Paul Wolfowitz fait la guerre au personnel de la Banque mondiale
Un ancien fonctionnaire de la Banque s’ouvre le coeur tout en parlant de ce qui ne va pas en Afrique.
Vers la toute fin d’une entrevue accordée à l’émission Late Night Live du 17 août sur ABC Radio National (disponible en podcast), Robert Calderisi, qui fut notamment Directeur des opérations à la Banque Mondiale pour la zone CEMAC (Cameroun, RCA, Tchad, Guinée Equatoriale, Gabon), n’a pas été tendre envers l’actuel Directeur Paul Wolfowitz. Il lui reproche son manque de confiance envers le personnel de la Banque.
L’entrevue portait sur l’ouvrage de Calderisi, The Trouble with Africa : Why Foreign Aid Isn’t Working. L’animateur demandait à l’auteur ce qu’il pensait de la nomination controversée de Wolfowitz.
Dans sa réponse, Calderisi a laissé transparaître une amertume certaine envers le Directeur de la Banque : « He surrounded himself with people right out of the Pentagone and the rest of the US government and he has treated the staff of the Bank as the ennemy rather than a partner. »
Vivant désormais à Montréal, Calderisi a travaillé plus de trente ans en Afrique, y rencontrant des milliers d’Africains, retirant de toutes ces années un certain nombre de leçons mais aussi de solutions pratiques face au problème endémique d’un système d’aide internationale qui y a englouti en vain des milliards de dollars pendant toutes ces années.
Trois raisons expliquent selon lui cet échec : la culture, la corruption et la complaisance des pays donateurs.
La loyauté familiale et la fatalité sont pour lui deux traits culturels qui nuisent aux Africains qui acceptent trop facilement de se laisser dominer par leurs élites politiques. Ces dernières profitent de cette attitude pour s’enrichir.
Mais Calderisi ne croit pas que la situation soit désespérée, car « at the hearth of an African village or an African family is a tranquility and a resourcefulness and solidarity which is stricking and whichis a resource for turning things around little by little. »
Pour lui, le plus important est de venir à bout de la corruption endémique qui traverse les sociétés africaines depuis le moindre petit commis de l’État, ou de l’entreprise privée, jusqu’au plus haut dirigeant. Il n’est pas rare qu’un Africain soit obligé de donner sous la table plus de la moitié d’un mois de son maigre salaire avant de pouvoir obtenir un document officiel de l’État.
Même les systèmes judiciaires sont corrompus dans la plupart des pays Africains, à l’exception notable de l’Afrique du Sud.
La situation ne peut plus durer. Cela fait à peine trois ans que les Africains sont globalement retournés à leur niveau de revenu des années 1960, et ils doivent cet « exploit » à la hausse des cours du pétrole et du café.
Pendant ce temps, le niveau de revenu en Asie s’est accru 34 fois.
L’aide ne fonctionne réellement que lorsqu’elle supporte des initiatives qui correspondent aux orientations des gouvernements qui la reçoivent, a aussi dit Calderisi. Les quelques fois où des initiatives d’aide internationale ne se sont pas transformées en cul-de-sac sont celles ou le gouvernement du pays concerné y a cru sérieusement.
Pour Calderisi, il faut cesser d’employer l’euphémisme « bonne gouvernance » pour plutôt dire clairement aux gouvernements qu’ils n’auront pas un sou s’ils n’agissent pas dans l’intérêt de la population.
Pas d’aide non plus sans une véritable démocratie et sans un mécanisme de contrôle international de son utilisation là où les gouvernements n’ont pas encore démontrer leur capacité de contrôler eux-mêmes leurs dépenses publiques.
Dans son ouvrage, Calderisi donne l’exemple du Ghana, de la Tanzanie, du Mozembique et du Mali comme gouvernements qui vont dans la bonne direction.
Il faut cesser d’être indulgent envers les gouvernements africains là où les dirigeants profitent personnellement de cette indulgence tout en maintenant leur pays dans la pauvreté.
Si Calderisi n’a pas ménagé Wolfowitz, il lui reconnaît au moins la volonté de lutter sérieusement contre la corruption.
Ce que l’on retient de cette entrevue, c’est que le comportement de Wolfowitz est loin d’être le problème numéro un d’une Afrique qui doit en finir elle-même, une fois pour toute, avec ses démons.