lundi 25 mai 2009 - par Michel Santi

Pauvre Europe

Le Ministre des Finances Allemand a enfin élaboré et présenté son plan d’une « mauvaise banque » (bad bank) censée soulager les établissements du pays de leurs créances douteuses et non solvables afin de leur permettre de mieux se concentrer sur des projets à même de promouvoir la croissance économique du pays. Par ailleurs, une série de « stress tests » supposés passer au crible les plus importantes Banques Européennes vient d’être planifiée par les autorités Européennes.

L’Europe se déciderait-elle enfin à prendre la mesure de la crise de son système bancaire et financier ? L’Europe est un continent malade de récession dont la seule parade a été à ce jour une attitude "Ponce Pilatienne" consistant à en rejeter la faute sur les Etats-Unis tout en niant ses propres responsabilités et implications. Ne cherchons pas à psychanalyser l’Europe ou ses dirigeants mais il semble établi que le déni de la crise trouve ses fondements aux origines mêmes de cette crise...

Aux Etats-Unis, les prêts subprimes ont certes été accordés aux créanciers les moins solvables avant d’être découpés en titres agglomérés à des créances solvables afin d’être revendus en tranche sur le marché. En vitesse de croisière, investisseurs et spéculateurs inondent ce marché de liquidités avec pour conséquence une réduction substantielle du coût de tous les crédits, la crise du crédit et la récession étant les conséquences inévitables en cas de défaillance du marché immobilier. En fait, comme il est impossible de séparer la bonne graine de l’ivraie, autrement dit de mettre en quarantaine les débiteurs douteux au sein de cet alliage contre nature où sont fondues bonnes et mauvaises créances, il devient dès lors impossible aux établissements ou au simple spéculateur détenant ces titres de lever de nouveaux fonds car nul ne consent plus à prendre de tels titres en garantie d’un financement supplémentaire...

C’est là que le déni Européen se pare de superbe, le système US étant ainsi dédaigneusement rendu responsables de nos maux...alors que la vieille Europe est elle-même engluée dans ses propres subprimes ! L’Union Européenne, dont l’économie pèse 15’000 milliards de dollars en 2009 selon les chiffres du F.M.I., est certes peu impliquée dans la déroute subprimes Américaine puisque ses établissements ne sont exposés qu’à hauteur de quelques 300 milliards de dollars. Néanmoins, le système bancaire Européen est lourdement enlisé dans des créances Européennes non solvables et autres opérations spéculatives consistant pour les ménages d’Europe Centrale à s’endetter en des monnaies prélevant des taux d’intérêts insignifiants. Le manque absolu de transparence ayant pour conséquence - et pour but bien-sûr - de ne pas être en mesure de chiffrer ces expositions.

Toujours est-il que le système financier d’Etats comme l’Autriche, la Belgique, l’Italie et la Suède, lourdement investis en Europe Centrale et en Islande, risque l’implosion. Pire encore : la déconfiture de pays comme l’Espagne ou l’Irlande démontre que la situation de certains nations Européennes est encore plus dramatique que la faillite de la Californie ! Chaque prêt contracté par un Européen de l’Est étant garanti par un Européen de l’Ouest, l’Europe est ainsi assise sur une poudrière dont l’explosion est programmée selon un compte à rebours rythmé par une gangrène récessionniste qui progresse inexorablement. 

Par ailleurs, et alors que le système bancaire aux Etats-Unis n’est qu’une des sources multiples du financement d’entreprises ayant plus l’habitude de trouver des fonds sur les marchés obligataire ou boursier, notre système bancaire est à l’origine de 90% des financements dans la quasi totalité des pays Européens, à l’exception de la Grande Bretagne et de l’Allemagne où il est quand même à l’origine de 70% des crédits. C’est donc la structure même de l’économie Européenne qui s’en trouve ébranlée, le tremblement de terre final étant inéluctable à mesure de l’aggravation de la récession et du chômage...

Pour autant, l’Union bénéficie-t-elle d’un ou de plusieurs organismes à même de prendre en main et de manière volontariste l’assainissement de son système bancaire, la Réserve Fédérale, le Département du Trésor et la Federal Deposit Insurance Corporation étant les institutions publiques habilitées à intervenir aux Etats-Unis ? Las, nul équivalent dans cette Union Européenne où le préalable obligatoire à toute mesure de sauvetage est une prise de conscience collective de la menace, chaque Etat étant libre de nettoyer devant sa porte...ou pas ! L’Europe, qui ne bénéficie d’aucune institution dotée des moyens techniques et légaux indispensables à même d’agir en tant que pare-feu, ne tirera aucun enseignement de tous ces stress-tests et pour cause : Quelle sera l’autorité en mesure d’évaluer, d’agir et de remédier en fonction de ces résultats ?

Le temps n’arrange en rien les affaires Européennes même si le déni fait partie intégrante du gène Européen intrinsèquement timoré. 



16 réactions


  • Internaute Internaute 25 mai 2009 10:50

    Il suffisait d’y penser. L’Etat crée une banque aux frais du contribuable qui rachète « à son juste prix » les créances douteuses dans lesquelles se sont lancés les banquiers avides de bonus. Résultat, les banques en difficultés ne le sont plus, les dévaluations d’actifs dues aux créances douteuses sont corrigées par des ré-évaluation d’actifs et des reprises de provisions tant et si bien que la même banque qui était en faillite la semaine dernière se retrouve comme par miracle bénéficiaire et ses employés supérieurs peuvent enfin toucher leur bonus tant mérités.

    Ne serait-il pas plus simple et moins couteux pour le contribuable de payer une fois pour toute 10 millions d’euros à chacune de ces personnes plus 10 millions d’euros à chacun des députés, fermer une fois pour toute l’Assemblée Nationale et les établissements en faillte avec bien entendu la perte totale de leur mise pour les actionnaires qui se sont trompés et de leur retraite pour les députés.

    Il n’y a pas de crise du crédit, c’est un leurre. Il y a d’une part une crise de confiance, une crise de solvabilité et surtout une terrible crise économique où l’UE a une culpabilité dont il faudra bien un jour qu’elle nous rende des comptes. Nous subissons les méfaits du mondialisme et la seule mesure à prendre est de le réguler par une diminution drastique du commerce international et la protection de nos marchés. Le reste, c’est un jeu de petits papiers qu’on se passe les uns aux autres.

    Tiens, l’Ukraine vient d’annoncer une baisse de 20% de son PIB au premier trimestre 2009.


  • nightflight nightflight 25 mai 2009 10:57

    « L’Europe se déciderait-elle enfin à prendre la mesure de la crise de son système bancaire et financier ? L’Europe est un continent malade de récession dont la seule parade a été à ce jour une attitude »Ponce Pilatienne«  consistant à en rejeter la faute sur les Etats-Unis tout en niant ses propres responsabilités et implications. »

    Qu’on le veuille ou non, la crise financière prend bien ses racines dans la crise des Subprimes et dans le phénomène de titrisation des créances, gigantesque bourde économique, si l’on analyse à la base le mécanisme des prêts à taux variables indirectement indexé sur les les taux directeurs de la FED.

    J’aimerais tout de même qu’un jour on fasse une analyse objective sur l’antithèse que représentent les prêts à taux variables à grande échelle et les taux directeurs d’une banque centrale.

    La macroéconomie serait-elle en panne alors que les navettes s’élancent vers le ciel ?

    « Pour autant, l’Union bénéficie-t-elle d’un ou de plusieurs organismes à même de prendre en main et de manière volontariste l’assainissement de son système bancaire, la Réserve Fédérale, le Département du Trésor et la Federal Deposit Insurance Corporation étant les institutions publiques habilitées à intervenir aux Etats-Unis ? »

    Aux Etats-Unis, le plan de purge des « titres pouris », utilise le fond de garantie des dépôts, et ne représente rien d’autre qu’un cautionnement par l’état d’une subvention à la vente de titres allant être cédés à des investisseurs poussant encore plus loin l’usure et le recouvrement de créances.

    Les banques on provoqué le gonflement d’actifs complètement découplés de la valeur des richesses réelles, et par ailleurs elle trainent des pieds pour la renégociation des prêts, n’aurait-il pas été plus simple d’imposer la conversion des prêts vers des taux fixes, les titres adossés reprenant alors progressivement de la valeur ?


  • patroc 25 mai 2009 11:18

     C’est un peu la bourse vos articles !.. Un coup çà va, un coup çà va pas !.. Le problème est que toutes leurs magouilles boursières pour fabriquer de la valeur sont arrivées à terme faute de liquidités et les états remboursent ce vol des banquiers et affairistes qui dure depuis des dizaines d’années en empirant.. La bourse et ses participants ont tué la poule aux oeufs d’or, le travailleur de base seul générateur de richesse, appauvri aujourd’hui au point de ne plus être capable de consommer.. Le cercle est coupé, remplacé par un autre, pas d’argent, pas de consommation, pas de besoin de produire, pas de travail, pas de pouvoir d’emprunt, pas d’argent.. De ce fait réel et tout simple, en dehors de toute « spéculation » quant à l’avenir, et parce que les états en voulant sauver les banques ne font qu’enterrer la poule, il paraît évident que cette « crise » va durer plus longtemps que prévu, que le chomâge sera massif et le travailleur appauvri, et que, l’histoire nous l’apprend, les sorties de crise passent toujours par la destruction, la guerre, la mort d’un grand nombre... Puis les magouilles peuvent reprendre !.. On peut toujours espérer le contraire, une simple transparence totale des comptes suffirait à dénoncer et montrer au peuple le vol, le mépris, l’exploitation dont il a été l’objet de la part des banquiers, mais ce serait un suicide du système par ceux qui l’ont crée.. Pas fini donc de s’appauvrir pour que les riches le restent !..


  • John Lloyds John Lloyds 25 mai 2009 11:42

    Ces bad banks ne sont rien d’autre qu’une nouvelle bulle, sans pour autant alléger les anciennes, ainsi que le rappelle François Leclerc : “Une nouvelle bulle financière constituée par les dettes publiques est en train de se constituer, sans que la bulle de dettes privées précédente ne soit résorbée".

    On reste donc dans du Ponzi, et il n’est toujours pas question qu’on débarasse le cadavre. Restent donc toujours les 2 seules issues possibles, l’effondrement du système, ou l’accumulation de l’endettement sur de nombreuses générations ; des gamins qui ne sont pas encore nées, et qui sont déjà endettés à vie.

    _________________________________________

    ALERTE INFO


    • plancherDesVaches 25 mai 2009 21:00

      Bonsoir John.

      Il est rare que je

       ne sois pas d’accord avec toi, mais....

      PUTAIN DE PUBS DE MERDE !!!!! J’ARIVE PLUS A ECRIRE


    • plancherDesVaches 25 mai 2009 21:08

      Donc, John :
      Les « bad banks » ne sont pas des bulles.

      Elles sont des machines à nationaliser les pertes. Jusqu’au moment où le premier pays du G20 ne pourra plus vendre ses bons du trésor (comme le Royaume pas si Uni que ça, parlez-en au Ecossais) et sera obligé de creuser sa dette à hauteur du Japon, voire plus si affinité.

      Obama s’est cassé les dents sur ce projet, car les banques auraient été OBLIGEES de montrer leurs cadavres du placard.
      Il a donc choisi la solution de l’abandon de la règle du mark-to-market pour qu’elles truandent tranquillement en vendant au prix qu’elles voulaient avec garanti que les pertes seraient supportées par le peuple américain.
      Yes, they can.


    • John Lloyds John Lloyds 25 mai 2009 22:30

      @PDV
      Un désaccord de temps à autres, c’est très sain smiley La bulle de la dette publique, le terme est de François Leclerc.


    • plancherDesVaches 25 mai 2009 22:53

      John, j’ignore franchement qui est ce François Leclerc...

      Quoi kill en soi, si je regarde un peu en arrière au niveau historique de 1929, 1933, 1936, 1939, une monnaie hyper attaquée par la spéculation comme le fut le Mark, a permis l’arrivée d’un dictateur qui a placé son pays en économie de guerre....
      (le Royaume dés-Uni vient de voter un budget qualifié de « guerre » alors que ce n’est qu’une aimable plaisanterie....les mots ne veulent plus rien dire d’important, par ces temps.... Saint Enfumage, priez pour nous.)
      Les US pourraient, par contre, être obligés de s’y placer réellement, surtout que ce genre de situation sert particulièrement les intérêts de leurs « lobbies ». Low bizz, bêbête show....


  • Marianne Marianne 25 mai 2009 13:18

    Plans de relance et crise systémique, pour des alternatives à la hauteur (Paul Boccara, économiste, in Revue Economie et politique, nov.-déc. 2008)

    http://www.economie-politique.org/ND08/boccara%20nd08.pdf


  • geko 25 mai 2009 14:52

    Si l’Europe du pognon n’était à la botte des USA, elle ne serait pas gangrénée par l’économie casino !

    En gros vous nous expliquer si la victime s’est fait violée c’est de sa faute !

    "Dans la série des films Matrix, les êtres humains vivent dans un environnement dont leur perception est manipulée informatiquement. Ils s’imaginent vivre une vie cossue alors qu’ils vivent dans une misère noire, mais toute leurs perceptions (vue, ouïe, odorat, toucher, goût) sont manipulées.« leap

    Mr Santi, quand l’américain moyen va sortir de son déni de réalité, ne soyez pas choqué de le voir débouler chez L&B et autres entreprises mafieuses de la finance, leur expliquer le goût du risque façon »Orange Mécanique" !


    • Michel Santi Michel Santi 25 mai 2009 15:35

      Bonjour geko, ça faisait longtemps...


    • geko 25 mai 2009 17:50

      Bonjour Mr Santi, ça ne fait pas très longtemps ! Je lis régulièrement vos articles.

      Je n’ai pas perçu votre pointe d’humour habituelle aujourd’hui ! Etant d’une nature trop impulsive je commente moins...d’ailleurs après relecture de votre article la deuxième ligne de mon précédent commentaire n’est pas vraiment constructive ! Mais bon je venais de lire l’article Joseph Stiglitz et cette finance qui nous pigeonne  qui résume assez bien le pîège à cons dont nous sommes victimes avec l’assentiment de nos dirigeants. Je tiens à préciser que je n’ai jamais mis un sesterce dans ces produits dérivés et encore moins spéculé en bourse !

      Ceci dit vous faites bien de souligner l’inertie des autorités financières europèennes, mais comment peut-il en être autrement quand les structures existantes répondent à des préoccupations aujourd’hui dépassées ?


    • Michel Santi Michel Santi 25 mai 2009 18:33

      C’est bien ce que je dis « Pauvre Europe et pauvres Eurpéens ». La Old Europe que nous sommes est d’ores et déja totalement dépassée par les évènements...
      Pour l’impulsivité, si ça vous rassure, je m’y connais et elle me joue aussi des tours.


    • geko 25 mai 2009 19:19

      Les bonnes équipes se révèlent dans la difficulté, pas quand tout va bien ! Il n’y a jamais eu volonté de construire une europe politiquement forte et indépendante !


    • plancherDesVaches 25 mai 2009 21:12

      Geko :
      http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/royaume-uni-les-raisons-d-un-55892

      Vous devriez essayer de regarder la réalité, de temps en temps....


    • geko 26 mai 2009 09:31

      Merci pour le lien PlancherdesVaches ! Vous ne m’apprenez rien sur la perfide Albion et c’est un article de fond et non d’actualité auquel vous faites référence ! Ma remarque a Santi fait référence aux structures de l’Europe et je pense ici à la BCE dont la principale mission a été la stabilité des prix.|


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