samedi 17 mai 2014 - par Singe conscient

La régulation de la finance internationale, des petits pas d’anémique

L'information date un peu mais bon... Je n'ai pas pu la partager avant ; j'étais occupé, trop occupé à essayer de comprendre comment Michel Sapin calculait ses chiffres du chômage.

La crise des Subprimes (1) signale la vénalité des acteurs financiers privés comme un stop vous annonce un arrêt à marquer. Nos patrons de la nation auraient pu justement marquer le point d'arrêt de cette finance dérégulée pour lui faire comprendre que c'était fini la récréation, qu'il fallait maintenant rentrer en classe et se faire sermonner par l'instituteur étatique. Nico (vous voyez duquel je parle) l'avait dit en roulant des épaules «  ceux qui ont fauté seront punis  » (2). En réalité, à part des discours, annonçant le pire à venir pour les banques et le meilleur à venir pour nous autres le peuple, les sanctions dans l'Hexagone sont introuvables ; un où est Charlie de l'impossible. Pourtant Sarko l'avait dit en roulant encore plus fort des épaules « Nous avons une tâche immense à accomplir : refonder le capitalisme mondial en redonnant le premier rôle à l'entrepreneur et au travailleur et non plus au spéculateur [...] » (3).

En novembre 2008 donc, le « nous », soit les élites mondiales décidèrent de se réunir dans un sommet du G20 pour décider du nombre de fessées que prendraient les vilains traders. Dans les déclarations officielles (4), il est cependant mentionné que les régulations doivent être décidées au niveau national, même s’il est souhaité une coopération internationale. Les deux causes majeures de cette crise sont pointés de l'index ; une trop grande liberté laissée aux acteurs financiers et une inefficacité des instances de régulation. Au final, ce sommet ne produit rien de concret, il s'agit seulement de discussions destinées à formuler un consensus sur un besoin de changement. Cet accord par la parole (quel bel exemple de démocratie à portes fermées) s'étale sur deux niveaux ; la mise en forme de plans pour sauvegarder le système financier et économique, et la nécessité de mieux et plus contrôler la finance à l’avenir.

Pour ce faire, le FMI et la banque mondiale sont tous désignés pour remplir ces rôles ô combien importants. Dans ce G20, les participants affirment la nécessité de lutter contre les dérives des marchés financiers et de créer un cadre de règles pour gérer la finance (Bâle III par exemple). Au final, cinq grands axes sont proposés : 1° Renforcer la transparence et la responsabilisation 2° Amélioration vers une régulation solide 3° Promouvoir l’intégrité dans les marchés financiers 4° Renforcer la coopération internationale 5° Réformer les institutions financières internationales.

Avec un plan pareil, le lecteur utopiste se dira que la société occidentale doit, six ans plus tard, être sur de bien meilleures bases. Heureusement je sais que vous êtes tous des réalistes. Les mesures de ce G20 donnent la sensation de règles balancées par une bande d'amis bourrés, à qui l'abus de substances éthanolisées a fait dire de bien belles choses et le réveil a fait comprendre l'impossibilité (par absence de volonté ?) du respect de ces règles. Globalement en revanche, nos fêtards affirment un engagement dans une économie ouverte mondiale, un respect du libre marché, du libéralisme et un rejet du protectionnisme. En somme, en y réfléchissant bien, les axes qu'ils donnent entrent en contradiction avec le maintien du libre marché. Mais ne soyons pas mauvaise langue, 2008 c'est loin quand même...

Le 17 février 2014 (5), voici de quelles manières les enjeux en cours en matière de régulation financières sont présentés par le Financial stability board (11). 1 °Le too-big-to-fail est toujours en cours, autrement dit le ratio de solvabilité (6) des grandes banques mondiales semble ne pas être assez fort, elles menacent alors toujours le système économique en cas de faillite. Autrement dit, les banques ne sont pas renforcées depuis 6 ans et les manières dont elles travaillent ne se sont pas véritablement améliorées. 2° Ensuite, dans la lettre du FSB est pointée l’exigence de définition du ratio de levier (7) ; les mêmes remarques s'imposent par rapport au 1°. 3° Il est affirmé par ailleurs la nécessité de transformer le système bancaire parallèle (ou finance de l’ombre) en un financement solide basé sur le marché, au lieu des financements outrepassant les règles. Tout ce baratin pour exprimer que les banques ont toujours recours à des méthodes qui ne sont pas acceptables et, pire, illicites. Ceci interroge gravement sur le niveau de moralisation atteint par les marchés financiers. En 2008 pour la crise des Subprimes, les CDS hors-bilans (8) permirent aux banques de contourner les règles. 4° Enfin, les marchés des produits dérivés (9) se font encore tirés les oreilles, et ça c'est le comble puisqu'ils sont responsables de la crise des Subprimes ; il faut les rendre plus sûrs est écrit dans la lettre du FSB.

Malgré ce que la lettre annonce concernant les grands progrès faits, les similarités entre le discours du G20 de 2008 et le programme prévu par la FSB pour les G20 à venir sont troublantes. Il est toujours question d’améliorer la résistance des institutions bancaires, d’améliorer la coopération au niveau international, de rendre les banques plus solides et de moraliser la finance. Alors pour reprendre la métaphore festive ; nos amis fêtards, pendant leur gueule de bois, ont tout de suite saisi que rien ne pourrait se changer aussi rapidement et que, surtout, les efforts ne devraient pas se faire avec seulement des mots. Pour commencer une métaphore canine, on ne siffle pas les banques comme on siffle son chien, d'autant plus quand on a contribué à construire un système financier qui les met dans une posture favorable.

Pour conclure sur une note musicale, comme disent Eligh et The Grouch, deux rappeurs Californiens, « Now if life keep askin' you the same questions, you ain't leanin' the lesson  » (10).

 

Notes :

1 = Une excellente source sur la crise des Subprimes demeure le film Inside Job que je vous conseille vivement de regarder.

2 = http://www.dailymotion.com/video/x72hin_discours-de-nicolassarkozy-sur-la_news

3 = http://discours.vie-publique.fr/notices/087003350.html

4 = https://www.g20.org/sites/default/files/g20_resources/library/Washington_Declaration.pdf

5 = https://www.g20.org/sites/default/files/g20_resources/library/FSB%20Chair%20letter%20to

%20G20 %20Mins%20and%20Govs%2017 %20Feb%202014.pdf

6 = En gros le total de l'argent d'une banque par rapport à ses engagements sur les marchés.

7 = En gros ce que la banque peut investir en s'endettant.

8 = En gros, les CDS sont des sortes d'assurance que tout acteur financier peut se payer pour se prévenir de la baisse d'un produit financier, même s'il ne le possède pas ! En gros-gros, hors-bilans ça veut dire pas dans les comptes de la banque.

9 = En gros, un produit dérivé est un produit financier dont la valeur dépend d’un autre produit ; les CDS sont des produits dérivés par exemple.

10 = https://soundcloud.com/the-grouch-eligh/old-souls-ft-blu-and-flying-lotus

11 = Ouais je sais, c'est vilain, mais j'ai eu la flemme de modifier l'ordre des notes. En gros le FSB ou Conseil de stabilité financière réunit les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales.

 



4 réactions


  • zygzornifle zygzornifle 17 mai 2014 09:49

    « trop occupé à essayer de comprendre comment Michel Sapin calculait ses chiffres du chômage. » ..... Facile : soustraction et division sont les seules opération disponible sur sa calculette spéciale pole-emploi, par contre sur sa calculette spéciale impôts et taxes il n’y a qu’addition et multiplication .....


    • Claudius Claudius 18 mai 2014 00:19

      C’est la multiplication des Sapins ?
      Bel article, un rien désabusé ..


    • Singe conscient Singe conscient 18 mai 2014 12:27

      Belle observation sur la calculette de Sapin.

      Dur de faire autrement que d’être désabusé je pense. Quiconque s’intéresse à la finance doit l’être.


  • ObjectifObjectif 13 juin 2014 12:19

    La régulation de la finance, c’est comme vouloir faire réguler la cour des miracles par les voleurs ...

    Il faut supprimer l’escroquerie de la création monétaire par les banques privées, simplement.

    Les explications sont ici :
    €uro : le vol du bon sens


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