mardi 19 juillet 2005 - par Michel Monette

Manque d’infrastructures : autre déficit chronique des PVD

Les infrastructures des transports et des télécommunications sont les artères indispensables des échanges de biens et services. Sans elles, pas d’échanges possibles au-delà d’un marché très localisé. À quoi sert d’annuler les dettes des pays les plus pauvres si rien n’est fait pour combler ce déficit chronique qu’est l’état des infrastructures dans ces mêmes pays.

Demandez autour de vous ce qui manque aux pays les plus pauvres pour se développer. Spontanément, ce que le Terrien moyen vous répondra ces temps-ci tournera autour de l’ouverture des marchés des pays riches, de la fameuse gouvernance (au sens, vous l’aurez compris brillants lecteurs, de lutte à la corruption), de l’éducation, de la santé, de la démocratie peut-être.

Interrogé sur ce que sont les entraves les plus fortes au développement de l’Inde, Christophe Jaffrelot, directeur du Centre d’études et de recherches internationales (Ceri), a lui répondu spontanément ceci :

Les politiques publiques ont échoué en matière d’infrastructures. Le pays manque des routes, des chemins de fer, des ports et des aéroports dont a besoin une économie moderne qui exporte.

Debating India. L’Inde peut devenir le laboratoire du monde.

Il est vrai que l’Inde n’est plus tout à fait un pays pauvre, avec au-delà de 35 millions de personnes gagnant plus de 1 000$ américains par mois, un chiffre en progression de 10% par année. Plus un pays pauvre certes, mais tout de même un pays de pauvres avec 420 millions de personnes en gagnant moins de 1$ par mois.

Ce qui est vrai pour l’Inde l’est pour tous les pays. Réseau routier, ferroviaire, maritime intérieur, ports, aéroports, lignes électriques, téléphoniques, réseau de fibre optique, d’antennes, réseaux d’aqueducs, et sans doute autre chose que j’oublie, tous ces éléments font cruellement défaut dans de trop nombreux pays.

Pas d’infrastructures, pas de développement

Le Directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Jacques Diouf, insistait en décembre 2004 sur l’importance des infrastructures pour les agriculteurs de l’Afrique.

Le plan Marshall a contribué à reconstituer les infrastructures en Europe, et les aides régionales de l’Union européenne se fixent officiellement pour objectif de rattraper le retard des nouveaux membres dans ce domaine. Pourquoi les pays africains devraient-ils se développer sans ports, aéroports, routes, chemins de fer et énergie électrique ?

Le Monde diplomatique. Le développement agricole, un atout pour l’Afrique.

Diouf appelait à la construction d’« infrastructures rurales (routes, moyens de stockage et de conditionnement, marchés, etc.) (...) pour permettre aux agriculteurs de disposer des matières premières modernes et de commercialiser leurs produits à des coûts compétitifs. »

Dans une note datée de mai 2005 sur le financement des infrastructures en Afrique sub-Saharienne pour l’énergie (électricité, gaz), les transports (routes et pistes, chemin de fer, transports aériens, ports, aéroports), l’eau potable et l’assainissement, les infrastructures urbaines, et les télécommunications, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement du ministère des Affaires étrangères de France souligne pour sa part le double rôle des infrastructures en faveur du développement : d’abord comme facteur de production par la diminution des coûts et l’augmentation du niveau de services d’infrastructures offert, ensuite comme services de base dont certains sont considérés comme des droits fondamentaux (ne songeons qu’à l’accès à l’eau potable).

Gros problème quand vient le temps de parler financement

Jean-Gabriel Fredet du Nouvel observateur rappelait à la veille du sommet du G8 de juillet, que pour Bush « le meilleur moyen pour les pays pauvres de s’enrichir est de « gagner de l’argent, grâce à une réforme de leur propre économie, au lieu d’en recevoir ».

Le problème, comme le souligne sur letogolais.com l’économiste togolais Yves Ekoué Amaïzo, candidat au poste de directeur adjoint de l’OMC, c’est que « le prix des produits de base a chuté en moyenne de 70 % au cours des vingt dernières années, pendant que les produits transformés, qui représentent les trois quarts du commerce mondial, ont connu une forte hausse de leur prix, et donc de leur rendement ».

C’est ce qu’on appelle un vrai cul-de-sac.

Les Américains se montrent réticent à toute aide, y compris la Facilité financière internationale (IFF) de leur allié britannique, mais finissent tout de même par accepter de doubler l’aide internationale d’ici 2010.

De toute évidence, cela sera nettement insuffisant en ce qui concerne les infrastructures.

La question du financement des infrastructures dans les pays les plus pauvres est à la fois complexe et cruciale. Complexe puisqu’entrent en ligne de compte du financement public et privé sur fond d’instabilité qui fragilise les montages financiers, cruciale puisque sans infrastructures le développement n’est tout simplement pas possible.

Il faut pourtant trouver des solutions.

À défaut, les pays les plus pauvres devront se contenter de regarder passer le train du développement.




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