samedi 2 mai 2015 - par Robert GIL

La « Crise de la Dette », un point de vue Marxiste

Le débat sur la dette publique domine la scène politique française et européenne. Il ne s’agit pas là d’une question académique, mais bien politique et sociale, car elle détermine la manière dont la classe capitaliste de l’Union Européenne instaure, par l’action de la BCE et des gouvernements des Etats membres, une politique visant à faire payer la crise et porter le poids de cette dette aux travailleurs – une politique d’austérité.

 

La dette d’un système en crise

La vérité est que la dette publique ne nous appartient pas et n’est pas remboursable. Elle est l’œuvre du capital privé, pour lequel la dette publique est source de profit privé, raison pour laquelle la dette existe et, sous ce système, continuera d’exister. L’Etat est donc appelé à garantir les marges de profits du capital, par le biais direct des marchés publics, des grands chantiers ou de l’industrie militaire. Mais aussi comme débiteur, prêt à garantir des intérêts qui rémunèrent la finance. Le « marché de la dette » révèle donc le paradoxe de la crise du marché en général et de la manière dont le capitalisme est entré dans sa phase sénile : la « libre initiative privée », tant glorifiée, ne vit pas de sa propre initiative ! Et pourtant, les mêmes capitalistes et leurs relais médiatiques glosent sur le gaspillage public : trop de soins, trop d’éducation, trop de repos ! Aucune ressource publique ne doit être gaspillée pour garantir l’existence de l’aventurier de la Bourse ou de l’usurier bancaire.

Ainsi cette dette n’est pas la nôtre, mais celle d’une poignée de parasites qui sont les véritables donneurs d’ordre dans notre société. Elle n’est pas plus « remboursable » ; de fait, ce n’est pas le véritable objet des discussions des institutions financières, qui s’évertuent plutôt à inventer des plans garantissant que les Etats continuent à financer leur dette, en payant des intérêts. Aucun Etat européen sous la coupe des plans d’austérité n’est à même de rembourser les sommes astronomiques de leurs dettes publiques. L’exemple français est significatif : quand d’un côté Sarkozy ou Hollande peinent à dégager entre 30 et 40 milliards de coupes budgétaires sur une année, de l’autre la France continue d’emprunter 170 milliards par an aux marchés, pour une dette d’un montant total de plus de 1800 milliards fin 2012.

Une dette « illégitime » ?

La « crise de la dette » soumet les travailleurs à une pression sans précédent, avec son cortège de licenciements, de coupes budgétaires, de destruction des droits les plus élémentaires. De la même manière, elle met aussi à l’épreuve les programmes de toutes les forces syndicales et politiques de la gauche. Les capitalistes disent : « la dette doit être remboursée, coûte que coûte, grâce à des décennies d’austérité », à quoi les dirigeants réformistes répondent : « oui, la dette doit être remboursée, mais son poids doit être distribué de manière égale entre les différentes classes sociales ». Mais une fois au pouvoir, ils finissent toujours par se soumettre à leurs exigences, de la Grèce à la France.

Il existe une troisième position, à gauche : « ne pas rembourser la dette ». C’est la nôtre. Mais il existe plusieurs interprétations de ce mot d’ordre. La version qui domine les débats affirme que l’on devrait organiser un « audit » de la dette, pour comprendre quelle part de celle-ci est « légitime » et doit être remboursée – et quelle part est « illégitime » et donc à ne pas rembourser. Un tel raisonnement se conjugue souvent avec l’idée d’une réforme de la BCE, qui devrait imprimer de la monnaie pour souscrire les dettes publiques. C’est notamment la position des économistes du PCF et du PG.

Les mêmes distinguent souvent l’« économie réelle » et « la finance », et dans celle-ci la finance légitime et illégitime. Ce faisant, ils participent à l’illusion d’un possible « capitalisme vertueux ». A l’origine de cette erreur se trouve une analyse erronée de la crise et de la nature même du capitalisme. L’opposition entre secteur financier et secteur industriel de l’économie n’est qu’une mystification du capitalisme. En dernière analyse, dans l’économie capitaliste, la séparation entre argent et marchandise entraine la possibilité d’une part d’invendus. En ce sens, toute crise est au fond une crise de surproduction.

La conséquence d’une crise de surproduction

La question de la dette s’est imposée dans l’espace public au moment de l’explosion de la bulle financière en 2008. Le renflouement des banques privées par l’argent public constitue l’élément déclencheur de cette chaine de l’austérité, mais non la cause originelle. Le problème est d’expliquer pourquoi depuis les années 80 la dette publique croît dans tous les pays. C’est là le nœud du problème.

La crise a en effet provoqué une augmentation rapide de la dette publique, la tendance générale à la croissance de la dette lui préexistait. L’économie bourgeoise n’a pas d’explication à cela, le marxisme oui. Le problème est très simple : le capitalisme dans son ensemble est toujours moins productif. Les profits proviennent du travail non rétribué des travailleurs (la plus-value) ; par ailleurs, pour soutenir la compétition mondiale, les capitalistes substituent la main-d’œuvre avec des machines ; résultat : plus une économie capitaliste se développe, moins les profits proviennent de la production réelle – même si l’innovation technique atténue celle tendance. La « financiarisation » n’est qu’un faux recours, une échappatoire aussi provisoire qu’inutile pour éviter cette contradiction fondamentale du système. Les dettes découlent de la surproduction. Le capitalisme est destiné à se noyer dans les dettes.

Le non-paiement de la dette : une lutte politique pour le pouvoir

Faisant abstraction de ce lien organique entre finance et production, les réformistes de gauche professent l’idée d’un possible bien-fondé de la dette, à condition que celle-ci soit « mise au service de l’économie réelle ». C’est le schéma keynésien qui voudrait que le « rôle originel des banques » (l’investissement) ait été « dévoyé » à la fin des années 70, suite à la prise de pouvoir politique et économique des « néo-libéraux ». Cette vision ignore les rapports de classe. La reconstruction d’après-guerre nécessitait le recours à l’intervention publique, suite à l’immense destruction de capitaux lors de la crise de 29 et la guerre. Mais avec les crises des années 70, le taux de profit retombant au plus bas, un changement de politique s’est avéré nécessaire pour le capital. Les conquêtes sociales sont devenues organiquement insupportables au capitalisme, qui a imposé restructurations industrielles et déflation salariale –, et ce, grâce aux nouveaux rapports de classe, favorables au capital après les importantes défaites ouvrières partout dans le monde, fin des années 70 et début des années 80.

Il n’y a pas de solution « technique » acceptable pour le capitalisme, qui obéit à une logique qui lui est propre. « Renégociation de la dette », « défaut concordé », « droit à l’insolubilité », « BCE démocratisée »… : autant de fausses solutions qui passent à côté de la question centrale : quelle classe sociale devrait gérer un tel processus qui va à l’encontre même des intérêts de la bourgeoisie ? On comprend bien qu’il s’agit là d’une lutte politique pour le pouvoir, à laquelle les organisations des travailleurs sont appelées à répondre par un programme et une stratégie de lutte à la hauteur de la plus grave crise de l’histoire.

L’annulation de la dette, par ses implications révolutionnaires, est un mot d’ordre qu’il faut articuler à une perspective générale de transformation socialiste de la société. Ne pas reconnaitre la dette publique (exception faite de la tutelle de l’épargne des travailleurs, des retraités, etc.) implique immédiatement la nécessité de nationaliser les banques et organismes financiers, avec comme objectif de prendre en main un levier décisif pour gérer l’ensemble de l’économie. Mais on ne peut se limiter aux banques. L’intérêt public exige également de nationaliser, sous le contrôle des salariés, les grands groupes industriels et commerciaux, la propriété foncière, tous les grands moyens de production et d’échanges. Or de tels objectifs impliquent non pas la gestion « technique » d’une faillite, mais la lutte des travailleurs pour le pouvoir politique.

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« Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience »… Karl Marx

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10 réactions


  • César Castique César Castique 2 mai 2015 11:57

    « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience »… Karl Marx


    Et bien sûr, c’est scientifiquement démontré smiley

    • Aristoto Aristoto 2 mai 2015 15:26

      @César Castique

      Mais bien sur César !

      penses tu que t’aurais été racialiste tendance suprématiste blanc si t’était né dans un monde peuplé entièrement de blanc occidentalisé sans aucune autre aucune nuance de marron, de brun ou de jaune aux alentours !? Non évidemment tu ne fais que subir tes condition d’existence !


  • Diogène diogène 2 mai 2015 11:57

    L’économie capitaliste est une perpétuelle crise !

    C’est le jeu des tensions qui permet aux initiés de s’enrichir en permanence.
    Ce jeu a été inventé par les banquiers lombards de la renaissance italienne qui avaient déjà imaginé comment taxer les habitants de nombreux pays en prêtant de l argent à leurs dirigeants.
    Ce n’est pas une crise, c’est le mode d’emploi du système.
    Autrefois, les rois tuaient des banquiers de temps en temps.L’attaque de Florence par François premier n’avait pas d’autre raison. la guerre a continué à constituer un moyen d’annuler des dettes.
    Aujourd’hui, les agences de notation s’efforcent d’évaluer le point de ruypture au-delà duquel une population ne pourra plus payer.
    Ce n’est pas une crise, c’est un mode de gestion comme le dépôt de bilant peut être une façon de rebondir pour des patrons de boite en mauvaise posture.

  • Pascal L 2 mai 2015 15:56

    La suppression de la dette était déjà organisée dans la Bible tous les 49 ans. Dans la situation actuelle, c’est encore la seule manière de sortir de ce bourbier. Vu la manière de créer la dette par de simple lignes d’écriture, cela ne devrait pas poser de problèmes sauf que les banques ont fait du Ponzi avec cette dette et risquent évidemment la faillite.


    En fait, ce n’est pas la dette qui pose problème, ce sont les taux d’intérêts, même faibles, lorsque la dette est utilisée pour de l’investissement. Pour une économie saine et stable, il faudrait que la dette d’un pays ne dépasse pas un petit pourcentage du PIB, sans doute autour de 20 à 30% max. Cela implique qu’il y ait d’autre moyen de créer de la monnaie que par la dette. Le capitalisme n’est pas instable par nature, mais les lois qui régissent la monnaie ont rendu l’économie instable depuis les années 70 avec la disparition des monnaies basées sur le troc. La théorie sur l’instabilité de l’économie par la monnaie a été théorisée par Minsky dans les années 80 et les modélisations ont été faites par Steve Keen dans les années 90. On ne peut pas dire que nous ne savons pas.

    Si nous créons des lois pour favoriser une utilisation vertueuse de la monnaie au détriment de la prédation, les financiers deviendront vertueux et créeront de la richesse. Si nous mettons les financiers en prison, ils seront remplacés par d’autres qui profiteront de la même manière du système actuel.

  • ddacoudre ddacoudre 2 mai 2015 20:15

    vbonjour Gil

    « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience »… Karl Marx

    ce n’est pas tout à fait exact, nous oublions toujours que notre activité économique est issus de l’organisation de celle du pillage. ce sont donc les puissants « les guerriers » qui ont instauré des règles de domination des populations conquises. c’est l’éternel rapport dominant:dominé sous lequel nous vivons toujours. si Marx avait raison la conscience de sa condition sociale de pauvreté ou de misère devrait les pousser à la révoltes, or ce n’est toujours qu’une infime partie d’entre eux et la plus par du temps des hommes qui s’engagent dans le soutien aux plus démunis, alors qu’ils pourraient vivre paisiblement à l’ombre du « dominant systémique ».
    Mais si l’on considère que l’existence sociale découle de l’environnement qui se régule par toutes nos inter actions en ayant conscience de celui-ci et de celles-ci, alors il a raison.
    il est important d’avoir conscience de l’histoire de l’économie de pillage car avec elle c’est organisé celle de l’organisation monétaire et le fameux pouvoir régalien des états totalitaires au détriment de la création monétaire des particuliers. aujourd’hui en prétextant un retour vers le pouvoir monétaire des particulier nous n’avons fait que changer de« dictateur » en faisant de la dette une anomalie, alors qu’elle est l’origine de la création monétaire par la reconnaissance de dette que l’on s’échange et auxquelles nous avons substitué toutes les valeurs suggestives de monnaie du haricot à l’or, et aujourd’hui rien, du vive.

    La dette, c’est effectivement une duperie dont les citoyens font les frais, mais aujourd’hui il y a une immaturité socio-économique qui ne fait que s’aggraver.nous sommes encore dans un monde où les citoyens pensent que l’es choses gratuites existent, ou qu’il suffit d’aller cueillir sur un arbre de la consommation ce dont l’on a besoin, sans devoir mettre la main à la patte pour créer ce que l’on désire. et cette société nous dit si vous désirer ceci ou cela il faut aller emprunter la monnaie nécessaire alors qu’en disposant en tant que peuple souverain du pouvoir régalien ils pourraient couvrir les besoins financiers sans s’engager dans un endettement qui n’est là que pour faire gonfler des masses monétaires qui échappent à tout contrôle des citoyens les plus humbles. en cela il y a un juste retour des choses puisqu’ils ne s’intéressent guère à la politique, laissant la place libre, d’autres s’y sont installés.

    ces gens là sont toujours des « guerriers », mais ce n’est plus des armes qu’ils utilisent mais des moyens de communication.

    cordialement.


  • diverna diverna 3 mai 2015 03:00

    Il y a un savant mélange de vrai et de faux. Oui la dette est issue de ce droit incroyable octroyé aux banques privées de créer de la monnaie via les emprunts et d’avoir soumis les états à ce système débile mais une meilleure gestion aurait évité que l’état français soit si gourmand. Agnès Verdier -Molinié a beau jeu de faire le constat (je reste sur le constat) de structures empilées et un état qui est mal géré ; ça aussi c’est vrai. Si on suit cet article on emprunte à tout va et on ne doit rien à personne. C’est ce que tentent les américains.... C’est si facile ! 


  • Le p’tit Charles 3 mai 2015 08:30

    La « Crise de la Dette » est la résultance de l’incompétence du monde politique tout simplement...

    Au sein d’une société..ces gestionnaires ne seraient pas rester une semaine à leur poste... !

    Alors les « Français »...achetez quelques neurones plutôt que des actions pour aller voter la prochaine fois.. ?


    • Peretz1 Peretz1 7 mai 2015 15:21

      @oncle archibald «  parfaitement d’accord, emprunter pour payer les fonctionnaires c’est le plus con que l’on puisse faire et c’est ce qu’ils font depuis des années sous les vivats de la gauche en délire qui voudrait qu’ils empruntent encore davantage » Et revoilà la droite la plus bête du monde qui n’a rien compris à l’Economie« , ou du moins qui fait semblant pour continuer à se gaver ! » Avant de chercher les fameux boucs émissaire « les fonctionnaires », il faudrait cher Monsieur savoir ce qu’est le monétarisme et le système de redistribution. (P.S je ne suis pas fonctionnaire. J’ai même été chef d’entreprise"


  • Peretz1 Peretz1 4 mai 2015 17:07

    J’AI FAIT UN RÊVE : LA DETTE ? QUELLE DETTE ? ELLE A DISPARU !

    Moi, Président de la République, j’ai rêvé que je refaisais en quelque sorte ce que j’ai fait pour les banques, en 2008, un tour de passe-passe quand j’ai prêté de l’argent que je n’avais pas ! Si on m’avait obligé de faire un bilan à ce moment, on aurait constaté que j’avais créé cette créance « ex-nihilo » Donc un faux en écriture ! Comment était-ce possible ? Explication :

    Moi, Président de la République, je pourrai donc de la même façon effacer tranquillement la dette souveraine, par un simple jeu d’écriture. Magnanime, Je ferai en sorte que la somme due soit inscrite comme payée dans les comptes des prêteurs. Officiellement, rien ne s’était passé. Ce simple jeu d’écriture, reviendraient à la considérer la somme qui était inscrite comme une créance, qui réapparaîtrait ainsi réelle et disponible. Supposons donc que chaque Etat endetté invite les banques à réinscrire les sommes prêtées comme ayant été remboursées au moment de l’échéance. On reviendrait au bilan précédent l’emprunt. Les prêteurs, de leur côté inscriraient cette somme comme ayant été arithmétiquement et équitablement remboursée bien que sans mouvement de fonds réel. Le débiteur Il n’y aurait aucune perturbation dans le système. Le prêteur retrouve son argent nominal comme au moment de la transaction. Il a toutefois bénéficié des intérêts annuels, comme prévu dans le contrat initial. L’Etat débiteur, pendant ce temps s’en est servi depuis le moment où il l’a reçu.

    Faire des virements sans fonds propres (sauf un minimum de 8%) n’est pas interdit aux banques. Elles le font en permanence dans les échanges de gré  à gré. Cette technique consiste à prêter des sommes qu’elles empruntent aussitôt à d’autres banques. On ne sait rien de tous ces mouvements qui ont lieu sans provisions réelles, en permanence. La tactique consiste à trouver un nouveau prêteur, sans se préoccuper de son origine. Il fait de même à son tour. Ce système s’explique facilement par le droit que se sont accordée les banques  entre elles (Conventions de Bâle II et III) de se passer de la réalité de 92 % des sommes en circulation. Ce tour de passe-passe permet de maintenir l’équilibre (instable) entre l’actif et le passif de leurs comptes Il n’est pas sans risque, comme on l’a vu quand une « trappe à liquidités » s’ouvre. Les banques sont donc toujours sur le fil du rasoir. Dans le même ordre d’idées, le Trésor public en France, sur ordre venu d’en haut,  a sauvé de la faillite les grandes banques qu’y étaient exposée en 2008 à cause de la crise des « subprimes ». Pour combler ces trous, elle a prêté la bagatelle de 320 milliards d’euros…[1] qu’elle n’avait certainement pas : les caisses sont vides disent à juste titre les ministres responsables. Ce qui est vrai puisque le déficit est permanent. A moins que le Trésor public ait lui-même emprunté cette somme à d’autres prêteurs ? Peu probable étant donné son montant. Où aurait-il pris cette somme ?

    Faire un faux remboursement de dette souveraine pourrait donc se faire sans dommage si les deux parties sont d’accord. Refaire de cette façon, un bilan qui fait état de sommes non parvenues dans la réalité, par un simple jeu d’écritures serait un faux pour toute entreprise. Ce faux en écriture, à ce haut niveau ne peux être punissable pour un Etat qui a le droit de le faire si c’est pour le bénéfice de tous. Du côté banques elles réintègrent formellement leurs liquidités. N’étant donc pas lésées, elles n’auraient en toute équité, de raison de se plaindre. Chaque partie en a tiré profit, la banque par les intérêts perçus réellement, et l’Etat pour ses dépenses budgétaires qui ont réellement eu lieu. Un encouragement à emprunter n’importe quoi n’importe quand ? Pas vraiment puis qu’il y a toujours ces taux d’intérêt à payer. Une raison de ne plus prêter ? Au contraire, puisque ce système est sans risque. D’ailleurs les taux d’intérêt qui intègrent toujours le risque d’impayé, devraient diminuer. L’argent devenu scriptural depuis qu’on le compte, n’est plus concrétisé que par des chiffres anonymes.

    Effacer les dettes souveraines de cette façon, permettrait de retrouver exactement la situation qui prévalait avant la loi du 3 janvier 1973, votée sous le gouvernement Giscard où l’Etat faisait battre monnaie pour financer ses dépenses, chaque fois que les rentrées étaient insuffisantes. L’argent était tiré « ex nihilo » bien qu’avec le contrôle du Parlement. Mais trop facilement au gré des banques, qui estimaient, qu’augmenter la masse monétaire en circulation, engendrait l’inflation. Inflation honnie pour tout prêteur qui voit la valeur de ses créances s’amenuiser avec le temps. Les prêteurs savent que cela fait baisser la valeur de l’argent prêté. D’où la loi en question empêchant l’Etat français de battre monnaie, en laissant ce soin aux banquiers, qui créent 92 % des sommes en circulation.

    C’est de cette façon et depuis cette date que les banques ont pris le pouvoir sur l’Etat en le laissant s’endetter progressivement ! Cette technique s’est généralisé avec les traités européens qui ont fait adopter  une directive équivalente pour les pays membres de l’U.E.  Les banques ont réussi à persuader que l’inflation était toujours malsaine pour la population, ce qui est faux si l’on se réfère à la période des trente glorieuses où le pouvoir d’achat n’a cessé d’augmenter en France. Le lobby bancaire a réussi à persuader les dirigeants qu’il fallait supprimer la « planche à billets », responsable de l’augmentation de la masse monétaire, elle-même responsable de l’inflation. L’Etat, obligé de payer des intérêts devait ainsi se montrer raisonnable dans ses dépenses.

    On voit que cela n’a pas été le cas. Pourquoi ? Parce qu’un Etat normal doit satisfaire les besoins de la population, sans attendre. Il a la mission de maintenir l’activité du pays et même de la faire progresser. Nécessité fait loi. « Ils sont presque fous ceux qui croient qu’un pays se gère comme un ménage » a dit en son temps le premier des grands économistes, Adam Smith au 18 e siècle. Spécialité anglo-saxonne - à part Mme Thatcher qui a ignoré ce grand homme pourtant statufié dans son pays J.M Keynes en effet a dit la même chose : il ne faut pas trop hésiter à dépenser pour maintenir l’activité d’un pays. Or il y a cette nécessité en permanence pour la population dont les dirigeants ont la charge. Mais les fonds qui proviennent des impôts ne sont pas toujours en phase avec le moment de la dépense. Ce qui ne veut pas le faire cesser de dépenser. Ni dire qu’il faille dépenser sans compter. Mais que gérer un pays à la méthode purement comptable, n’est pas non plus la meilleure solution. Ralentir les dépenses aboutit à ralentir l’activité, avec mécaniquement les conséquences sur l’emploi. Préférer le risque du défaut et restructurer les dettes d’un petit pays comme la Grèce, dans la mesure où elles perdent un peu, mais qu’en contrepartie les prêteurs elles pourront acquérir des biens du débiteurs à très bas prix est une bonne compensation. Un Etat est toujours solvable dans ces conditions.

    C’est alors une véritable descente aux enfers appelée déflation. En effet en période déflationniste les prix ne cessent de baisser, apparemment à l’avantage de la population mais au détriment d’abord des entreprises. Celles-ci  en baisse de régime sont alors facilement rachetées par les financiers aux aguets qui n’hésiteront pas à faire baisser les salaires ou à licencier pour maintenir leurs bénéfices. Cette technique déflationniste, favorable aux banques et autres détenteurs de capitaux, a été pratiquée au Chili, après Allende, sous l’égide d’économistes américains avisés. D’autres cas de prédations néocolonialistes économiques, ont été décrits par Naomi Klein (La stratégie du choc). Effarent. A terme, après une période déflationniste, cet afflux d’argent vient à point rééquilibrer les comptes d’un Etat exsangue, et le rendre à nouveau solvable, mais à partir d’un très bas niveau qui lui a fait perdre son indépendance économique et son niveau de vie. C’est encore une façon d’établir la soumission financière du pays. Elles renforcent les souffrances sociales qui renforcent les déficits, que les banques sollicitées seront encore chargées de financer…avec intérêts.

    Bien sûr la technique du faux remboursement n’est qu’un raisonnement, mais qui a le mérite de montrer où se situent les responsabilités, des dirigeants qui ont accepté de perdre leur droit régalien de battre monnaie, au profit de la Banque centrale européenne.

    Ce remboursement, fictif, ne serait pas dicté par bonté d’âme envers les banques, loin s’en faut, mais éviterait tout le processus de descente vers la pauvreté. Il montre qu’au départ l’Etat doit maintenir sa fonction régalienne de battre monnaie. Il aurait l’avantage de supprimer sans douleur les dettes bancaires, quitte à supporter un certain niveau d’inflation. De préserver les populations des conséquences d’un véritable défaut parce que tôt ou tard les pertes d’argent situées au niveau national seront répercutées sur elles.

    La Grèce et autres Etats déficitaires qui adopteraient ce système du faux remboursement pourraient émerger et retrouver une situation saine en supprimant toute pression qui pèse sur la population qui dépend en réalité de chiffres irréels. Mais tout cela n’est qu’un rêve…

    Pourquoi ce scénario où la finance ne dominerait plus les Etats ne sera probablement jamais adopté ? Parce que des accords entre les pays au niveau européen ont eu lieu qui ont préféré le risque de non remboursement, plutôt que celui de perdre les intérêts. Quitte à mutualiser leurs propres dettes comme l’a accepté récemment l’U.E (MES). Cela leur parait être une solution plus favorable : leurs créances mutuelles sont garanties par la BCE en dernier ressort. Elles peuvent continuer à s’engraisser sans trop de risque sachant qu’en cas de grave problème dû à un manque de liquidités, les Etats, par l’intervention des banques centrales, s’obligeront à les sauver. Mais est-ce que la BCE a des fonds propres suffisants en cas de nouvelle grave crise financière ? Elle vient de commencer à racheter les actifs à ceux qui veulent s’en débarrasser, qu’ils soient pourris ou non. Mais au fait en a-elle-les moyens ? Les sommes sont faramineuses. Autrement dit, d’où prend-celle de la planche à billets. Les masses monétaires en circulation dans le monde, dont la majeure partie est en dollars, sont démesurées. Le risque d’une crise financière mondiale est donc toujours présent. Elle serait sans commune mesure avec celle qui vient de se produire, qui d’ailleurs n’est pas totalement finie, malgré les efforts de la B.C.E. Les pays qui ont conservé leur propre monnaie ne seront pas plus épargnés, parce qu’ils n’ont plus le droit régalien de la création monétaire apanage de la seule B.C.E. Traités européens obligent.

    Dans le même état d’esprit, pour aller au bout de cette fiction économique, pourquoi ne pas imaginer qu’un jour les Etats ne présenteraient plus leurs bilans comme une comptabilité d’entreprise (Adam Smith), actif comparé au passif ? A condition qu’ils battent encore leur propre monnaie, ils ne s’occuperaient que de comptabiliser à part les dépenses et leurs recettes budgétaires. Que se passerait-il ? C’est ce que certains économistes, dont Keynes qui  fait à nouveau référence depuis quelque temps, ont toujours préconisé : ne s’occuper en priorité que des dépenses pour la conduite économique d’un Etat. N’ayant pas de comptes à rendre par la comparaison entre les recettes et les dépenses, les Etats souverains n’auraient pas non plus de compte à rendre aux banques puisqu’ils n’auraient pas besoin de leur emprunter le moindre argent. Leur seule préoccupation serait de ne pas enclencher, par des dépenses excessives, une inflation exponentielle incontrôlable qui serait issue d’une augmentation trop importante de la masse monétaire en circulation. Trop d’activité n’est pas non plus très sain, un organisme indépendant serait chargé d’alerter la population et leurs dirigeants.

    En résumé,

    Ssupprimer simplement la valeur de la créance souveraine pour l’Etat, sans mouvements de fonds ne peut être illégal puisqu’un Etat ne peut se punir lui-même. Le prêteur ne peut rien réclamer car il ne subit aucun dommage. Quand la vie économique et sociale d’un pays est en jeu, il appartiendrait aux dirigeants de faire ce qu’il faut pour diminuer la pression des dettes. Ce scénario de politique fiction, permet de reconnaître que les dettes en questions auraient pu ne jamais exister. Ce qui était le cas quand chaque pays était maître de sa monnaie et de son budget. S’il avait besoin d’argent, il créait de la monnaie, mais sans frais annexes qui plombent chaque dette. Supprimer toute pertinence à un déficit permettrait de relancer la croissance et l’emploi. L’Etat doit gérer, l’emploi, l’inflation et les dettes souveraines. A la fin des années 70 l’inflation était forte en France, les dettes faibles, et le chômage quasi inexistant. Actuellement, les dettes sont fortes, l’inflation faible, et le chômage très important. Est-ce une simple coïncidence ? On pourrait mieux comprendre ces relations en lisant :

     « Pour une économie humaine, renversons la table, et « Economie, comment renverser la table ». Existe en numérique avec premières pages consultées gratuitement. (chez Amazon).

    [1] Le livre noir des banques. ATTAC (LLL)


  • Peretz1 Peretz1 7 mai 2015 15:28

    à André Gill Effectivement c’est l’occasion de remettre les fameuses contradictions du capitalisme en exergue. Mais re-nationaliser uniquement les moyens de production ça ne marche pas. On l’a vu avec l’URSS. Ce que j’explique, à tout hasard, dans mes bouquins c’est qu’il faut arracher la partie nocive de l’argent. Ce qui serait possible avec comme outil de distribution (plans quinquénaux revisités) les ordinateurs qui évidemment n’existaient pas à cette époque. Alors que maintenant ...Mais il faut bien rêver.


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