lundi 3 octobre 2005 - par Rémy Juston-Coumat

Les délocalisations : ce qui n’est pas dit...

Les dernières semaines ont encore été riches en délocalisations : les angoisses (que l’été avait presque apaisées) font leur retour en force. Mais les exemples mis en évidence par la presse et les hommes politiques ne cachent-ils pas la forêt ?

Les délocalisations qui nous font tant peur sont symbolisées par les licenciements et les fermetures d’usine. Il s’agit là d’images fortes qui frappent nos concitoyens.

Mais, pour une usine qui ferme en France, combien (qui auraient pu être créées dans notre pays) ouvrent en Chine, au Pakistan, au Bengladesh ? Pour un emploi perdu dans l’hexagone, combien de salariés (qui n’ont pas été choisis ici) viennent d’être embauchés en Asie ? Et souvent pour fabriquer des produits qui seront vendus dans les pays occidentaux, sous des marques occidentales ?

Ces emplois créés, ces entreprises nouvelles absorbent la croissance des marchés. Mais comment comptabiliser ces emplois et ces entreprises ? La vraie dimension des délocalisations est souterraine.

De plus, l’industrie et le secteur des services n’ont pas vraiment encore entamé la restructuration profonde qui semble pourtant inéluctable. Ce qui vient encore compliquer l’analyse, c’est le fait que délocaliser une partie de leur activité permet à beaucoup d’entreprises d’être plus compétitives (c’est d’ailleurs l’objectif principal qui influence et explique les décisions de délocaliser ou pas) : ce gain de compétitivité a des conséquences positives même au niveau national français (les entreprises peuvent alors investir en R&D sur des créneaux complémentaires ou nouveaux).

Ces gains de compétitivité constituent la base de débats très vifs. Et que dire du coût des non-délocalisations : une entreprise qui ne délocalise pas du tout (alors que ces concurrents le font) risque, à court ou moyen terme, de disparaître tout simplement.

C’est pourquoi soyons modestes. Au-delà des effets d’annonce, le phénomène des délocalisations est encore mal appréhendé, à la fois par nos concitoyens et, ce qui est plus grave, par nos hommes politiques...



9 réactions


  • Marsu (---.---.143.239) 3 octobre 2005 12:02

    On commence à entendre parler ces derniers jours de délocalisations de services de R&D, justement, vers certains pays à la main d’oeuvre tout à fait qualifiée et beaucoup moins chère (l’inde, par exemple).

    Ne serait-on pas en train de perdre progressivement l’avance technologique dont on parle pour rassurer les foules à propos des délocalisations industrielles ?

    La solution pour nos pays « industrialisés » n’est-elle pas de se lancer aussi vite que possible sur la voie de la technologie, de l’innovation et de la recherche (fondamentale et appliquée car l’une ne doit pas aller sans l’autre) ? Ne faudrait-il pas faire évoluer plus fortement les structures devant permettre cette évolution ?

    que de questions... désolé, je n’ai pas de réponse...


  • MOREL (---.---.146.177) 3 octobre 2005 18:18

    Les délocalisations sont directement liées à la liberté d’entreprendre. Soit on estime que l’entreprise est d’abord au service de ses salariés ( cf : les services publics, la SNCM. Soit on estime que les entreprises existent d’abord pour créer de la valeur pour leurs actionnaires. Mais de toutes les façons, les entreprises vivent dans un contexte concurenciel global et la France, quelque soit son idéologie, ne peut se soustraire aux réalités de la concurrence globale. Sauf à mettre en place des règles de sur-protection qui à brève échéance, se retournent contre les personnes qu’elles étaient sensées protéger. Les seules vraies protections contre la mondialisation et les délocalisations, c’est l’innovation et la capacité d’adaptation. Tout le reste est mensonge et démagogie. Nos élites doivent davantage s’insvestir à mobiliser nos concitoyens sur ces obectifs que leur laisser penser qu’il y a des voies pour se soustraire à cette réalité !


  • Yuca de Taillefer (---.---.152.115) 4 octobre 2005 15:13

    Les autres pays en voie de devenir « performants » ne nous attendent pas.. voyons l’Inde : « L’Inde est en train de devenir une plaque tournante mondiale en R-D et plus de 150 multinationales ont établi leurs installations de R-D en Inde. L’Inde compte également certaines des écoles de génie, de sciences appliquées et de gestion les plus prestigieuses du monde. L’Inde double ses investissements dans le secteur des sciences et de la technologie et les portera à plus de 8 milliards de dollars au cours des dix prochaines années. Des investissements importants sont effectués (comme 20 nouveaux centres de recherche nationaux, 220 universités et 200 laboratoires). » Informations du gouvernement du Canada.

    Ce phénomène en Inde/Chine peut être comparée, de manière relative, à la révolution industrielle qu’a connu l’Europe. Pour l’Europe et les Etats-Unis, placées devant des réalités nouvelles, il faut réagir de manière durable aux conséquences de ce boulversement. Mais dans le même temps la France et l’Europe n’ont plus les moyens d’avoir une politique si ambitieuse face aux Etats-Unis, la Chine ou l’Inde. cf site ANVAR-OSEO Et encore je ne parle pas de la différence du coût du travail entre pays..

    Pour les régions, l’impact des délocalisations va s’accélérer inévitablement et ce n’est pas les pôles de compétitivité qui vont y changer quelquechose durablement même si ces « niches » peuvent représenter un faible espoir. Lutter frontalement contre les délocalisations est un leurre (comment éviter que les compétences, les cerveaux, les innovations brevetées se « délocalisent » à moins de les enfermer ?), mais faire en sorte que chacun s’enracine dans un cadre de qualité pour participer de manière collaboratives et non contraints aux développements à valeur ajoutée, pour que tous soient gagnant-gagnant, est une des pistes possibles. Mais il faudra faire bouger les mentalités comme le prouve cet article sur la technopole Sophia-Antipolis.


  • AGORA FOX (---.---.146.177) 6 octobre 2005 17:52

    Avec le réservoir de mains d’oeuvre aspirant à manger à leur faim que constituent les pays émergents, la volonté des consommateurs d’acheter toujours meilleur marché et la mondialisation des échanges, les délocalisations sont bien parties ! Le problème n’est pas tant ces délocalisations que la propension suicidaire et vaine de mettre toute son énergie à les freiner au lieu de s’adapter. C’est bien le génie français qui a inventé voici quelques années la ligne Maginot ! AGORA FOX


  • (---.---.20.123) 7 octobre 2005 14:03

    Bravo à tous ces « economistes »... Donc les entreprises délocalisent, ne distribuent plus de salaires, si ce n’est « des aumones » sur leur lieu de délocalisation et vont évidemment vendre dans des pays dit développés...

    Mais avec quels revenus pourront ils acheter ?


  • guitou17 (---.---.129.155) 8 octobre 2005 11:24

    C’est bien le meilleur article sur le sujet que j’ai lu depuis longtemps


  • Niblas (---.---.175.4) 8 février 2006 16:04

    Délocaliser oui, pourquoi pas mais la question sera jusqu’à quand. Si les gens d’ici gagnent moins d’argent, s’il y a plus de chaumeurs et si les collectivités n’ont plus de rentrées fiscales, les consommateurs consommeront beaucoup moins et les industriels vendront de moins en moins. Déjà actuellement, dans certaines régions, les gens dépensent moins, restreignent leurs loisirs comme la pratique du sport. Alors, Messieurs les patrons, gagnez plus ! et donnez moins d’argent aux ouvriers et votre chiffre d’affaire baissera. L’économie dépend aussi de la consommation.


  • (---.---.26.134) 21 avril 2006 23:45

    plus les salaires sont bas,moins on consomme,pour une croissance de l’économie,siles patrons ne peuvent plus augmenter nos salaires pourquoi les leurs augmente ?


  • Laurent Simon 22 mai 2012 12:46

    "délocaliser une partie de leur activité permet à beaucoup d’entreprises d’être plus compétitives (c’est d’ailleurs l’objectif principal qui influence et explique les décisions de délocaliser ou pas) : ce gain de compétitivité a des conséquences positives même au niveau national français (les entreprises peuvent alors investir en R&D sur des créneaux complémentaires ou nouveaux).

    Ces gains de compétitivité constituent la base de débats très vifs. Et que dire du coût des non-délocalisations : une entreprise qui ne délocalise pas du tout (alors que ces concurrents le font) risque, à court ou moyen terme, de disparaître tout simplement.« 

    OUI, effectivement ! Et ce n’est pas assez dit, alors que c’est essentiel. Voir par exemple l’article : »Halte à la démagogie, vive les délocalisations !" http://europeagenda2010.free.fr/article.php3?id_article=235 qui prend l’exemple de l’industrie allemande, et en particulier automobile.


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