mercredi 10 août 2011 - par Jean-Paul Foscarvel

Le surgissement de la Turbocrise

Le turbocapitalisme est arrivé dans les années 1980.

Celui-ci s’est caractérisé par plusieurs facteurs concomitants.

  • L’apparition, ou la réapparition, de l’idéologie libérale
  • L’élévation des taux de profits via la plus-value issue des hautes technologies, et l’intégration du travail intellectuel dans sa création
  • La fin des socialismes, laissant le champs libre au capitalisme victorieux
  • La dilution des frontières pour le capital et les biens via les mécanismes du GATT, puis de l’OMC

Le résultat de ces modifications fondamentales a été un renforcement du système, tant au niveau politique qu’économique, ainsi qu’une augmentation sans précédent de la productivité du travail.

De façon concomitante, les inégalités ont progressé à la fois via l’augmentation de la productivité, et via l’application des préceptes libéraux.

L’appauvrissement d’une partie importante de la population, dans ce qui est encore un système démocratique à façade sociale, a créé des besoins supplémentaires d’aides sociales, tandis que les entrées financières des États stagnaient.

La première phase de la Turbocrise a été le remplacement des salaires par les crédits aux particuliers, afin de conserver la croissance.

La deuxième phase a été l’effondrement des banques de crédit, aidées par les États eux-mêmes.

La troisième phase est la banqueroute possible des États. D’où vient-elle ?

  • Les aides aux banques ont grévé les budgets
  • Les plans de relance successifs, mais inefficaces
  • La diminution des entrées fiscales due à l’augmentation de la productivité du travail (chômage et ralentissement des salaires)
  • La perte de croissance via un appauvrissement de la population
  • La diminution des entrées fiscales dues à l’allègement des charges pour les entreprises, en application de l’idéologie libérale
  • La perte de puissance économique des Etats due aux privatisations

En réponse à cette banqueroute possible, que font les gouvernements ?

  • Suppression des aides sociales
  • Privatisations
  • Libéralisation du droit du travail
  • Diminution des retraites
  • Augmentation de la durée du travail,
  • Refus d’augmentation des impôts pour les couches supérieures, censées fournir des ressources à l’économie.

Les mesures prises pour résoudre la dette :

  • Renforcent le système capitaliste
  • Augmentent la productivité du travail
  • Diminuent les marges potentielles des Etats
  • Renforcent les inégalités sociales

Ces mesures en fait renforcent la crise. Au niveau idéologique, les médias étant contrôlés, le libéralisme économique n’est pas remis en cause, par contre, la démocratie et la liberté des individus (notamment la liberté de circuler pour les pauvres), si.

Au niveau politique, le renforcement de la crise a des conséquences dramatiques :

  • Explosion sociale
  • Renforcement de l’État policier
  • Montée de la violence
  • Poussée de l’extrême droite
  • Repliement nationaliste
  • Abandon de la démocratie.

Ce que remet en cause la turbocrise actuelle, c’est le fondement même de nos sociétés jusque là civilisées, la base démocratique, qui a été le substrat même de la construction européenne. Mais celle-ci s’est fourvoyée dans le culte de l’argent à tout prix, de la primauté des biens, notamment via la concurrence libre et non faussée, sur les citoyens, rendus à l’état de purs consommateurs.

Par ailleurs, les conséquences environnementales sont aujourd’hui nettement visibles, et dramatiques.

  • Destruction environnementale
  • Épuisement des ressources
  • Catastrophes nucléaires
  • Dispersion atomique
  • Réchauffement climatique

Le turbo-moteur capitaliste entre en cavitation (1). Avant que tout n’explose, il faut de toute urgence renverser les flux, notamment le flux d’accumulation des pauvres vers les riches. Cet excès de différentiel énergétique risque fort en effet de nous exploser à la figure, plus vite qu’on ne le pense.

La turbocrise est alimentée par la peur et la cupidité.

 Comment renverser les flux ?

 - D’abord, ralentir.

  • Ralentir la croissance notamment des plus riches, des plus puissants
  • Diminuer les gaspillages énergétiques et la production d’énergie dangereuse
  • Diminuer le temps de travail et partager celui-ci
  • Diminuer les inégalités

- Redéfinir les priorités sociétales,

  • Placer l’humain, et non l’argent, au cœur de la société
  • Produire du socialement utile. Production partagée tant au niveau des usagers que des producteurs (santé, éducation, recherche humaniste)
  • Étendre la démocratie au social
  • Socialiser les entreprises. Celles-ci sont en effet des macro-systèmes totalitaires, où une poignée d’individus décide pour tous, en dépit de toute utilité réelle pour la société

- Redistribuer équitablement

  • Limiter les puissances des banques via leur socialisation
  • Créer des impôts équitables, notamment sur les profits

Bien sûr, d’autres idées, mesures, peuvent être envisagées. Le plus important étant le sens de ce que nous avons à construire, et de savoir ce qu’il est nécessaire de conserver, le sens d’un nouveau chemin à parcourir pour éviter l’effondrement de la civilisation.

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1 : La cavitation dans une turbomachine est le phénomène où la vitesse s'accroît à un point tel que le débit entrant n'est plus suffisant pour alimenter la machine. L'absence de résistance tend alors vers une accélératoin incontrôlée.



4 réactions


  • fwed fwed 10 août 2011 17:03

  • bingofuel 10 août 2011 20:57

    Assez d’accord pour dire que nous vivons la fin d’une idéologie nait dans les années 80 ; celle de l’administration Reagan qui a signé la mort de l’URSS, qui a installé les fondements de la nomenclatura extrémiste étasunienne, et qui a vécu d’un système économique établi sur une monnaie débridée (qui s’est traduit historiquement par l’émergence de la bourse).

    Tout les mécanismes s’enchaînent logiquement et s’alimentent de l’idéologie « bourgeoise » d’accumulation et de sécurisation des biens et qui touche l’individu - ce que vous appelez « peur et cupidité ». L’effet CO2 en est un stigmate frappant : chacun attend des efforts des autres sans renoncer à son 4x4 et sa climatisation...

    Je ne pense donc pas que le phénomène puisse être renversé car votre analyse met en évidence une entropie que rien ne peut arrêter ; elle est intrinsèquement liée à notre nature d’être humain. En physique l’accroissement d’entropie se traduit par le chaos d’abord, puis par un changement de phase. Ce qui tend vers un pronostic de destruction imminent de l’ordre existant, avant l’établissement de nouvelles règles sociétales. Historiquement, la chute de l’empire romain peut être considérée comme un exemple à l’échelle régionale de ce qui nous attend à l’échelle mondiale avec en corolaire une réduction notoire de la population humaine (Rome est passée de plusieurs millions d’habitants à son apogée à quelques milliers à l’époque Mérovingienne). Quels en seront les vecteurs : la guerre civile, l’émergence de bactéries résistantes, la peste nucléaire, les ravages climatiques, les bouleversements tectoniques, un peu de tout cela ?


  • Gargantua 11 août 2011 00:55

    j’ai l’ impression que votre article est bien complique, pour explique que le se fait dupé.


  • alex75 17 décembre 2011 18:10

    Particulièrement percutant, exhaustif et synthétique.

    Raisonner en terme de « système » est plus productif que céder à la théorie du complot.

    Je me permettrais de rajouter comme cause de la turbocrise un facteur psycho-culturel induit par l’idéologie ultra-libérale : la dépolitisation (abstentionisme électoral, désyndicalisation, ultra-individualisme). Le citoyen devenu passif et comptant sur son talent personnel et son obéissance pour mieux s’en sortir que les autres s’est fait piéger dans une équation « chacun pour soi, tous perdants »… Mais un peu partout des indices laissent penser que cette adhésion-soumission aux valeurs du turbocapitalisme est en train d’être remise en cause par la base.

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