samedi 12 octobre 2019 - par Robert Bibeau

La Maison Hong Kong. L’hybris du capital hongkongais

La question en litige dans la Maison Hong Kong n’est pas le projet de loi sur l’extradition des criminels vers le continent, ni le sort réservé à la potiche Carrie Lam, ni la « démocratie » bourgeoise mise à mal.

Quel est l’enjeu ?

Ce à quoi nous assistons sur la petite ile de Hong Kong c’est à l’affrontement entre une économie néolibérale débridée, décrite comme un marché « libre » dopé aux stéroïdes financiers (sic), et un continent sous pression commerciale de la part des concurrents américains et européens. De fait, la réalité économique est bien différente de ce que nous racontent les médias à la solde du capital. Le PIB de Hong-Kong (7 millions d’habitants) comparé à la Chine (1,300 millions d’individus), est passé de 27% en 1993, à 2% en 2019 et la marginalisation se poursuit.

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Pendant ce temps, le continent chinois a connu une croissance accélérée, y compris dans la ville de Shenzhen dont l’économie est soumise à l’économie de marché, voisine de Hong-Kong, alors que cette dernière n’a pas évolué. Comme écrit Sara Flounders « Depuis 10 ans, les salaires à Hong Kong stagnent, les loyers ont augmenté de 300%, c’est la ville la plus chère du monde. À Shenzhen, les salaires ont augmenté de 8% par an et plus d’un million de nouveaux logements verts et à faible coût sont en voie d’achèvement ». (1) Hong Kong a les loyers les plus élevés au monde, avec un fossé grandissant entre les riches et les pauvres, et un taux de pauvreté de 20%, alors qu’en Chine, selon la Banque mondiale, le taux de pauvreté est tombé de 88% en 1981 à 0,7% en 2015.

Un commentateur écrit : « La révolte des Hongkongais s’explique par le fait que le capitalisme chinois ne profite qu’aux membres du Parti et aux chefs d’entreprises qui jouent le jeu du Parti communiste chinois. Il faut surveiller attentivement comment la crise de Hong Kong se terminera pour les Chinois non communistes qui veulent demeurer libres de se gouverner ». (2)

Le pouvoir économique détermine le pouvoir politique

En Chine, et sur son satellite hongkongais, comme partout ailleurs sous le mode de production capitaliste, le pouvoir économique détermine le champ de compétence du pouvoir politique… pas l’inverse, même quand les apparences sont contraires.

En Chine capitaliste, et sur son satellite hongkongais, le capital est l’instrument de production, de reproduction et l’outil du pouvoir des capitalistes, membres et non membres du Parti « communiste » chinois. Si un capitaliste n’a pas sa carte du Parti, il n’est pas exclu du sérail, il est simplement considéré comme faisant partie de l’opposition. Dans un instant, nous en verrons les implications. La carte d’entrée au casino de l’économie chinoise mondialisée c’est le monceau d’argent (d’actifs) que chacun a amassé, seul, en famille ou en conglomérat. Cependant, il est vrai que la clique des capitalistes membres du Parti communiste chinois (PCC) obtient certains avantages concurrentiels plus rapidement que les capitalistes non membres de l’oligarchie gouvernante. Exactement comme aux États-Unis, quand le président origine du parti Républicain, il avantage les capitalistes contributeurs au parti Républicain qui en retour ordonneront le blocage de la procédure « d’Impeachment » au Sénat, c’est le retour de l’ascenseur dit-on là-bas.

Attention cependant, ce marigot politique n’empêche pas les capitalistes non membres de la majorité au pouvoir, ni à ceux non membres de l’un ou de l’autre des deux partis d’alternance à Washington, de faire des affaires, ni d’obtenir des subventions gouvernementales, ni de recevoir le plein soutien juridique – diplomatique – ou militaire de l’État de tous les riches. Le principe unique – la dictature inaltérable du capital – s’exprime de façon simple : « toute magouille est permise pourvu qu’elle ne mette pas en péril l’hégémonie du capital sur le travail ».

En souvenir de la Glasnost et de Tiananmen

Dans les vieilles démocraties bourgeoises comme aux États-Unis, au Canada et en Europe, ces principes sont acquis, compris et opérationnels. Il en va autrement chez une nouvelle puissance émergente sortie tout droit du socialisme dirigiste – dont l’Union soviétique s’est purgée avec fracas en 1990 – mais dont la Chine s’est préservée lors des évènements de la Place Tiananmen. Il est douteux que les troubles hongkongais parviennent à ébranler la Cité interdite et son céleste mandarin !

L’absorption de l’ile-ex-colonie britannique par l’immense pays continent chinois a de quoi effrayer la clique hongkongaise si fortement intégrée à l’impérialisme occidental, hier hégémonique et aujourd’hui déclinant. La crise hongkongaise n’oppose pas le capitalisme libéral au capitalisme dirigiste, les deux formes de capitalisme ont fusionné après l’effondrement du camp soviétique. Il s’agit plutôt d’une bataille d’arrière-garde de la part de la clique financière de Hong Kong afin de fixer le prix et les modalités de sa complète intégration à l’économie continentale chinoise, assimilation de toute façon largement engagée.

En aucun cas, les capitalistes de Hong-Kong (qui commandent aux barbouzes stipendiés, qui eux manipulent les travailleurs-manifestants paupérisés) ne souhaitent se désarrimer du navire amiral pékinois… Ils ne sont pas fous les milliardaires de Hong Kong qu’on invite sur le navire amiral de la flotte capitaliste mondial – ils ne vont pas refuser l’invitation pour rester accroché au rafiot occidental en perdition.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, les capitalistes de Hong-Kong, qui n’ont rien à faire de la populace de Hong-Kong – sauf de l’exploiter et de la spolier – ont pris la mesure de leurs rivaux continentaux et connaissent les conditions de leur intégration au grand capital continental en tant que membres du Parti ou en tant que membres de l’opposition (ce qui ne les exclut pas des affaires, mais les éloigne de l’auge à purin). Toutefois, la Bande de Hong-Kong doit se rappeler que c’est le chien qui branle la queue et non l’inverse.

Les casseurs hongkongais disparaitront comme ils sont venus dès que le grand capital hongkongais aura compris la leçon venue de la Cité interdite. Aucune comparaison entre l’authentique révolte populiste des Gilets jaunes et la « révolte des parapluies » de la petite bourgeoisie et des barbouzes à Hong Kong. (3)

 

NOTES

  1. https://www.mondialisation.ca/hong-kong-dans-le-viseur-du-pouvoir-mondial-et-des-luttes-ideologiques/5637125
  2. http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/hong-kong-dans-le-viseur-du-pouvoir-mondial/ et http://www.les7duquebec.com/7-dailleurs-invites/hong-kong-ou-la-revolte-des-negres-de-maison/

AUTOPSIE DU MOUVEMENT DES GILETS JAUNES

Robert Bibeau, Khider Mesloub

Surgi spontanément sur un terrain social désagrégé, le mouvement des Gilets jaunes a bouleversé le paysage politique français. Si, au départ, il a fait trembler le gouvernement par sa radicalité et sa combattivité, il s'est essoufflé sur des sentiers de revendications petites bourgeoises, réformistes, populistes, électoralistes. L'absence d'un objectif stratégique et des tactiques appropriées explique le désengagement progressif du prolétariat. Sa feuille de route est jalonnée de revendications improvisées, dans un combat inégal entre l'État des riches et ce mouvement de salariés paupérisés sans grande expérience militante, contaminé par une petite bourgeoisie effrayée de se voir précarisée. Les conditions de l'insurrection n'étaient pas réunies. Mais quelles sont les conditions de l’insurrection populaire ?

Éditions l’Harmattan. Coll. Questions contemporaines

190 pages • 18 euros• septembre 2019

EAN : 9782343184357

Pour se procurer le volume : https://www.editions-harmattan.fr/livre-9782343184357?utm_source=phplist&utm_campaign=message_27635&utm_medium=email&utm_content=lienTitre



3 réactions


  • leypanou 12 octobre 2019 10:25

    Il s’agit plutôt d’une bataille d’arrière-garde de la part de la clique financière de Hong Kong afin de fixer le prix et les modalités de sa complète intégration à l’économie continentale chinoise 

     : oui mais en France, quasiment partout dans les médias, on n’a pas cette lecture des évènements à Hong-Kong.

    Car en France, on aime bien parler de démocratie ou autres fadaises quand il s’agit de « régimes » non amis. Un homme politique français connu, partisan de l’interventionnisme impérialiste sous couvert de défense des droits de l’homme en Libye, a même écrit que ce qui se passe à Hong-Kong est une révolution citoyenne.

    Le Joshua Wong, on l’encense partout ici mais on voit moins souvent ses photos avec la représentante de la NED (National Endowment for Democracy).

    En tout cas, merci pour l’article qui donne une autre lecture de Hong-Kong.


    • Robert Bibeau Robert Bibeau 12 octobre 2019 16:32

      @leypanou

      MERCI 
      L’expression même de « révolution citoyenne » est une absurdité... une fadaise comme vous l’écrivez.

      Une réolution sociale ne peut être portée = menée = que par une classe sociale révolutionnaire comme le fut en son temps la bourgeoisie française (1789) dissimulée derrière le « citoyen nationaliste chauvin » 

      Robert Bibeau http://www.les7duquebec.com 


  • Séraphin Lampion Séraphin Lampion 13 octobre 2019 08:15

    La Chine ne tolérera pas un nouveau Formose sur son territoire pour deux raisons :

     ce qui est devenu Taiwan est un île relativement éloignée du continent, et cette géographie particulière permet à Pékin de ne pas perdre la face, alors que l’« ile » de Hong-Kong est reliée au continent pas des ponts et apparaît comme un chancre, une sorte de Monaco à l’envers dont la mafia n’a pas la justification de porter un titre princier

     le rapport de force entre le parti communiste chinois et les opposants, qu’ils soient « nationalistes » ou « libertaires-démocrates » (affiché) s’est inversé depuis 1949 et les démonstrations militaires pour le 70ème anniversaire de la République Démocratique de Chine avaient pour objectif de démontrer à quel rouleau compresseur le monde avait affaire désormais.


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