jeudi 26 décembre 2013 - par argumentaires

« La courbe du chômage va s’inverser »

Cette phrase incantatoire revient depuis quelques mois. Que nous apprend elle de ceux qui la revendiquent ? Sur quoi est fondée cette conviction ? Un chef d’entreprise pourrait-elle la faire sienne ?

Piloter l’entreprise

Tous les chefs d’entreprise le savent : pour diriger ils ont besoin d’outils de pilotage et de tableaux de bord qui permettent de modéliser leur activité et d’en décrire le déroulement prévisionnel au fil du temps. Ceci suppose de choisir judicieusement les paramètres du modèle : ils doivent coller à la réalité de l’activité et être mesurables. Ensuite, en comparant la courbe du réalisé à celle du prévisionnel, le chef d’entreprise voit où il en est. Il peut décider éventuellement de changer certains paramètres. Courbes d’activité et tableaux de bord sont les indicateurs indispensables pour ajuster la trajectoire de l’entreprise sur la carte de son domaine d’activité.

Utiliser le tableau de bord

Ainsi, un chef d’entreprise qui veut piloter les ventes de son entreprise, à partir de celles de plusieurs représentants, commence par établir la courbe des ventes prévisionnelles de chaque représentant. La consolidation des hypothèses de vente de chaque représentant pour les mois à venir (pour l’exercice entier) permet d’établir la prévision globale de l’entreprise sur cette même période , en tenant compte de l’état du marché et de la politique de produits de l’entreprise, par exemple. Ce tableau de bord constitue l’outil de pilotage qui permet à tout moment de vérifier que la trajectoire est conforme aux prévisions. Il permet d’adapter la stratégie commerciale en fonction des ventes constatées et des perspectives actualisées. Et si ce chef d’entreprise peut affirmer à son conseil d’administration que les ventes vont augmenter cette année, c’est bien parce qu’il connait tout le détail des ventes par représentant, par région, etc. De ce fait il est en mesure de mettre sur la table le tableau de bord des ventes de l’entreprise dont il a une connaissance fine de son contenu. Il justifie ainsi la perspective globale de l’entreprise parce qu’il est capable d’expliquer et de justifier toutes les ventes élémentaires qui contribuent à construire les ventes cumulées : « Les ventes vont connaître un creux pendant l’été en raison des vacances, puis en septembre et octobre à cause du remplacement du responsable des ventes de la région 3, mais nous dépasserons notre niveau de juin grâce à l’action lancée depuis le deuxième trimestre sur le produit D…  ». D’ailleurs s’il n’était pas capable d’une telle analyse et se contentait d’affirmer que « les ventes vont augmenter » il aurait toutes les chances d’être remercié.

Chômage, courbe et pilotage

La « courbe du chômage » est la courbe résultant de l’évolution de nombreux paramètres qu’il conviendrait d’identifier et d’analyser séparément pour montrer qu’on est capable d’expliquer de quoi cette courbe est faite, montrant ainsi qu’on maîtrise le sujet. La formulation « la courbe du chômage va s’inverser » se présente donc comme la conclusion d’une analyse portant sur le court et moyen terme. L’analyse n’est crédible que si les paramètres sur lesquels elle a été établie sont pertinents.

La crédibilité du pilote qui utilise cet outil de management passe par sa capacité à montrer qu’il a identifié les bons paramètres et qu’il s’est doté de la bonne méthode pour anticiper de façon satisfaisante leur évolution.

Le pare-brise et le rétroviseur

Vers la fin du mois d’août on a entendu sur la scène médiatique une première déclaration sur la baisse du chômage des jeunes "pour le troisième mois consécutif" : "L’inversion de la courbe du chômage des jeunes devient aujourd’hui une réalité." Déclaration répétée du Ministre du Travail, fin novembre cette fois, qui indique que "l’inversion de la courbe du chômage des jeunes, amorcée il y a six mois", était "déjà effective et s’inscrit dans la durée".

Imagine-t-on le chef d’entreprise qui viendrait dire à son comité de direction qu’il découvre que les choses s’améliorent depuis trois mois, qu’il sait dans le détail ce qui s’est passé, mais sans pour autant préciser les mesures concrètes qu’il envisage de prendre pour confirmer cette tendance, ni comment il compte piloter l’évolution sur le court terme ? On lui répondrait sans doute que regarder dans le rétroviseur pour voir ce qui s’est passé est certes important (retour d’expérience), qu’il faut en effet analyser les signaux faibles mais surtout les traduire en trajectoire prévisionnelle immédiate et regarder un peu à travers le pare-brise. Sinon il pourrait s’inquiéter pour son propre avenir.

Alors ?

Alors, la courbe du chômage va s’inverser ? Oui, bien sûr, inéluctablement, comme les arbres finissent par cesser de croître. Si ce n’est pas maintenant ce sera plus tard. Et à ce moment-là il sera plus confortable d’expliquer pourquoi et comment cela s’est produit alors que trois mois plus tôt on était incapable d’anticiper ce qui allait survenir dans le prochain trimestre.

Tout le monde souhaite évidement que le chômage baisse. Cela n’interdit pas de s’interroger sur la méthode choisie et sur la gouvernance mise en oeuvre pour y parvenir. Mais, comme on le voit, les arguments avancés pour montrer que la méthode suivie serait la bonne peinent à convaincre.



13 réactions


  • devphil30 devphil30 26 décembre 2013 09:59

    La courbe du chômage ou la courbe des demandeurs d’emplois qui se retrouvent radiés au bout de 23 mois ????


    Vaste fumisterie que ces chiffres qui ne prennent en compte que les demandeurs d’emplois indemnisés alors que ceux qui sont sortis du système sont censés avoir retrouvés un job ????

    Philippe 

    • ecopolitique 26 décembre 2013 21:59

      Enfumage total en octobre déjà le chômage avait augmenté fortement avec 60 000 chômeurs de plus, la baisse ne concernait que la catégorie A.

      Hollande fabrique 150 000 RMIstes en 1 an !

      150 000 misérables du RSA en plus en une année, ils ne sont plus comptabilisés en tant que chômeurs comme tout ceux qui arrive en fin de droit (au bout de 5 ans on est complètement exclus)
      sources :
      http://economiepolitique.org


    • jmdest62 jmdest62 27 décembre 2013 08:32

      il semblerait que l’accélération de la montée du chômage se soit ralentie en données corrigées des fluctuations saisonnières et que lentement nous atteignons une asymptote qui préfigure .....euh ! ben je sais pas  smiley

      Michel Sapin (PDG pôle emploi)

      @+


    • jmdest62 jmdest62 27 décembre 2013 08:39

      Ben quoi ! si on regarde la courbe partant de la droite et allant vers la gauche ...
      ça baisse NON !  smiley 

      Michel Sapin (PDG pôle emploi)


    • devphil30 devphil30 27 décembre 2013 09:30

      Donc si l’accélération de la montée diminue cela induit bientôt une accélération de la descente.....

      Un peu comme la voiture qui monte une cote qui finit par s’arrêter au milieu et redescend ensuite ( Modèle type 2 CV ) 

      On les paye pour faire l’ENA , Sciences Po pour faire avaler des couleuvres voir même des boas.

      Si ça baisse c’est pas pour le nombre d’embauches mais pour celui des radiations.

      A quand un pourcentage précis des sans emploi en France et non des inscrits au chômage.

      Philippe 

  • zygzornifle zygzornifle 26 décembre 2013 10:41

    La courbe du chômage s’inversera mais sans création d’emplois simplement grâce aux milliers de chômeurs qui sortent de leur période d’indemnisation et de ce fait ne sont plus comptabilisés....En fait pour savoir ce qui se passe il faudrait donner le chiffre des emplois crées, je parle des vrais emplois en CDI pas des contrats mis en place par le gouvernement qui sont des emplois placébos....Au total il y a 6 millions et demi de chercheurs d’emplois, chiffre aussi tabou que celui de l’immigration .....


  • gogoRat gogoRat 26 décembre 2013 12:50
    « L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. »... disait La Rochefoucauld

     On comprend au moins que nos « Représentants » ont conscience du fait que trop de chômage ça fait désordre.
     Seulement voilà : lorsque l’hypocrisie s’affiche ostensiblement, ça devient du cynisme.

     La défiance générale est donc imposée par nos institutions.
     Même pas assez de cohésions partielles pour que deux ou trois gros clans cristallisent les rancoeurs et donnent lieu à une guerre civile ... On assiste plutôt à des guéguerres larvées, superposées, et aux contours flous

     Notre pays semble attaché à rester bien sagement sur la voie (ou dans l’ornère) d’un inéluctable délitement.


  • claude-michel claude-michel 26 décembre 2013 13:58

    Après manipulations habituelles nous allons avoir de bon chiffres.. ?


  • Kern Kern 26 décembre 2013 18:35

    Malgrés les manipulations habituelles nous avons de mauvais chiffres

    http://www.leparisien.fr/economie/chomage-mauvaise-surprise-avec-une-hausse-de-0-5-en-novembre-26-12-2013-3441243.php

    Que seraient-ils si ils n’étaient pas manipulés par ces menteurs patentés ?

    Hollande & Co  : démission pour mensonges éhontés


  • gogoRat gogoRat 26 décembre 2013 18:53

     Ne pas confondre « sentiment » et « constat » !

     Comment nos « communicants » pokitico-journalistiques peuvent-ils rêver de procurer aux exclus, par la méthode Coué, le « sentiment » d’avoir assez d’argent pour boucler les fins de mois ?

    dans cette page journalistique : http://tempsreel.nouvelobs.com/france-la-crise-sociale/20131120.OBS6094/serge-paugam-un-sentiment-de-delitement-de-la-societe.html , on pourrait se sentir presque d’accord avec ce passage :

    • le modèle républicain repose sur la notion d’égalité des citoyens et se réfère traditionnellement au principe de la solidarité à l’égard des catégories les plus exposées aux aléas de la vie. Ce qu’on a appelé la « démarchandisation » permet d’avoir des droits déconnectés de la dimension strictement marchande. Alors, le fait de revenir à un mode de régulation qui condamne certaines catégories provoque une crise de confiance dans le système. Il y a un sentiment d’abandon très fort.

    ... sauf qu’il faudrait certainement remplacer la plupart du temps « sentiment d’abandon » par « constat de trahison »

  • claude-michel claude-michel 27 décembre 2013 08:17

    Le petit caporal « épinglé » en plein mensonge...Comme d’habitude.. !


  • zygzornifle zygzornifle 27 décembre 2013 10:36

    « La courbe du chômage va s’inverser » le gouvernement brame cette phrase comme un cerf en rut cherchant désespérément une femelle smiley....Manque de pot Pole-Emploi lui a dit « vas y pour décembre, » le chiffre des radiés va surement dépasser celui des inscrits et bien non mais ce gouvernement va continuer à bramer sa solitude de male en chaleur .....


  • zygzornifle zygzornifle 28 décembre 2013 10:53

    C’est comme la connerie des politiques, aucune chance que cela s’inverse smiley


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