Le Trésor italien au bord de la rupture.

     

    L’effet « Mario Monti » a fait long feu et l’Italie est de nouveau sous très forte pression pour financer sa dette. Au lendemain du sommet ayant réuni jeudi à Strasbourg le président français Nicolas Sarkozy, la chancelière allemande Angela Merkel et le nouveau président du Conseil italien, le Trésor transalpin a dû concéder ce vendredi un taux record de 7,81 % pour placer 8 milliards d’euros de dette à deux ans, soit plus de 3 points de pourcentage de plus que lors de l’émission réalisée le 26 octobre.

     

    Rome a également payé un taux record de 6,5 % pour émettre 2 milliards d’euros d’obligations à 6 mois.

     

    Les marchés ont sans surprise très mal réagi au résultat de ces deux adjudications. En début d’après-midi, le taux référence à 10 ans grimpait de 21 points de base, à 7,32 %.

     

    La différence de taux avec l’Allemagne, appelée prime de risque ou «  spread », est repassée au-dessus des 500 points de base dans le sillage de l’opération pour la première fois depuis le 16 novembre. Signe de l’inquiétude des marchés, la Bourse de Milan a creusé ses pertes après cette émission et cédait 1,84 %. Sur le marché des changes, l’euro est tombé jusqu’à 1,3225 dollar, son plus bas niveau depuis début octobre.

     

    Outre le fait que ces taux d’emprunt sont jugés insoutenables sur la durée pour la péninsule, dont l’encours de dette atteint 1.900 milliards d’euros, soit environ 120% de son PIB, l’Italie n’a attiré qu’une demande relativement modeste des investisseurs malgré ces rémunérations très attractives. Les intervenants n’ont proposé que 11,7 milliards d’euros sur l’opération à deux ans et 3,2 milliards sur la souche à 6 mois, soit des ratios de couverture respectifs de 1,47 et 1,59.

     

    Pour l’heure, cela a suffi pour que le Trésor italien emprunte le maximum de 10 milliards d’euros qu’il escomptait ce vendredi, mais les marchés craignent qu’une crise de liquidité empêche à terme Rome de refinancer sa dette, même à des coûts astronomiques. Un phénomène de très mauvais augure alors que se profile lundi et mardi des adjudications à long terme.

     

    Dans ce contexte de tensions extrêmes, la chancelière allemande a réaffirmé jeudi son opposition aux euro-obligations, jugées par bon nombre de spécialistes comme l’une des clefs de sortie de crise. Autre piste souvent mise en avant, la monétisation des dettes par la BCE, via une création monétaire illimitée, est également au point mort. L’Allemagne et la BCE y sont en effet farouchement opposées, même si l’institution de Francfort a déjà acheté pour plus de 190 milliards d’euros d’obligations périphériques depuis le début de la crise.

     

    http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20111125trib000666768/le-tresor-italien-au-bord-de-la-rupture.html


  • Mugiwara 26 novembre 2011 01:23

    si j’ai bien compris la bce ne veut pas se porter garant des dettes souveraines de tous les états ?


    est ce que ça ne serait pas mieux que les banques centrales de chaque pays soient supervisées par la bce ? ça pourrait résoudre une partie des problèmes, cad que la bce pourra garder son indépendance, tout en allouant aux autres banques centrales des crédits illimités. sauf que au lieu que la bc de chaque pays dépendent des gouvernements respectifs, elles dépendraient toutes de la bce, grosso modo : on aurait les banquiers français de la banque centrale française qui alertent la banque centrale européenne des dérives budgétaires du gouvernement français. peut être que ça se fait déjà ? 

  • Bruno Arfouille 26 novembre 2011 14:09

    @BA
    Merci pour ce copier / coller extrêmement intéressant.


Réagir