lundi 14 avril 2008 - par carnac

La Cour de cassation fait mieux que le président de la République

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, c’est une réalité à laquelle nous ramènent les épisodes successifs de la fermeture de l’établissement Mittal de Gandrange. Loin des lumières médiatiques, les salariés ne devraient-ils pas saisir les tribunaux de leurs demandes en réparation des préjudices subis en prenant en main collectivement leurs intérêts ? C’est ce qui a été fait avec succès par les salariés de Béa, filiale à 99,9 % de Bull SA, sur le fondement de l’article 1 382 du Code civil promulgué par une loi du 19 février 1804 et ainsi rédigé : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Se saisissant de ce bicentenaire principe de droit, la Cour de cassation a ouvert la voie à la sanction des manquements des entreprises à leurs responsabilités sociales, c’est quasi révolutionnaire !

En cette période de restructuration douloureuse des entreprises, nombre de salariés ne manqueront pas de se reconnaître dans le scénario vécu par le personnel de Béa :

ACTE I : Bull SA se restructure. La multinationale décide d’externaliser une partie de ses activités par la création d’une filiale dénommée Béa dont elle est propriétaire à 99,9 %.

En application de l’article L122-12 alinéa 2 du Code du travail, recodifié L1224-1, les contrats des salariés de Bull sont transférés à la société Béa.

En effet, « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».

Ce dispositif, né de la législation européenne et conçu à l’origine pour la protection des salariés, devient alors un piège : non seulement les salariés de Béa peuvent, au passage, changer de convention collective et perdre le bénéfice de tous leurs anciens accords d’entreprise, mais, de plus, ne dépendant plus du groupe Bull, ils ne peuvent prétendre au bénéfice d’un plan social de restructuration de la maison-mère.

ACTE II : tant que la filiale Béa est adossée au groupe Bull, elle est viable mais, au cours de l’été 2000, les salariés Béa apprennent que leur entreprise est cédée à la société Act Manufacturing France (Act MF). L’article L122-12 s’applique à nouveau du fait de cette vente et les contrats de travail des salariés sont cette fois transférés à Act MF.

ACTE III : dix-huit mois plus tard, en décembre 2002, la société Act MF est placée en redressement judiciaire puis liquidée ; les 630 salariés de la société sont licenciés sans les avantages qu’ils auraient pu obtenir de leur employeur initial le groupe Bull.

ACTE IV : 334 d’entre eux se rebiffent et saisissent le tribunal de grande instance de demandes en dommages et intérêts fondées sur les préjudices moraux et financiers subis du fait de leur licenciement, en raison des fautes commises, selon eux, par la société Bull SA vis-à-vis de sa filiale Béa vendue à Act MF.

La Cour d’appel leur donne tort en précisant « que les fautes alléguées contre la société Bull SA sont des fautes de caractère général dans la gestion de sa filiale Béa et qu’à les supposer établies elles seraient à l’origine du préjudice de tous les créanciers de la société Act MF et ne caractériseraient donc pas des fautes particulières et distinctes à l’origine du préjudice des seuls salariés de la société Béa ».

Autrement dit, les salariés sont des créanciers comme les autres. Ils ont subi les mêmes préjudices que tous les créanciers d’Act MF et, par ailleurs, une « erreur de gestion » n’est pas en soit fautive.

ACTE V : pas du tout rétorque la Cour de cassation : « la perte de leur emploi, la diminution de leur droit à participation dans la société Béa ainsi que la perte d’une chance de bénéficier des dispositions du plan social du groupe Bull constituent bien un préjudice particulier et distinct de celui éprouvé par l’ensemble des créanciers de la procédure collective de la société Act MF ».

La Cour de cassation renvoie donc l’affaire pour être rejugée devant la Cour d’appel de Poitiers qui devra dire si oui ou non l’externalisation d’une partie de ses activités par la société Bull SA a été faite uniquement pour ne pas avoir à assurer à ses 630 salariés le bénéfice du plan social auquel ils auraient légitimement pu prétendre.

On peut en effet rappeler ici qu’un contrat de travail, en application de l’article L120-4 du Code du travail recodifié L1222-1, doit s’appliquer de « bonne foi » et que les externalisations sont trop souvent utilisées pour se soustraire aux règles protectrices des salariés visant à les aider, par diverses dispositions, à se reconvertir après un licenciement économique.

C’est donc la responsabilité sociale des entreprises que reconnaît par cet arrêt exceptionnel la Cour de cassation et peut-être assistera-t-on ainsi à une moralisation du droit des affaires évitant de faire supporter à la collectivité la totalité des conséquences de décisions de restructuration à caractère « privé » se traduisant par l’indemnisation du chômage de milliers de salariés et la requalification de dizaines de bassins d’emploi.

Les salariés de Gandrange devraient y réfléchir puisque leurs propositions de revitalisation du site n’ont pas obtenu l’écho espéré auprès de Mittal. Notre président devrait trouver ainsi l’occasion de faire de très substantielles économies en aidant les salariés à utiliser systématiquement l’arsenal légal dont nous disposons ce qui permettrait de libérer des fonds pour le RSA (Revenu de solidarité active), par exemple.

Encore faut-il que la majorité UMP à l’Assemblée nationale ne détruise pas systématiquement les moyens légaux dont dispose la collectivité par la dépénalisation du droit des affaires.

* voir arrêt de la Cour de cassation n° 05-21239



23 réactions


  • ZEN ZEN 14 avril 2008 12:11

    Merci pour l’information

    "...peut-être assistera-t-on ainsi à une moralisation du droit des affaires..."

    On aimerait bien...Y croyez-vous ?

    Ce n’est pas une décision de la Cour qui va faire la "révolution" (que vous évoquez)


    • carnac carnac 14 avril 2008 13:53

      nous n’avons besoin de remonter qu’à quelques mois : le contrat nouvelle embauche est "mort" comme a pu le dire la CFTC si j’ai bonne mémoire "dans d’affreux tourments juridiques" .

      Ce n’est pas la première fois que les juridictions font de la résistance. Alors ce sera long car la justice est lente , je n’en disconviens pas, mais ce peut être aussi efficace que la "mort " annoncée et devenue effective du CNE .

      Dans le cas exposé nous avons un arrêt de la Cour de cassation donc , de la plus haute juridiction judiciaire ... Le chemin est tracé ce qui n’était pas le cas pour le CNE ... nous sommes donc , en quelque sorte , plus "avancés" sur cette voie juridique.

      Il reste à se retrousser les manches et à contester chaque fois que nécessaire les restructurations dans la mesure où le droit commercial serait manifestement destiné à contrer le droit social . Ce n’est pas toujours le cas mais le fait de dénoncer chaque abus conduira forcément les employeurs au respect effectif des droits salariaux.

      Pourquoi ce qui a été vrai pour le CNE ne pourrait l’être pour d’autres atteintes au droit social ?


    • monteno 14 avril 2008 15:25

      @l’auteur

      Deux commentaires...

      Je trouve curieux que vous ne considériez le Droit que quand il va dans le sens qui convient à votre vision du monde ; votre exemple du CNE ne traite pas le cas de la transformation des contrats CNE en CDI, qui est en l’occurence un bel exemple de rétroactivité d’une loi ! En effet quand, conformément à la loi, vous avez embauché qq’un en CNE, aucune loi ne prévoyait que vous soyiez forcé de transformer un CNE qui n’existe plus en CDI ! 

      Le droit ne peut pas s’abstraire des limites physiques ; quand vous dîtes qu’il faut faire jouer le "droit social " quand il s’oppose au" droit commercial", ce n’est pas toujours possible : si un groupe n’a plus les ressources necessaires pour appliquer le" droit social", votre souhait n’est plus qu’un voeu pieux !


    • carnac carnac 14 avril 2008 16:52

      Concernant le CNE avec ou sans rétroactivité il est MORT puisque vous ne pouvez pu à l’heure actuelle le rompre sans motif et donc appliquer la procédure ordinaire des licenciements . Donc il ne sert à rien de soulever la question de la rétroactivité

      Maintenant des lois rétroactives à l’encontre des salariés je peux au moins vous en citer une : http://prudhommesisere.free.fr/tempstravail/jurisprudencettravail/jurisprud enceetlegislation.htm

      Sur la responsabilité sociale des entreprises : Il ne s’agit pas de faire jouer le droit social CONTRE le droit commercial mais d’être respectueux de l’un ET de l’autre : je donne un exemple :

      On explique benoitement aux salariés qui subissent un plan social qu’il faut qu’ils se forment pour retrouver un emploi ...

      que ne les a-t-on formés tout au long de leur vie professionnelle qui parfois a été fort longue dans la société qu’ils quittent ! ce n’est pas après 25 années de travail dans le textile sans aucune formation que l’on se reconvertit aisément.

      La responsabilité sociale des entreprises c’est cela ...

       


    • monteno 14 avril 2008 17:35

      @l’auteur

      Ce que vous écrivez revient à dire que le CNE a "changé" après que certains salariés aient été embauchés avec le contrat CNE ; dans la pratique un employeur qui aurait embauché en CNE un salarié s’aperçoit maintenant que le contrat CNe est devenu un contrat CDI : c’est ce que je nommais effet rétroactif ; le fait que le CNE soit mort , comme vous le dites, ne change pas le fait qu’il s’est transformé pour les anciens contrat en CDi rétroactivement.

      Vous définissez péremptoirement la responsabilité sociale d’une entreprise à proos d’un " devoir de formation" ; c’est une affirmation ( ou un souhait de votre part) , vous ne vous situez plus dans le domaine du droit, qui était votre point de départ ; pouvez-vous étayer votre affirmation par un texte de loi ?


    • carnac carnac 14 avril 2008 18:13

      La formation des salariés est une obligation légale pour les employeurs voici les textes principaux sur lesquels elle s’appuie

      Article L6321-1 (ancien article L930-1 du code du travail) 
       - L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
      Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
      Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme.
      Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’Article L6312-1.
       

      les modalités de financement sont variables et dépendent de la taille de l’entreprise

      Article L6312-1
       - L’accès des salariés à des actions de formation professionnelle continue est assuré :
      1º A l’initiative de l’employeur, le cas échéant, dans le cadre d’un plan de formation ;
      2º A l’initiative du salarié notamment dans le cadre du congé individuel de formation défini à l’Article L6322-1 ;(CIF)
      3º A l’initiative du salarié avec l’accord de son employeur dans le cadre du droit individuel à la formation prévu à l’Article L6323-1 ;(DIF)
      4° Dans le cadre des périodes de professionnalisation prévues à l’Article L6324-1 ;
      5° Dans le cadre des contrats de professionnalisation prévus à l’Article L6325-1.

      ancien article L932-&

      Article L6321-2
       - Toute action de formation suivie par un salarié pour assurer son adaptation au poste de travail constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l’entreprise de la rémunération.

      Article L6321-3
       - Les actions de formation liées à l’évolution des emplois ou celles qui participent au maintien dans l’emploi sont mises en oeuvre pendant le temps de travail.
      Elles donnent lieu pendant leur réalisation au maintien par l’entreprise de la rémunération.

      Article L6321-4
       - Sous réserve d’un accord d’entreprise ou, à défaut, de l’accord écrit du salarié, le départ en formation peut conduire le salarié à dépasser la durée légale ou conventionnelle du travail.
      Dans ce cas, les heures correspondant à ce dépassement sont soumises aux règles suivantes :
      1° Elles ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires ou sur le volume d’heures complémentaires pour les salariés à temps partiel ;
      2° Elles ne donnent lieu ni à repos compensateur obligatoire ni à majoration pour heures supplémentaires, dans la limite de cinquante heures par an et par salarié.

      voilà une consultation gratuite :))

      cordialement et à votre service


    • carnac carnac 14 avril 2008 18:46

      Je vous ai donc donné la base légale du droit à la formation des salariés maintenant sur le plan économique je vous invite à en voir tout l’intérêt dans un article de LIBERATION sur la modernisation du marché du travail :

      "La flexisécurité n’est pas qu’une question de règles. C’est aussi un état d’esprit, une façon d’appréhender le marché de l’emploi et l’économie. En France, par exemple, le président de la République fait le tour des sites industriels menacés, en s’acharnant à défendre l’emploi actuel, souvent condamné par la concurrence mondiale. On va alors promettre des subventions, au lieu de raisonner sur la mutation des emplois et des compétences. On a rarement négocié, dans notre pays, la migration des anciens emplois vers les nouveaux. "

      Appliquons déjà les règles existantes en matière de formation professionnelle continue et améliorons pas à pas le dispositif.

      http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/321033.FR.php

       


  • carnac carnac 14 avril 2008 15:06

    1°) nous n’avons pas une lame de fond des délocalisations (les dernières statistiques donnaient 2% de perte d’emploi liées directement à des délocalisations)

    La plupart des restructurations se font sur le territoire français et il se crée plus d’emplois qu’il ne s’en perd puisque le chomage est tendanciellement à la baisse même si l’on peut contester certains chiffres. Ce qui est en cause c’est la qualité des nouveaux emplois et là encore c’est un problème de volonté politique : en particulier l’exonération des charges patronales pour les temps partiels et les plus bas salaires privilégie ces emplois "sans qualité".

    2°) nombre de délocalisations ne fonctionnent pas correctement : en cause la qualité comparative de la main d’oeuvre (un exemple dans notre région HP a fait un splendide plan social il y a de mémoire 3 ans et les voilà qui réembauchent à peu près le même nombre d’ingénieurs parce que les équipes délocalisées ne peuvent absolument pas avoir la même efficacité que celle qui prévalait à Grenoble ) - Même en Europe les entreprises déchantent car le niveau des salaires tend à être comparable : exemple la bataille DACIA en ce moment.

    3°) Il faudrait quand même regarder ce que font les USA qui ont des dispositifs protectionnistes très efficaces : toute entreprise américaine est tenue de garder une grande part de ses activités au pays ... ce qu’a fait HP d’ailleurs qui n’a absolument pas restructuré ses implantations américaines ... prenons en de la graine.

    4°) regardons aussi ce que fait l’Allemagne - ils ont la même problématique que nous et s’en sortent très très bien à l’exportation ...

    Nous sommes dans un environnement changeant mais qui est maitrisable , cessons de cacher par l’arbre de quelques délocalisations la forêt de nos PME à aider et on peut aider nos PME en respectant le droit du travail : je vous demande de regarder un ratio : le nombre d’affaires aux prud’hommes (source justice.gouv) rapporté au nombre de salariés en france (source INSEE) : vous observerez comme moi que la sinistralité du code du travail est de moins de 1% ..

    Ce qui veut dire que lorsqu’un employeur embauche il a moins d’un risque sur 100 de se retrouver au prud’hommes donc le code du travail n’est pas un empêcheur d’entreprendre en rond ... et l’on peut restructurer sans faire un montage commercial allant à l’encontre du droit du travail.


  • ZEN ZEN 14 avril 2008 15:38

    Oui, les USA sont plus protectionnistes que nous...

    Il faudrait revenir aux mesures préconisées pas Maurice Allais au niveau européen...Mais l’Europe est une passoire ..L’Allemagne commence à souffir, elle aussi...

    Pour Mittal , un document :

    http://www.info-impartiale.net/spip.php?article565


    • carnac carnac 14 avril 2008 15:57

      Deux références intéressantes ZEN, mais nous dévions quelque peu du sujet de l’article qui est centré très modestement sur les marges de manoeuvre juridiques des salariés en cas de restructuration.

      Ceci dit :

      pour moi la cause première de nos déboires c’est la déconnection de la finance et de l’activité réelle des entreprises : ainsi HP gagne plus en plaçant ses capitaux qu’en produisant ... dans ces conditions peu importe la casse sociale ...

      On peut incriminer l’Europe mais je pense que c’est l’insuffisance d’Europe et non le trop d’Europe qui pose problème.


    • monteno 14 avril 2008 17:44

      @l’auteur

      Comment pouvez-vous affirmer que HP gagne plus d’argent en plaçant ses capitaux qu’en produisant ?

      L’essentiel des capitaux d’HP sont immobilisés sous forme d’usines, de réseaux de distributions, de labo de recherches, et donc ds son outil de production pris au sens global !

      Si HP avait davantages de capitaux placés comme vous dites, c’est à dire investis dans d’autres entreprises, c’est que HP se serait transformé en holding (comme GE) ou en Banque d’investissement, actionnaire d’autres entreprises ; HP participerait ainsi tout autant à la "production" réelle ....


    • carnac carnac 14 avril 2008 18:01

      Je me permets de le dire pour connaître le délégué central . Comme toutes les entreprises HP place ses liquidités et cela rapporte intérêts et chaque année le placement de cet argent rapporte plus que les bénéfices issus de l’exploitation ...

      cela n’a rien d’extraordinaire - dans ma propre boite c’est pareil ce qui ne veut pas dire que l’entreprise n’a pas d’actifs usines etc comme vous l’indiquez mais c’est un fait la part du financier dans les résultats est plus importante que la part de l’activité réelle

      d’ailleurs à la société générale c’était la même chose jusqu’à ce que Jérome KERVIEL place mal les actifs


  • ZEN ZEN 14 avril 2008 16:29

    @ Carnac

    "déconnection de la finance et de l’activité réelle des entreprises.."

    entièrement d’accord

    Insuffisance d’Europe politique et sociale, oui. Elle est livrée à la lobbycratie (voir l’article d’aujourd’hui sur ce sujet)

     

     


    • carnac carnac 14 avril 2008 16:38

      D’une certaine manière les syndicats sont aussi des lobbies , mais il ont encore des progrès à faire :))


    • monteno 15 avril 2008 10:15

      J’ai été lire votre article sur les lobbies ...

      Bien sûr chaque lobby ne représente que ses propres intérêts !

      La question interessante est de savoir si l’intérêt général est mieux représenté par un groupe de hauts fonctionnaires formés pour cela et désincarnés (c’est la tradition française qui croit à la Raison) ou bien par la confrontation d’intérêts opposés et divergeants représentés par les lobbies ?

      La première méthode semble a priori plus sûre et plus raisonnable dans un monde idéal et virtuel ; mais dans un monde réel, où les hauts fonctionnaires raisonnables et désincarnés n’existent pas, ( les hauts fonctionnaires ont aussi leur idéologie, leurs propres intérêts, leurs faiblesses), la seconde est sans doute plus porteuse vers l’intérêt général, paradoxalement, à condition que les lobbies soient nombreux, bien diversifiés et en opposition entre eux ( C’est peut-être alors le rôle du régulateur que de s’assurer que les lobbies représentent bien un échantillon de la palette d’un maximum d’intérêts divers).

      Au fond je crois plus que l’intérêt général sera mieux défendu par la résultante d’une cybernétique de forces opposées et variées que par un la Raison portée par un petit groupe d’êtres exceptionnels.


  • monteno 14 avril 2008 23:20

    @l’auteur

    Ok.

    Tous les textes (consultation gratuite) que vous indiquez sont relatifs à la formation dispensée ou financée par l’entreprise pour les postes et emplois à l’intérieur de cette même entreprise ; ils ne mentionnent aucune obligation pour l’entreprise de former ses employés à des postes qui ne seraient pas ds le domaine couvert par l’entreprise ; ces textes ne mentionnent donc aucune obligation à former les employés à des métiers futurs , assurant l’employabilité en dehors de l’entreprise.

    Bien former ses employés aux métiers de l’entreprise est simplement du bon sens et correspond à l’intérêt direct de l’entreprise, il n’est peut-être pas besoin de lois pour cela !


    • carnac carnac 15 avril 2008 22:19

      La responsabilité sociale de l’entreprise consiste à former ses employés une fois recrutés et précisément nous constatons à l’occasion des licenciements économiques ou des licenciements pour "insuffisance professionnelle" que rares sont les salariés qui ont bénéficié au cours de leur vie professionnelle de formation continue.

      Chaque salarié devrait au moins tous les deux ans bénéficier d’un entretien portant sur la formation en vue du développement de ses compétences , la plupart de ces entretiens - quand ils existent - sont purement formel et l’on attend toujours de voir dans les entreprises le passeport de formation qui était prévu dans l’accord national interprofessionnel sur la formation .

      La formation des personnels a beau être de "bon sens" comme vous l’indiquez le fait est que ces dispositions du code du travail sont superbement ignorées.

      la cour de cassation dans un arrêt 06-40950 a même cru bon de préciser que le "manquement au devoir d’adaptation entraîne un préjudice distinct de celui du licenciement abusif" donc double indemnisation : celle du licenciement plus une indemnisation de la formation nécessaire à une remise à niveau.

      Dans ce cas précis, l’Union des Opticiens avait licencié pour motif économique deux salariées alors qu’elles avaient respectivement 24 et 12 ans d’ancienneté . Au cours de ce long parcours au service du même employeur elles n’avaient eu , en guise de formation , en tout et pour tout qu’un stage de trois jours ...

      Cette situation n’est absolument pas exceptionnelle et il faut reconnaître que les employeurs font peser la totale reconversion des salariés sur la collectivité ce qui n’est pas normal .

      Dans nos vallées du textile cela a été une vraie catastrophe au point que la région Rhône alpes a abondé des fonds européens pour faire face à cette situation et financer la reconversion des personnels de la totalité du secteur ... un "plan textile" a été ainsi financé à la demande du CESR.

      Bref c’est judiciairement en ce moment que la sécurisation des parcours professionnels se met en place : on a vraiment de la part du patronat un grand écart entre les discours et la pratique observable quotidiennement dans les entreprises. Il faudrait quand même que l’on mette les actes en adéquation avec les paroles.

       


    • carnac carnac 15 avril 2008 22:25

      Pour approfondir la question de la formation qui participe à la sécurisation des parcours professionnels

      http://www.agoravox.fr/ecrire/articles.php3?id_article=18482

       


    • monteno 15 avril 2008 23:04

      @l’auteur

      Ne croyez vous pas que vous confondez parfois l’arbre et la forêt ? La première responsabilité de l’entreprise est, dans le cadre des lois, de survivre et de se développer ; sinon quelque soient les efforts de formation effectués, les salariés , surtout les plus faibles , sont mis ds une situation trés difficile ! (les efforts de reconversion massive que vous mentionnez sont la conséquence de l’echec ( pour mille bonnes ou mauvaises raisons) d’entreprises du secteur textile).

      Même si la cours de cassation viole parfois peut-être le principe de la séparation des pouvoirs en cherchant à créer du droit ( la loi est normalement du domaine du pouvoir législatif, ou du moins si elle n’est pas conçue et créée par le législatif en France , mais par l’exécutif, elle est votée et sous le contrôle du législatif, le pouvoir executif devrait se contenter d’appliquer aux cas concrets qu’on lui soumet les lois qui existent ), aucun des textes que vous avez si obligeamment rappelés ds votre "formation gratuite", ne mentionnait un devoir de maintenir "l’employabilité " des employés ! Ce devoir est donc une création de droit du pouvoir judiciaire, me semble-t-il ; est-ce à lui de le faire, est-il encore ds le cadre de la constitution et de l’esprit de la séparation des pouvoirs ? Mais rassurez vous je suis un béotien naïf en droit !

      Enfin, il n’y a pas équivalence entre formation et suivre des cours ! ( sauf à prendre le point de vue d’un juriste étroit qui ne compren ni ne rentre jamais ds la matière ) ; vous savez trés bien que bon nombre de cours formels suivis par les employés ds le cadre de la formation permanente sont bidon et sont plus perçus comme un droit à " se distraire" que comme une véritable formation utile ! Il y a aussi des formations trés efficaces données sur le tas par tel ou tel expert de l’entreprise, en dehors d’un cours ou d’un cadre formel ....


    • carnac carnac 16 avril 2008 09:57

      Je ne pense pas que nous rapprocherons nos points de vue pour trois raisons :

      La première c’est qu’à l’évidence le "bon sens" entrepreunarial que vous convoquez pour mettre en cause des dispositions claires du code du travail ne suffit pas à assurer l’effectivité de la formation professionnelle continue des salariés. Le patronat français est bien loin en ce domaine de faire les efforts des patronats allemands ou nordiques.

      Pourtant cela peut fort bien fonctionner :

      Personnellement je suis pupille de la nation et j’ai fait l’intégralité de ma formation tout en travaillant grâce à la formation professionnelle continue dans des institutions d’une efficacité reconnue telle que le CNAM (conservatoire national des arts et métiers) - J’y ai été aidée par mes employeurs successifs -

      donc la formation professionnelle continue améliorant les compétences des salariés c’est un dispositif qui fonctionne quand on veut que cela fonctionne.

      Vous mettez ensuite en cause l’objet même de l’existence des tribunaux du travail dont la chambre sociale de la cour de cassation . La cour de cassation applique le code du travail aux cas concrets : or, sauf à être de mauvaise foi , ce qui n’est manifestement pas votre cas, vous ne pouvez raisonnablement prétendre que dispenser une formation de trois jours en 24 ans de service c’est - c’est "veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi" comme le prévoit le code du travail.

      Vous me dites qu’aucun des textes cités "ne mentionne un devoir de maintenir "l’employabilité " des employés ! " si justement quand le code du travail précise "Il veille au maintien de leur capacité à occuper UN emploi, au regard notamment de l’évolution DES emplois, DES technologies et DES organisations. " c’est exactement de l’employabilité des salariés dont il s’agit - l’obligation de l’employeur consiste à permettre au salariés de progresser en qualification de telle sorte que celles-ci ne soient pas obsolètes s’il doit se présenter sur le marché du travail .C’est exactement ce que font l’Allemagne ou les pays nordiques

      Le seul point sur lequel je vous rejoins c’est que dans certaines entreprises on peut avoir des formations internes organisées de façon très efficace mais, dans ce cas , l’employeur doit être en mesure de justifier d’une formation des "formateurs maison" , de l’affectation d’un temps de travail des tuteurs à leur mission , il doit justifier des dates et du nombre d’heures effectivement passées par le salarié en formation interne.

      Dans le cas de nos deux dames travaillant dans l’optique , manifestement , il n’y avait eu ni formation effective , ni temps de formation interne , ni le moindre tutorat.

      Enfin les employeurs sont paritairement responsable de la formation professionnelle, si elle ne leur convient pas dans sa forme actuelle ils ont toute latitude pour faire évoluer les dispositifs afin que ceux-ci leur conviennent - encore faut-il qu’il le veuille et ne dénigrent pas la formation professionnelle comme étant "un droit à se distraire" ... c’est le terme que vous avez employé je crois.


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