Le capitalisme défiguré !
Il est aujourd’hui évident que la reprise des années 2009-2011 aura été aussi fallacieuse et artificielle que l’expansion florissante des années 2003 à 2007. Cette dernière ayant été du reste – quel hasard ? – alimentée et propulsée par l’ingénierie financière comme par l’ingéniosité des financiers… De nos jours, le mièvre reprise – si tant est que l’on puisse utiliser ce terme – inaugurée au printemps 2009 aura été accompagnée et quasi entièrement redevable à l’interventionnisme massif – n’hésitons pas à dire par l’intrusion massive – de l’Etat dans le système financier. Voilà donc nos Gouvernements qui, dans un souci de remettre de l’huile dans les rouages, se sont carrément substitués à la finance en y instaurant leur propre marché du crédit.
En fait, l’Etat fédéral américain a aujourd’hui remplacé le secteur privé comme plus important pourvoyeur de prêts immobiliers et autres crédits à la consommation et, ce faisant, une révolution idéologique s’est de facto opérée. Ainsi, non contents de se mettre sur les traces du Japon à bien des égards (baisses de taux quantitatives, taux zéros, marché immobilier sinistré…), les Etats-Unis d’Amérique peuvent également s’enorgueillir d’imiter la Chine où c’est l’Etat qui est la source et qui canalise les financements privés ! On pressentait certes que les crises des subprimes et du crédit avaient ébranlé le capitalisme. Pour autant, qui aurait osé imaginer qu’il se transformerait en capitalisme étatique… ?
Car la masse des prêts accordés à l’économie de leur pays par le secteur privé US a en effet chuté de près de 2'000 milliards de dollars ces cinq dernières années au bénéfice bien-sûr de financements accordés avec les deniers publics ayant pris le relais avec des montants équivalents. C’est ainsi que 90% des hypothèques américaines sont adossées à la garantie de l’Etat (via des établissements comme Fannie Mae et Freddie Mac) dans un contexte de crédit devenu donc quasiment complètement socialisé ! La consommation dans ce pays – naguère clé de la prospérité – n’a survécu que par la grâce de l’activisme étatique ayant arrosé de liquidités l’ensemble des intervenants, activisme ayant tout au plus évité l’implosion pure et simple sans pour autant parvenir à rétablir ce qui était autrefois considéré comme la locomotive de l’économie.
De fait, le consommateur dit « de base », au revenu de l’ordre de 50'000 dollars par an, a été totalement sinistré par la combinaison perdante d’un secteur immobilier agonisant et d’un marché de l’emploi anémique avec un coup de grâce constitué par la flambée des tarifs énergétiques et des matières premières. Les deux rounds successifs des baisses de taux quantitatives auront donc laissé sur le carreau ce citoyen de base tout en profitant au spéculateur boursier… Pire encore puisque les consommateurs américains affichent 30% de crédits à la consommation supplémentaires par rapport à il y a dix ans. Aujourd’hui, leur Etat – n’étant plus en mesure de les aider – est tout au plus capable de freiner ce processus vicieux de « deleveraging » consistant à purifier progressivement toute la chaîne des intervenants de leurs endettements massifs et pas du tout constructifs puisqu’ils n’auront en rien bénéficié à des investissements structurels.
Après une orgie de crédits ayant perduré pendant des décennies, attendons-nous à une décennie de contraction – ou à tout le moins de stagnation - économique indispensable pour digérer ces déficits. Ne nous y trompons pas : ce grand nettoyage ne pourra s’opérer qu’à la faveur de taux d’intérêts américains qui devront se maintenir à des niveaux très bas, proches du zéro, et ce pendant encore plusieurs années.