mardi 7 août 2012 - par
La faille du modèle argentin
Depuis deux ans, j’ai souvent pris l’exemple de l’Argentine pour démontrer l’intérêt mais aussi la possibilité d’une sortie d’une union monétaire comme de la mise en place d’une véritable politique protectionniste. Mais le modèle économique de Buenos Aires comporte aussi des zones d’ombre.
L’essouflement d’un modèle ?
Le principal problème de l’économie argentine est la persistance d’une forte inflation. Officiellement, elle reste sous les 10% par an, mais dans la réalité, comme le souligne The Economist, qui publie un indice alternatif, elle est sans doute au-delà de 20% par an, ce que confirme ce papier de Régis Soubrouillard, de Marianne. Depuis, les signaux se multiplient puisque l’économie argentine se serait repliée en mai 2012, pour la première fois depuis juillet 2009.
Régis Soubrouillard reprend les propos du ministre de l’économie de 2002 à 2005, Roberto Lavagna, celui a organisé la fin du lien avec le dollar, le défaut et l’incroyable croissance du pays (8% par an de 2003 à 2011, sauf en 2009). L’institut EcoLatina, qu’il a fondé, affirme que « l’inflation ne cède pas, la tension sur le marché de change persiste, la situation financière se déteriore et les réserves internationales n’ont pas augmenté. Une tendance à la stagnation est réellement palpable ».
Il faut dire qu’une inflation à deux chiffres pose de gros problèmes car elle peut engendrer une course entre prix et salaires où il n’est pas évident que les les seconds suivent les premiers, provoquant alors de fortes pertes de pouvoir d’achat. En outre, cela ne créé pas forcément un climat favorable à l’investissement si les taux d’interêts sont élevés, pénalisant alors le niveau de croissance et d’emploi. Néanmoins, cela n’a pas été le cas pour l’Argentine depuis dix ans.
Buenos Aires reste une source d’inspiration
Même si tout n’est pas exemplaire, les politiques menées en Argentine se comparent toujours favorablement par rapport aux politiques menées sur notre continent. Comme le soutient Christophe Ventura, cité par Régis Soubrouillard, : « même s’il ne faut pas sous-estimer le problème de l’inflation chronique (…) il n’en reste pas moins que l’Argentine est le seul pays au monde à proposer une telle politique redistributive et une politique de reconstruction du système économique par l’Etat ».
L’exemple argentin indique clairement qu’il n’est pas possible pour des économies en fort déficit extérieur et confrontée à une fuite des capitaux de rester dans une union monétaire contre-nature. En cassant le lien avec le dollar et en faisant défaut, l’Argentine est parvenu à relancer son économie, croître de 8% par an et créer plus de 5 millions d’emplois, faisant fortement reculer le chômage et la pauvreté. Et le pays vient de rembourser les dernières dettes issues du défaut de 2002.
Bien sûr, tout n’a pas été rose, mais on constate tous les jours que la situation de l’Argentine se compare extrêmement favorablement à celle de la Grèce. Il faut dire qu’outre une politique monétaire raisonnable, Buenos Aires n’hésite pas à protéger ses industriels de la concurrence déloyale. Le pays protège son industrie automobile, au contraire de la France, et a imposé à Blackberry de fabriquer ses téléphones portables localement pour les vendre.
Si l’exemple argentin n’est pas parfait, les politiques menées à Buenos Aires sont incomparablement meilleures que celles, mortifères et antisociales, appliquées en Europe. C’est qu’en Argentine, on donne la priorité au peuple plutôt qu’à des dogmes économiques abstraits.