mercredi 23 février 2011 - par Jean Claude BENARD

La Libye est-elle toujours un « pays de bon risque » pour le MEDEF ?

Si Nicolas Sarkozy a condamné "l'usage inacceptable de la force" en Libye, on pourrait s'étonner de l'absence totale de condamnation ou réaction du MEDEF qui pourtant nous expliquait que le pays était un "bon risque" !
 
Peut-on rester muet, au nom du business ? lorsque qu'on sait que : " (...) des appareils de l'armée de l'air ont ouvert le feu à munitions réelles lundi sur des foules de manifestants (...) " et que : " (...) Selon un bilan établi par l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch à partir d'informations recueillies dans les hôpitaux, au moins 233 personnes ont été tuées lors d'affrontements entre forces de l'ordre et manifestants (...) " - Yahoo/Reuters

La réponse est évidemment non ! Et pourtant ...

S'il a fallu attendre longtemps un timide commentaire de Laurence Parisot sur la situation en Tunisie : " (...) il est important de rétablir des relations économiques normales avec la Tunisie. Il faut même les intensifier (...) " on guette avec impatience une déclaration du MEDEF ou de sa branche internationale : MEDEF International sur celle de la Lybie !

Nous avons scruté ce matin le site Web de l'organisation patronale y compris celui de la Chambre de Commerce Franco Lybienne, sans trouver la moindre trace des dernières manifestations ou évènements sanglants.

Doit-on se référer à la dernière visite du dictateur lybien à Paris pour y trouver une réponse ?

En décembre 2007, Laurence Parisot donnait son sentiment sur la dite visite : " (...) Pourquoi ne pas voir aussi que c'est à l'occasion des échanges commerciaux que se font également les échanges d'idées (...) " - Le Post Et d'ajouter : " (...) que la visite du président libyen en France était une « opportunité » d'aider les Libyens « à progresser ». « Est-ce que nous renonçons à nos propres principes (...), est-ce que nous renonçons à nos valeurs, à notre conception des Droits de l'homme, à notre attachement fondamental, essentiel à la démocratie ? Non », a-t-elle affirmé, soulignant que « le marché, par définition, c'est l'échange, c'est la confrontation, pas seulement de biens et de produits, mais aussi d'hommes, de femmes et d'idées (...) " - 20Minutes

On pourra ajouter à ces propos, les déclarations de Michel Roussin (ancien chef de cabinet puis directeur de cabinet de Jacques Chirac ), vice-président du Medef, datées de décembre 2010

" (...) La Libye est un pays de bon risque. Les entreprises françaises font maintenant cette analyse et sont moins frileuses" pour approcher ce marché (...) M. Roussin s'est félicité d'un "climat d'ouverture" en Libye, estimant que des "efforts ont été faits dans le domaine de la législation" pour améliorer le climat des affaires (...) " - Maghreb Emergent

Mais, il serait injuste de notre part de fustiger le manque de réaction du MEDEF vis-à-vis de la Lybie. En effet, ses membres ont su s'indigner lorsque la Suisse avait inculpé un des fils du colonel Kadhafi : Hannibal (et son épouse) pour : " (...) lésions corporelles simples, menaces et contraintes sur leurs employés de maison (...) " en juillet 2008. Affaire toujours en cours, d'ailleurs

Qu'écrivait le Président de la Chambre de Commerce Franco-Libyenne sur ce "scandale"dans la Newsletter d'Avril 2010 ?

" Après des semaines de crise et d’incertitude, la situation entre l’Europe et la Libye semble s’apaiser. Les restrictions de visas ont été suspendues ce samedi 27 mars, après que la Suisse ait fini par accepter de supprimer la liste noire qui interdisait l’entrée dans l’espace Schengen à près de 200 dignitaires libyens (...) Nous ne pouvons que nous féliciter de la fin de ce bras de fer qui aura duré six longues semaines (...) Les conséquences de ce malheureux épisode sont aujourd’hui incalculables mais elles sont bien réelles. Au-delà de l’annulation ou du report de certaines manifestations aussi importantes que la Foire Internationale de Tripoli, certains contrats ont été perturbés (...) "

S'ensuivait, une présentation "pédagogique" du jihâd dans laquelle on apprenait, entre autre que : " la notion de jihâd n’est pas principalement belliqueuse (...) Le jihâd est avant tout un combat –sous entendu, un effort permanent- individuel ou collectif, exercé dans tous les domaines, économique, social, politique, familial, éthique, dans le but d’accomplir le bien , les préceptes d’Allah, sur terre et de défendre sa foi. Chaque fidèle doit ainsi mener son jihâd pour lutter contre l’injustice, l’oppression et le mal dans son ensemble (...) " en page 11

Alors : " Etrangeté du monde : mode d'emploi ?" comme le proclamait le slogan de la dernière Université d'été du MEDEF ?

Mais, n'ayons crainte, nul doute que, concentrés sur : " (...) le rétablissement du dispositif "zéro charge", supprimé en 2010, pour faciliter l'embauche des très petites entreprises (...) " et sur le "Coût du travail " "intolérable" pour les entreprises françaises, Laurence Parisot et les responsables du MEDEF auront été pris de cours et ... vont réagir pour réaffirmer leur : " attachement fondamental, essentiel à la démocratie"


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France Info


11 réactions


  • frugeky 23 février 2011 10:50

    La corporation des pompes funèbres du medef apporte son soutien à la politique de Kadhafi.
    Les autres corporations aussi...
    Bizness as usual...


  • Dempy 23 février 2011 12:09

    Nicolas Sarkozy n’était pas si regardant avec l’usage de la force lors du massacre de Gaza en 2008.

    C’était joli faut dire :

    http://www.rfi.fr/actufr/images/109/Bombardement_de_Gaza432.jpg


  • Le péripate Le péripate 23 février 2011 18:54

    Et si c’était justement la liberté de commercer qui était réclamé sur l’autre rive, par ceux dont prétendez soutenir la lutte par de stériles agitations ?

    Le commerce adoucit les mœurs mais il fait aussi circuler des idées.

    Non, vraiment, je ne rien de scandaleux au propos de Mme Parisot.


    • Francis, agnotologue JL 23 février 2011 19:01

      Bopnsoir péripate,

      vous voulez parler de la liberté de vendre un rein, de louer son utérus ? Ou bien faut-il comprendre que les pays qui étaient jusqu’ici sous la coupe des Ben Ali, Moubarak, Khadafi étaient d’affreux régimes communistes ?


    • Le péripate Le péripate 23 février 2011 20:45

      Ni l’un, ni l’autre.

      C’est la réponse normale au sophisme dit du faux dilemme.


    • Francis, agnotologue JL 23 février 2011 22:17

      péripate,

      c’est surtout un bottage en touche : autrement dit, votre post précédent, celui auquel j’ai réagi, n’était qu’un étron. Un de plus.


    • Le péripate Le péripate 24 février 2011 06:29

      Fulgurante intervention. Un génie de gauche probablement.


    • Francis, agnotologue JL 24 février 2011 08:26

      Votre libéralisme débridé, péripate, relève d’un pragmatisme jusquauboutiste qui démonttre votre adoration du principe qui veut que la fin justifie les moyens.

      Faire de ce principe une idéologie relève d’un intégrisme idéologique pire que toux ceux que vous dénoncez. La paille et la poutre, encore !


  • goc goc 23 février 2011 23:32

    Cette affaire libyenne, après la Tunisie et l’Égypte me laisse plus que perplexe

    je me demande si on n’est pas en train de se faire avoir sur toute la ligne par un Obama bien plus intelligent que Bush, mais decidé a faire la même politique

    bref après l’Irak, Saddam et ses ADM, on pourrait bien voir jouer la même partition avec cette fois Kadafi dans le rôle du méchant, Obama dans le rôle du sauveur_qui_en_profite_pour_envahir_le_pays_et_voler_son_petrole, et nous dans celui des carpettes_qui_fournissent_la_chair_a_canon

    alors le silence des patrons n’est peu être pas du à leur peine de voir partir un copain, mais plutôt à la difficulté de savoir comment bien se comporter pour espérer quelques miettes ricaines


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