vendredi 15 mai 2009 - par Volontaires

Quand EDF joue en bourse avec l’argent du démantèlement des centrales nucléaires

Depuis plusieurs années, EDF place l’argent du démantèlement futur des centrales nucléaires sur des « actifs dédiés ». Cependant, au lieu de placer ces sommes sur des placements sécurisés, l’entreprise publique en a placé environ la moitié sous forme d’actions en bourse. Mais la crise est passée par là, et ces fonds ont perdu 1,2 milliard d’euros en un an. Le plus surprenant est qu’EDF prétexte de cette situation pour cesser tout versement sur les fonds dédiés (les versements seront inférieurs de 1,0 milliard par rapport à ce qui était prévu).
Sans doute EDF a-t-il besoin d’argent frais pour financer ses achats à tout va, mais en attendant il manque 2,2 milliards d’euros sur les actifs dédiés.

Un paragraphe du dernier "Document de Référence" d’EDF semble être passé inaperçu, il indique en termes très technocratiques que : "Pour sécuriser le financement des obligations de long terme, dans le cadre de l’ouverture progressive des marchés de l’électricité, EDF a mis en place progressivement un portefeuille d’actifs financiers réservés au financement des engagements nucléaires de long terme, et plus précisément à la déconstruction des centrales actuellement en activité et à la gestion à long terme des déchets radioactifs. [...] À fin décembre 2008, la juste valeur de ce portefeuille s’élève à 8 658 millions d’euros (8 604 millions d’euros à fin décembre 2007). Il intègre (1 206) millions d’euros de pertes latentes nettes liées au contexte de crise des marchés financiers enregistrées en capitaux propres."

En termes clairs : EDF a perdu 1 206 millions dans ses placements financiers "réservés [...] à la déconstruction des centrales nucléaire". Cela, du fait de la baisse des marchés financiers en actions. Excusez du peu.

Certes, les textes réglementaires permettent parfaitement qu’EDF place "en bourse" les montants correspondants aux charges futures de démantèlement. Mais cela est particulièrement imprudent s’il les place sous forme d’actions, ce qu’il a fait pour environ la moitié des montants. En effet, les montants à placer dans les actifs dédiés sont évalués sur la base d’un placement "de père de famille" dans des obligations d’entreprises ayant une bonne signature (classées de A à AA) : ces montants sont calculés de manière que, placés sur ce type de produits, les actifs permettent, à la date du démantèlement, d’avoir les fonds nécessaires.

Il est donc assez surprenant qu’EDF ait choisi de placer une bonne partie de ces sommes sur des placements en actions qui sont nettement plus risqués.
 
Surprenant, imprudent, et perdant.

Plus étonnant encore, du fait de la crise sur les marchés financiers, EDF a décidé d’arrêter de placer des sommes sur les actifs dédiés. L’entreprise n’aura placé que 1 800 millions en 2008 contre 2 700 millions prévus : "compte tenu de cette baisse et de la forte volatilité des marchés, il a été décidé en septembre 2008 de suspendre les allocations aux portefeuilles d’actifs dédiés jusqu’à ce que les conditions du marché soient stabilisées".
 
C’est surprenant : la raison aurait voulu qu’EDF sécurisât ses placements (en les transférant sur des obligations, par exemple) mais surtout pas qu’il arrêtât d’épargner.
 
Mais EDF avait sans doute un besoin urgent d’argent frais pour financer ses aventures nucléaires anglo-saxonnes.


10 réactions


  • plbplb 15 mai 2009 10:42

    Tout le monde sait -ou peut vérifier facilement- que sur des durées supérieures à 10 ans les placements en actions « blue-chips » (acteurs majeurs des grands secteurs au niveau mondial) sont largement gagnants
    rien de choquant pour moi à ce qu’EDF ait placé ces milliards de réserves destinés à plusieurs échéances longues (et très longues) dans des achats d’actions...

    Quelques précisions supplémentaires :

    • EDF n’a pas perdu 1206 millions, il faudra faire le bilan lors des décaissements nécessaires au démantèlements de centrales (ne pas confondre pertes et pertes latentes)
    • La raison n’était évidemment pas, en 2008, d’arbitrer des actions sous-évaluées en pleine crise vers des obligations alors à leur plus hauts (et qui rebaisseront probablement dans les 12 mois à venir... beaux conseils que vous leur adressez !)
    • EDF indique simplement qu’ils ont diminué d’1/3 leurs nouveaux placements supplémentaires pendant l’année 2008, ce n’est absolument pas incompatible ou exclusif avec une réallocation actions>obligations que vous leur conseillez (et surtout pas moi)

    • Volontaires 15 mai 2009 15:15

      C’est un problème de gestion « actif-passif » : dès lors que le passif (l’obligation de démantèlement) est évalué sur la base du taux des obligations, il n’est pas prudent de placer l’actif (les actifs dédiés) sur des actions. Si on fait ça, on spécule. C’est raisonnable à ces horizons selon vous, mais sur ce genre de durée et pour ce montant il aurait mieux valu être plus prudent et ne pas mettre 50%.
      Je reviens à votre dernier point : les obligations portent certes un risque de taux, mais comme le risque est normalement équivalent au passif, le hedge est prudent. Là encore, vous spéculez en affirmant que les obligations sont au plus haut : si vous êtes si sur de vous vous avez un moyen simple de vous enrichir en jouant sur les produits dérivés de taux, pourquoi ne le faites vous pas ?


    • jojoduchato jojoduchato 17 septembre 2009 22:46

      Ce qu’il faut surtout dire et qui est resté assez confidentiel ( source syndicale entre autre )c’est que EDF a racheté ces dernières années des entreprises électriques en Amérique latine ( BRÉSIL ET ARGENTINE notamment) en puisant dans le fond de démantèlement des centrales nucléaires Française . Ces achats ce sont révélés souvent désastreux . Et je ne parle pas des conditions sociales des gens travaillant dans ces entreprises désormais EDF( même si ce n’était que des filiales)  !
      Il faut dénoncer l’autre scandale qui a permis cette dilapidation de l’argent public : EDF international n’est pas sous la coupe du conseil d’administration d’EDF.
      La conséquence très antidémocratique de cela est que le conseil d’administration d’EDF n’a pas été sollicité pour avaliser le bien fondé de ces achats et le fait d’utiliser le fond de démantèlement des centrales nucléaires. On est une fois de plus dans un état de non droit ou l’on détourne l’argent du citoyen pour faire tout à fait autre chose que ce à quoi l’argent était destiné  !
      Ceci est un authentique scandale et il faudra bien,  à un moment donné, que ceux qui en sont les responsables payent ce gaspillage incommensurable et ce déni démocratique.

      Châteaurenard en Provence

      Jojoduchato Agent EDF-RTE


    • Volontaires 17 septembre 2009 23:31

      Cher jojoduchato, agent de RTE,

      Dans ce que vous dites il y a des choses publiques (le mauvais fonctionnement du CA d’EDFI qui a pris certaines décisions sans aval du CA d’EDF, notamment lors des aventures italiennes ; c’est moins le cas pour British Energy d’après ce que je sais) et des choses qui ne sont pas connues publiquement. Je serais intéressé que vous communiquiez les éléments syndicaux, ça m’aiderait à faire un article.

      Bien cordialement,

      [email protected]


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 15 mai 2009 11:03

    Malheureux, qu’est ce qu’ils attendent pour miser sur les fonds spéculatifs en faveur des nouvelles technologies de pointe comme La voiture de luxe HST Shelby Cobra (États-Unis), électrique d’une puissance de 400 chevaux et d’une autonomie de 100 à 180 km, capable de passer de 0 à 100 km/h en 3,2 secondes. Sa mise en marché doit aussi se faire au cours de l’année 2009.


  • TSS 15 mai 2009 12:00

    EDF n’a aucune crainte,il sait qu’en cas de « bouillon » ses copains les contribuables sont là... !!


  • zelectron zelectron 15 mai 2009 14:27

    définition d’EDF : pétaudière irresponsable.
    sanction : révoquer les 50 plus haut salaires avec indemnités recalculées à la baisse drastique


  • Alexandre88 Alexandre Flet 15 mai 2009 21:32

    C’est une bêtise d’avoir privatiser EDF alors que l’énergie va devenir un bien de plus en plus rare en ce monde. 

    RAPPEL : Qui a privatisé EDF quand il était ministre ? Gagné, c’est encore cet acteur énervé qu’on voit sur tous les journaux depuis trois ans... Louis de Funés. Euh, pardon je voulais dire Sarkozi.

  • Pierrot Pierrot 17 mai 2009 10:58

    Il faut savoir que la grosse partie financière de la « déconstruction » des réacteur nucléaires c’est dans 20/30 ans au mieux.

    C’est donc à cette échéance qu’il faudra juger de la pertinance des placements financiers et non de la seule année 2008 où en moyenne le CAC 40 a diminué de 43 %.

    Mais à long terme la bourse est toujrs le meilleur placement.


    • Volontaires 17 mai 2009 11:43

      Même réponse que précédemment : c’est fondamentalement un problème d’actif / passif. Quand le passif est valorisé sur le rendement des obligations, il n’est pas prudent de valoriser l’actif en actions.C’est une spéculation qui peut paraître raisonnable sur le long terme mais c’est de la spéculation quand même.
       
      A l’inverse, si on suit votre raisonnement, on aurait du évaluer le « passif » sur la base du rendement à très long terme des actions, mais alors les montants à provisionner auraient été plus faibles et l’intérêt fiscal immédiat pour EDF réduit (moins de charges « calculées » et donc moins d’économies d’IS).

      C’est donc aussi le contribuable qui est concerné par cette affaire.

      QQS éléments incidents :
      - les provisions ne concernent pas que les centrales en exploitation, un petit quart environ concerne les centrales à l’arrêt (filière UNGG, Brennilis, Superphénix, Chooz A) ;
      - de combien faut il-raisonnablement penser que les actions augmenteront pour compenser une baisse de 43 % (et ce, avec une relative certitude ?),
      - rien ne justifie apparemment l’arrêt des versements sur les fonds dédiés (ces versements pouvaient se faire, à titre transitoire, sur des actifs sans risque).


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