jeudi 18 décembre 2008 - par

Retour sur la crise et l’actualité économique

L’Actualité économique bat son plein actuellement, crise oblige. J’ai eu le privilège d’interviewer un éminent économiste d’une grande banque française. Nous sommes revenus ensemble sur les différents sujets brûlants du moment. Sans langue de bois et de manière plutôt prolixe, cet expert avisé, nous donne son point de vue. 

Première question, simpliste mais qui s’impose. Comment en est-on arrivé là ? Le libéralisme économique a-t-il atteint ses limites ?

Ce n’est pas tant le libéralisme économique qui a atteint ses limites, qu’une certaine manière de faire de la finance. Il est manifeste que cette dernière a quelque peu perdu de vue sa raison d’être : à savoir de faire transiter l’épargne des ménages vers les entreprises, et d’allouer le risque en fonction de la capacité des acteurs à le supporter. En d’autres termes, il est tout à fait normal que des “Hedge Funds” prennent des positions risquées, c’est leur rôle - personne ne relève d’ailleurs que cette industrie est en perpétuelle renouvellement au gré des faillites des uns et des autres. En revanche, il est plus anormal que des banques commerciales détiennent une part aussi importante d’actifs risqués dans leur bilan - même si ces actifs étaient logés à l’actif du bilan des pôles investissement.

Comment on est on arrivé là ? Lorsqu’on analyse les grandes crises financières passées, un élément est toujours présent : la sous estimation du risque. Les acteurs sont trop optimistes, investissent massivement, les prix montent, renforçant l’espoir de gains futurs renforçant entrainant de nouveaux investissements et ainsi de suite. Tout le monde oublie que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Dans le cas présent, tout commence dans les mois qui suivent l’éclatement de la bulle Internet en 2001.

Une politique monétaire laxiste couplée à un afflux massif d’épargne provenant des pays du Golfe et de la Chine, ont généré une ère où les taux d’intérêts étaient particulièrement bas et l’accès au crédit particulièrement facile. La plupart des acteurs du système financier, des ménages jusqu’aux “hedge funds”, en passant par les banques, ont pu financer l’extension de leur bilan en s’endettant (phase de “leverage”). Les ménages américains ont ainsi profité de ces conditions pour s’endetter sur la valeur du bien immobilier qu’ils comptaient acheter (principe du prêt hypothécaire). Les établissements de crédits ont d’autant plus facilement prêtées à des ménages pourtant peu solvables (la fameuse catégorie subprime) que les techniques financières permettaient de faire sortir du bilan ces créances (c’est la titrisation) et de revendre des titres financiers adossés à celles-ci (dont la dénomination générique est celle des Asset Backed Securities - ABS).

Ces titres ont ensuite été mélangés et retravaillés (généralement par les banques d’investissements américaines) pour ensuite être revendues aux investisseurs. La note AAA (note maximale) induisait donc un sentiment d’absence de risque du fait de sa dilution. Cependant une large partie de ces actifs était adossé à un seul type collatéral : les biens immobiliers. Lorsque que le marché immobilier s’est retourné, en même temps que s’amorçait un cycle de resserrement de la politique monétaire (qui s’est traduite par une hausse des taux), les conditions d’une crise étaient réunies. Les premières vagues de défaut sont apparues, induisant des pertes sur les nombreux ABS détenus par les investisseurs, tandis que les banques d’investissement ne trouvant plus aucun acheteurs sur les créances titrisées (sorties du bilan) se voyaient contrainte de les réintermédier. Des doutes sur la fragilité des bilans bancaires ont entrainé le gel progressif du marché interbancaire et rendu difficile la levée de fonds propres renforçant la fragilité des banques. Lorsque Lehman Brother (sans doute une erreur historique de la fed) s’est déclaré en faillite puis que le lendemain AIG fut sauvé aux forceps par la fed, le doute n’était plus permis. La situation décrivait bien une crise de solvabilité des banques et plus généralement du secteur financier, et non une profonde crise de liquidité (la banque est solvable mais pourrait ne pas être en mesure de répondre à ses engagements à un instant t pour diverses raisons d’ordre conjoncturelles).

A partir de ce moment, un vent de panique s’est emparé des investisseurs qui ont débouclé toutes leurs positions considérées comme risquées pour les placer en bons du trésor américain (à tel point que les rendements sont négatifs i.e. l’Etat est payé pour s’endetter !) et être ainsi en mesure de faire face à ses engagements (c’est le processus de de-leveraging). Dans le même temps, les banques fragilisées par la présence d’actifs toxiques dans leur bilan ont considérablement réduit la voilure du crédit déplaçant la crise financière vers une crise économique et une possible déflation (baisse généralisée des prix). D’autres éléments tels que les règles comptables, la pro-cyclicité des règles prudentielles, l’insuffisance de la mesure du risque et de la notation financière..., ont également joué sur l’évolution de la crise.

Que ce soit Gordon Brown, George Bush ou bien même Nicolas Sarkozy, la plupart des chefs d’Etats luttent contre le retour au protectionnisme, peut-on craindre de voir sa réapparition dans certains pays ?

Le risque existe. En effet, les économies touchées par la crise pourraient être tenté de relever le tarif des produits importés (soit en dévaluant la monnaie nationale, soit en augmentant les droits de douanes directs ou indirects) ou d’imposer des protections non tarifaires, afin de favoriser les produits domestiques. A ce sujet, les cas de protections pour “antidumping” ont augmenté de 40% d’après le centre du commercial international au sein de l’OMC. Même si ces cas de protection se sont accrus, les proportions sont encore modestes. De la même manière, la Chine a très récemment semblé être tenté de laisser se déprécier le Yuan. Mais cela s’est avéré être davantage un signal politique avant la rencontre avec Paulson, plutôt qu’un réel changement de cap. Une telle décision lancerait en Asie une véritable guerre commerciale où chaque pays dévaluerait sa monnaie nationale (ou imposerait des tarifs douaniers). Il ne faudrait guère de temps avant que cela se propage à l’ensemble des économies. Le commerce mondial s’effondrerait et finalement tout le monde serait perdant comme dans les années 30.

La « refondation du capitalisme » invoquée par Sarkozy lors du dernier sommet du G20 était-elle utopique ? Pourra t-on un jour vraiment réguler la finance mondiale ?

Vouloir « refonder le capitalisme » me parait bien présomptueux. De même, éviter l’occurrence de futures crises financières me parait difficile tant les marchés financiers sont par nature sujets à une information incomplète et asymétrique rendant le phénomène de bulle inhérent à ceux-ci. Il est toujours possible de drastiquement contrôler le système financier, voir même que l’Etat pilote directement celui-ci, mais cela aurait des effets néfastes sur l’innovation financière et la croissance. Il s’agit d’un arbitrage entre plus de croissance, ou bien plus de stabilité financière.

Vraisemblablement personne ne reviendra réellement en arrière, mais un compromis semble émerger sur la nécessité d’au moins prévenir à défaut d’empêcher l’occurrence de futures crises. D’abord, il faut améliorer la transparence et en finir avec un système financier à deux vitesses où certains acteurs ne seraient pas sous supervision du régulateur (je pense bien sur aux “hedge funds”, aux banques d’investissements mais aussi aux compagnies d’assurance et autres entités hors bilan). Tous devront se plier aux règles prudentielles en vigueur en échange par exemple de l’accès aux fenêtres de refinancements des banques centrales. Deuxième composante : avant chaque crise financière, il y’a une bulle, il apparaît donc de bon sens d’imposer des provisions contra-cycliques afin de se prémunir d’un retournement. Par ailleurs, la notation financière doit être revue ; les échanges sur certains marchés dérivés doivent être davantage surveillés ; et enfin la dimension internationale des activités financières nécessite une meilleure coopération entre régulateurs nationaux si possible au sein d’une institution multilatérale type FMI ou BRI (Banque des Règlements Internationaux).

Toujours concernant la politique économique de Sarkozy. Comment analysez-vous son plan de relance ?

 Le plan de relance est clairement insuffisant. Les priorités ont été bien ciblées, mais tandis que les aides sectorielles auront des effets marginaux, les investissements publics prendront vraisemblablement du temps à être mis en œuvre. La nécessité de booster la consommation est immédiate, et à cet égard l’envoi d’un chèque aux ménages (sous forme de baisses d’impôts ou de TVA...) aurait certainement eu l’effet escompté. Les rumeurs font état d’un second plan, celui-ci doit le plus rapidement possible être mis en place.

Est-ce que l’on peut dire que Sarkozy fait t-il du keynésianisme ?

 Le monde a quelque part récemment redécouvert Keynes, même s’il n’a jamais été totalement oublié. Sous les bonnes conditions, ses prescriptions sont encore d’actualité. Dans la mesure où la crise économique actuelle correspond à un effondrement de la demande, et que la politique monétaire est presque inopérante (les Etats-Unis, et le Royaume Uni sont déjà dans une trappe à liquidité - l’approvisionnement de liquidités sur les marchés financiers est thésaurisé et non transformé en nouveaux crédits - L’Europe y sera bientôt), le seul moyen d’éviter la déflation est de recourir au stimulus budgétaire comme le prescrivait Keynes.

Plus d’un an après son lancement, quel bilan peut-on tirer du paquet fiscal ? Nous a-t-il coupé toute marge de manœuvre comme l’évoquait Michel Sapin ?

 Les effets des heures supplémentaires sont techniquement difficiles à mesurer. Cependant, les études réalisées tendent à converger vers au mieux un effet qu’on pourrait qualifier de modeste. Les autres mesures du paquet fiscal (déductibilité des intérêts d’emprunts, allègement des droits de succession...) ont également eu peu d’effets. Il est manifeste que ces fonds auraient pu être mieux utilisés.

Croyez-vous à la croissance verte évoquée par Jean-Louis Borloo ?

La croissance verte est un enjeu majeur d’aujourd’hui. Il est à mes yeux, tout à fait concevable de concilier dans les économies développées croissance économique et conservation de l’environnement. Une politique environnementale cohérente doit s’établir sur deux niveaux : d’abord la fiscalité doit inciter les ménages à se diriger vers une consommation écologique (installations de panneaux solaires, achats de voitures peu consommatrices...) ; d’un autre coté il est nécessaire de taxer ou bien de faire payer (via un marché de permis d’émission comme le système de quotas européen) les entreprises les plus polluantes. Malheureusement, les ordres de grandeur n’y sont pas dans le premier cas et dans le second cas les choses progressent, notamment en Europe, mais à petit pas (en atteste le dernier accord arraché comportant beaucoup trop d’exceptions). Une telle politique de réductions d’émissions de CO² des industries ne peut être réalisée que dans un cadre international.

En effet, il faut absolument que la conférence de Copenhague de 2009 débouche sur des engagements forts pour l’après 2012 (date à laquelle prendra fin le protocole de Kyoto). La réduction des émissions de CO² à terme ne pourra s’amorcer qu’a partir du moment où les engagements seront pris sur un horizon suffisamment long pour que les entreprises adaptent leur appareil productif. Par ailleurs, il faudra cette fois-ci l’accord des Etats-Unis et des principaux pays émergents afin d’éviter que l’argument sur la compétitivité des industries nationales ne soit brandit et bloque tout accord.

Quel regard portez-vous sur la situation actuelle des banques françaises ? A court terme, sont-elles encore en danger ?

Les banques françaises ont, comme toutes les autres banques des économies développées, participé à la grande fête de ces dernières années. Les bilans des pôles investissement de nos grands groupes bancaires sont ainsi truffés d’actifs toxiques. Cependant, les banques françaises ont d’un coté peu titrisé (elles ont seulement acheté des ABS) et ont, d’un autre coté conservé un modèle de banque universelle davantage axé sur la banque de détail (environ 50 à 70% du produit net bancaire en fonction des banques), ce qui leur a permis d’amortir le choc.

L’intervention de l’Etat plutôt bien ficelé tant dans la garantie des dépôts, des prêts interbancaires que dans la possibilité de recapitaliser, laisse penser que la situation ne devrait pas empirer même si le marché immobilier américain, origine de tous les maux, n’a pas encore trouvé de plancher à sa chute.

Comment expliquez les résultats de plus en plus catastrophiques du commerce extérieur français ? Notre appareil productif court-il à sa perte ?

 Il convient d’abord de rappeler que la balance commerciale n’est pas nécessairement un signe de mauvaise santé d’une économie. Ce serait revenir à une logique mercantiliste qui considère que le commerce international est un jeu à somme nulle et ce n’est pas le cas. Les Etats-Unis ont connu une croissance économique très forte ces dernières années (sur des conditions certes peu saines) et une balance commerciale très largement déficitaire sans que l’on s’inquiète de la compétitivité de son appareil productif.

On oublie souvent une identité comptable fondamentale qui égalise l’écart entre exportations et importations avec l’écart entre épargne et investissement. Autrement dit, un déficit commercial peut s’expliquer des deux cotés de l’identité. Ainsi, si une économie croit à une vitesse telle que l’investissement est nettement supérieur à l’épargne domestique, celle-ci se trouve dans l’obligations de rechercher des financements extérieurs (sous forme d’IDE, emprunts sur les marchés internationaux de capitaux...) et se traduira donc par une entrée nette de capitaux et par un déficit commercial (c’est ainsi que de nombreux pays de l’Est et baltiques ont enregistré des déficits commerciaux de l’ordre de 15 à 20% du PIB - le déficit français devrait être autour de 3% fin 2008). Une économie peut disposer d’un déficit commercial simplement parce qu’elle consomme beaucoup. Tant qu’elle parvient à trouver les financements pour continuer à financer ce surcroit de consommation, il y’a aucun problème.

Un déficit commercial peut également s’expliquer effectivement par une moindre compétitivité de l’appareil productif, mais aussi par la facture pétrolière. Bref un déficit commercial peut donc refléter des réalités très diverses et pas nécessairement négative.

Cela étant dit, qu’en est-il du cas français ? Et bien, rappelons que la France était en 2007 le troisième pays receveur d’IDE dans le monde (derrière les Etats-Unis et l’Angleterre), que la dette publique française se vend très bien sur les marchés internationaux, et enfin que les prises de participations étrangères dans le capital des entreprises françaises sont massives. A cela, s’ajoute le rapatriement des revenus des entreprises françaises implantées à l’étranger. Cette entrée de capitaux se traduit donc mécaniquement selon l’identité comptable par un déficit commercial.

Par ailleurs, une étude à paraître pour le CAE de Lionel Fontagné et Guillaume Gaulier, tous deux chercheurs au CEPII, ont analysé les performances récentes en matière de commerce extérieur de la France et L’Allemagne. Les conclusions sont très intéressantes. Le rapport notre que chaque part de marché perdu par la France est gagné 8 fois sur 10 par l’Allemagne, notamment ces dernières années. Comment cela s’explique t-il ? D’abord il existe une différence de stratégie commerciale majeure entre les champions nationaux des deux pays. En France, ceux-ci ont tendance à exporter à partir d’autres localisations que la France tandis que les grandes entreprises allemandes importent davantage de biens intermédiaires et semi finis pour les réexporter sous formes de biens finaux. La France est tout simplement à un autre stade d’exportation. Cependant, la deuxième conclusion forte des auteurs est que les entreprises moyennes sont effectivement bien moins performantes et moins nombreuses que les grandes PME allemandes. Les compromis salariaux réalisés en Allemagne ont induit une meilleure compétitivité coût en même temps que la stratégie d’outsourcing permettait de maintenir en Allemagne les unités de production. Il est important de noter qu’une telle stratégie s’apparente à une désinflation compétitive et donc à une politique non coopérative au sein de l’UE. En résumé, le déficit extérieur français reflète deux réalités et il n’est pas encore temps de crier au déclin de l’appareil productif surtout lorsqu’un pays comme la France est importateur net de pétrole et de gaz.

Au sortir de cette crise, doit-on craindre une faillite de l’Etat sachant que nos budgets publics sont déjà parmi les plus déficitaires des pays développés ? Dans l’avenir, la France pourra telle encore conserver son exemplarité sociale ?

 La dette actuelle reste raisonnable au regard des standards des économies développées (en 2007, la France se situait a peu près au même niveau que les Etats-Unis, le Canada ou l’Allemagne, et se trouvait encore bien loin de l’Italie ou même du Japon). Les marchés ne semblent guère inquiétés de l’état des finances publiques au regard de la facilité avec laquelle l’Etat français parvient à vendre ses obligations d’Etat. Ces mêmes marchés ont à peine sourcillé lorsque le gouvernement a annoncé le plan de sauvetage des banques, et maintenant celui de relance. Les taux sur les bons du Trésor français ont même chuté en raison de la fuite des investisseurs vers les actifs sans risque. Le problème des retraites et des dépenses de maladie pèseront certainement sur les finances de l’Etat mais nous sommes très loin de la faillite.

Pensez-vous comme Jean Peyrelevade qu’au sortir de la crise, la solution pour rétablir les finances publiques passera non par la taxation des entreprises mais des français, les plus aisés ?

Il n’existe aucune solution idéale pour diminuer la dette publique. Celle proposée par Jean Peyrelevade a ses avantages et ses défauts, notamment dans le fait les ménages les plus aisés sont aussi ceux qui parviennent le plus aisément à contourner la pression fiscale.

Quel regard portez-vous sur le plan de relance européen ? Ne manque t-il pas d’ambition ? Et peut-il être efficace en l’absence de l’Allemagne ?

 Il n’existe pas de plan de relance européen puisque la politique budgétaire est du domaine du souverain. La commission européenne a simplement proposé que l’ensemble des Etats dépense environ 1,5% du PIB européen, ce qui n’est certes pas négligeable mais certainement insuffisant. En revanche l’idée de coordonner les plans de relance est fondamental afin d’éviter le free riding. Si par exemple tous les pays en dehors de l’Allemagne implémentaient un plan de relance, cette dernière en bénéficierait pleinement (via les exportations) sans en supporter les coûts. De plus, le fait le booster la consommation de la plus grande économie européenne augmentera significativement l’effet global sur l’ensemble de l’UE.

La solution d’un vaste emprunt à l’échelle européenne tel qu’il était évoqué par Bayrou serait-il une bonne solution ?

Pourquoi pas, mais les modalités sont difficiles à mettre en place. Par exemple, si le taux d’emprunt sur les marchés est supérieur à celui qui aurait prévalu pour un Etat seul (par exemple, l’Allemagne), comment fait-on ? Cela me parait compliqué. Un plan de relance coordonné aurait les mêmes effets. L’intérêt d’un tel emprunt se situe davantage dans la dimension politique.

On a vu avec lors de la visite du Dalai Lama en France, ressurgir les menaces économiques de la Chine. Ce pays peut-il se permettre de se passer de l’Europe économiquement et de la France en particulier ? Le régime politique chinois n’est-il pas le régime qui joue le plus gros dans cette crise économique ?

 Les liens commerciaux entre l’UE et la Chine sont importants. La Chine était en 2007 le deuxième partenaire commerciale de l’UE (environ 11,4% des échanges extérieurs) tandis qu’environ 15% des exportations chinoises sont dirigés vers l’UE. Bref, tout le monde serait perdant dans une guerre commerciale. Dans le cas particulier de la France, celle-ci exporte assez peu en Chine donc un boycott aurait un effet très modeste sur l’économie française.

Sur la dernière partie de votre réponse, je ne suis pas spécialement le mieux placé pour en discuter mais je ne vois a priori pas en quoi le régime chinois joue t-il gros sur cette crise. Le ralentissement (la croissance est estimée à 7,5% pour cette année et passera à 6% l’an prochain ce qui correspond à sérieux ralentissement au regard des standards chinois) provoquera probablement des désordres sociaux mais ne serons sans doute pas de nature à le remettre en cause le régime actuel.

Les pays émergents sont-ils touchés par la crise actuelle et de quelle manière ?

 Les économies émergentes ont sérieusement été touchées par le processus de-leveraging à partir de la fin septembre. Les investisseurs occidentaux ont massivement débouclé leurs positions dans tout ce qui était considéré à leurs yeux comme risqué, c’est-à-dire, à ce moment là, à peu près tout hors obligations d’Etat des pays développés. Des pays pourtant solides comme le Mexique ou le Brésil ont subit des retraits massifs de capitaux.

Les économies particulièrement leveragées (c’est-à-dire finançant massivement leur rapide croissance économique en empruntant à l’extérieur) comme l’Ukraine, la Turquie ou la Hongrie ont été les plus atteintes. La Hongrie a du sécuriser une ligne du FMI afin d’éviter un défaut sur sa balance de paiement, et d’autre comme l’Ukraine et la Turquie tentent de faire de même pour l’année 2009. La situation est particulièrement inquiétante en Ukraine où un retrait des dépôts en monnaie locale pour les convertir en dollar semble se mettre en place. Ce retrait est pour l’instant modéré mais pourrait s’accélérer dans les mois à venir.

Les autres économies très tournées sur l’exportation (Corée du Sud, Chine, Russie…) sont également touchés par l’effondrement de la demande mondiale et par la chute du prix des matières premières (notamment dans le cas russe). Un cas reste à part, c’est l’Argentine dont la politique économique populiste inquiétait depuis quelques mois déjà les investisseurs internationaux. La baisse brutale du prix des matières premières est venu grever (les recettes d’exportations constituent une part très élevé des recettes totales de l’Etat) un budget gouvernemental déjà fragile. La dette publique est conséquente, et les besoins de financement seront difficiles à boucler l’année prochaine de telle sorte qu’un nouveau défaut sur la dette publique argentine n’est pas à exclure.

Enfin l’impact des attentats terroristes qui ont touché Bombay auront-ils le même écho en Inde qu’aux Etats-Unis après le 11 septembre ?

Il est probable que le secteur touristique, comptant pour une part importante de l’activité en Inde soit touché dans les prochains mois, renforçant un processus de ralentissement déjà enclenché par l’extension de la crise financière. Mais les proportions ne seront certainement pas comparables. Les conséquences seront davantage politiques (tensions avec le voisin pakistanais). Il convient également de rappeler que le 11 Septembre n’avait fait que renforcer des troubles déjà présents après l’éclatement de la bulle Internet.


Mancioday


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