Les économistes orientés
La richesse nationale a augmenté de 0.5 % au second trimestre et le pays sort de la récession telle qu’elle est définie (deux trimestres successifs de « croissance négative »).
Les économistes, c'est-à-dire ceux qui ont pignon sur rue, que l’on voit et entend et qu’on lit dans tous les médias, se sont emparés de cette nouvelle que l’on croyait bonne, pour calmer notre enthousiasme. Nous sommes priés de continuer à croire que tout va mal, que ce rebond inattendu n’annonce rien de bon et qu’il faudra continuer à se bourrer de prozac à la reprise de septembre, même si cette embellie est constatée également dans la zone euro.
Pourquoi cette tonalité mortifère ?
Les économistes que l’on entend sont ceux qui n’ont pas vu venir la crise de 2008 et qui continuent tout de même à nous assener péremptoirement leurs leçons d’économie qu’ils n’ont pas remises à jour depuis trente ans. Du haut de leurs chaires, ils nous expliquent donc que, certes, la consommation intérieure repart, que les exportations augmentent mais qu’elles compensent tout juste nos importations et que surtout les investissements des entreprises stagnent et que les destructions d’emplois continuent.
Certes, le tableau n’est pas idyllique et n’autorise pas à sortir le champagne, mais on reste confondus par cette morosité « d’économistes » véhiculée complaisamment par les médias.
Même chose s’agissant d’une enquête concernant le « made in France » : trop cher, nous disent-ils ! Les produits manufacturés produits dans des pays à bas coûts, relocalisés en France, coûteraient plus cher à l’achat et ce surcoût pénaliserait la consommation de services en France (Il faut bien trouver un argument, même si les choses sont bien plus complexes et que l’on ne traite pas de la question de la qualité et de l’obsolescence programmée par exemple).
On voit très bien l’idéologie dans laquelle baignent ces « économistes » : le fameux marché mondial qui consiste à exploiter les salariés d’Asie pour accroître les marges des vendeurs français de produits textiles ou électro ménagers avec comme corollaire la destruction d’emplois en France.
Second étage de la fusée : les réformes !
S’ils n’apparaissent pas comme étant compétents pour prévoir les crises, nos économistes connaissent tout de même les remèdes (de cheval) à prescrire à la société Française dans son ensemble, avec tout de même quelques nuances selon que l’on est « puissant ou misérable ». Les premiers sont bien évidemment les fameux « créateurs de richesses », ces indispensables nébuleuses financières ou familiales que l’on doit protéger et surtout comprendre lorsque qu’elles décident de délocaliser leurs activités dans des pays à la fiscalité très douce ou leur fortune au Luxembourg pour éviter les droits de succession « confiscatoires » (je connais beaucoup de gens qui aimeraient payer des droits de succession…).
Notons que les PME ne sont quasiment jamais mises dans cette catégorie des créateurs de richesses et qu’elles doivent acquitter des impôts beaucoup plus importants que les sociétés du CAC 40.
Mais là où il y a le plus de « gras à faire », c’est bien évidemment pour nos Diafoirius, sur le coût du travail, la protection sociale et les impôts et taxes qui concernent la plupart des Français, enfin, les salariés.
Pour la réforme du coût du travail, à défaut d’augmenter les cotisations salariales, on demandera aux salariés d’abandonner les 35 heures (travailler plus pour gagner la même chose avec moins d’emplois crées).
Pour les retraites, c’est simple selon ces économistes, il suffit d’orienter les cotisations volontaires vers les mutuelles privées, d’encourager les fonds de pension et d’augmenter les prélèvements sociaux et d’allonger la durée de cotisation voire de reculer l’âge du départ à la retraite.
Dernier étage de la fusée, rogner sur les prestations chômage et faire la chasse aux « profiteurs qui utilisent le système pour bien vivre en ne foutant rien ». On remarquera au passage que la fraude des employeurs aux cotisations sociales et fiscales et la lutte contre l’évasion fiscale ne sont que très modérément évoquées par nos experts.
Cette posture quasi unanime de nos experts autoproclamés, vise à considérer que notre pays ne peut plus échapper au commerce mondial, qu’un partage relatif de l’activité ne se fera qu’en rognant les avantages des salariés (pour les amener le plus près possible de ceux des pays à bas coûts) et que le déficit des caisses de retraites sera compensé par une diminution de la durée de vie en retraite. On nage en plein cynisme !
Thèses et antithèses…
Tout irait bien dans le prêt à penser de nos économistes si leurs thèses n’étaient pas contestées (parfois involontairement) par des études à diffusion médiatique limitée.
La première, qui a fait l’objet d’un article dans le « Canard Enchaîné » du 13 août émane de l’OCDE et traite de la flexibilité qu’elle juge indispensable « au bon fonctionnement des entreprises et par conséquent pour la productivité et la croissance économique » tout en indiquant en seconde partie du rapport une série d’éléments contredisant cette thèse : L’Allemagne est à la fois le pays où licencier est compliqué et qui affiche un taux de chômage plus faible qu’en France. Les pays européens (Espagne, Portugal et Grèce) qui ont libéralisé les licenciements, ont vu leur taux de chômage exploser, ce qui démontre que la flexibilité n’est pas un élément déterminant pour lutter contre le chômage mais que ses causes peuvent être multiples.
La seconde, traitée dans un article de « Marianne » met à mal le coût du travail en mettant en parallèle le coût du non-travail à partir des chiffres d’une étude de l’OCDE et d’Eurostat, le bureau statistique de l’Union Européenne. Objectif de cette étude ? « Apprécier ce que coûte un chômeur aux caisses sociales des états, afin d’estimer la rentabilité économique réelle des emplois subventionnés que ce soit dans le secteur social ou l’environnement ».
Ce coût du non travail est estimé à 120 milliards d’euros par l’auteure de l’article qui met en perspective les indemnités versées et les frais d’accompagnement des chômeurs avec les pertes de cotisations et d’impôts que l’inactivité engendre.
Voilà, à la logique des économistes orientés et médiatiques qui parlent de flexibilité et de « réformes », s’opposent des éléments qui démontrent que la simplification et l’unanimité de leurs discours n’est surtout de l’intoxication au service du modèle libéral mondial.