Nucléaire civil et contrôle international
Georges Charpak, Prix Nobel de physique en 1992 et grand
spécialiste de l’énergie nucléaire, a publié un livre, co-écrit avec deux
scientifiques du nucléaire, intitulé De Tchernobyl en Tchernobyl,
dans lequel il exprime ses opinions sur l’avenir du nucléaire, sur le niveau de
sécurité actuel et ses propositions de mondialiser le contrôle du nucléaire
civil.
Georges Charpak est tout à fait convaincu que le monde ne
peut se passer du nucléaire civil, pour la bonne raison que c’est la seule énergie
de masse qui soit disponible sans limite à moyen terme, sûre si elle est gérée
sérieusement, et qui n’émette pas de gaz à effet de serre. Si on fait en effet
le bilan de la quantité d’énergie dont nous avons et aurons besoin, il est
évident que les énergies renouvelables ne permettront pas d’y répondre. Surtout
si on prend en compte les 3 milliards d’êtres humains supplémentaires qui
peupleront notre globe terrestre d’ici quelques dizaines d’années, tous
assoiffés de profiter pleinement de l’existence et d’atteindre le même niveau
de vie que le nôtre. Pour lui, donc, le nucléaire est incontournable
George Charpak, en revanche, exprime son inquiétude à propos d’un
certain laxisme qu’il ressent dans l’application et le suivi de la sécurité des
installations. D’où le titre de son livre qui sous-entend qu’un nouveau
Tchernobyl pourrait se produire si nous ne renforcions pas les contraintes de
sécurité. La faute à qui ? Au fléchissement de la vigilance, produit par la
confiance dans leur outil des responsables de l’organisation de l’énergie nucléaire.
Et à une certaine dérive des comportements, de ce fait, vers une trop grande
confiance.
Des exemples : l’accident en début d’année en Grande-Bretagne au complexe de retraitement nucléaire de Sallefield, qui a vu 83 m3
d’un liquide radioactif toxique s’échapper peu à peu, sans que quiconque ne
réagisse, heureusement dans une enceinte étanche. Et le rapport de la réunion
mondiale de 300 responsables de centrales nucléaires dans le monde, qui laissait
transparaître aussi l’émergence d’une certaine inconscience chez certains
responsables du nucléaire. Le tout amplifié par le culte du secret qui, comme
en Grande-Bretagne, conduit à dissimuler les incidents.
La solution : resserrer les boulons, bien entendu, en
supprimant le mur du secret, et en confiant à un organisme international, doté de
pouvoirs de coercition et réunissant les experts mondiaux du nucléaire, la définition
d’une stratégie de contrôle de cette sécurité, en abandonnant la notion, pour
lui désuète, de souveraineté nationale dans ce domaine.
Un dernier point : la sécurité dans le nucléaire interdit,
pour George Charpak, l’obligation d’une notion de rentabilité qui prévale.
Une question pour Georges Charpak : c’est ce que je croyais être le rôle de l’Agence internationale de l’énergie nucléaire de Mohamed El Baradei, qui dépend bien de l’Onu, et est censé gérer tous les aspects du nucléaire, civil ou militaire dans le monde ; est-ce l’absence de pouvoir de coercition et d’abandon de la souveraineté nationale sur ce sujet qui vous gêne ?