Sociétés cigales ou entreprises fourmis
Notre pays est confronté depuis des années à des tensions et forces contradictoires. D’un côté l’inertie et l’attentisme d’une société encore marquée par ses origines rurales et qui aime à laisser « du temps au temps » et de l’autre une économie globalisée, nerveuse et rapide qui exige d’excellents reflex et des prises de décision rapide et expertes.
Il en est ainsi de la formation professionnelle. Si la nécessité de déployer largement la formation pour tous les travailleurs (qui doivent assumer leur entrée dans la société de la connaissance et de l’information) fait consensus (partenaires sociaux, pouvoirs publics, professionnels de la formation), cette entrée dès lors qu’il faut la rendre effective et assurer le réel déploiement d’une politique formation bienveillante et généralisée, cette volonté pose problème à toutes les organisations (entreprises comme administrations)
Déchirées entre leur volonté de préserver leurs habitudes tout en comprimant leurs coûts (la crise est là) les grandes organisations, qu’elles soient privées comme publiques, ne parviennent pas à préparer l’avenir, à investir dans les activités innovantes qui leur permettront de rebondir tout en préservant savoir faire et compétences. Innover c’est tout à la fois investir, accepter de déployer certains budgets mais aussi arbitrer entre le court terme (forcement envahissant) et le long terme (forcement lointain). Ne plus se contenter de gérer le quotidien semble hors de force pour nombre d’organisations.
Lors des précédentes crises (et il y a une mémoire de la crise) elles avaient tendance à comprimer sur 3 postes qui étaient devenaient élastiques et pouvaient tenir lieu de soupapes :
- La formation (car former les personnes ne se voient pas tout de suite)
- La communication (pourquoi communiquer sur quoi communiquer quant tout va mal)
- La maintenance (pourquoi prévenir alors qu’on a plus les budgets ?)
En gros on arme un paquebot mais on ne l’entretient pas, on lui retire ses moyens de communication et on met à la barre un total débutant qui devra naviguer au mieux entre les récifs et les épaves de navires coulés (les concurrents).
Ces « économies » pouvaient sans doute être envisagées lors des crises précédentes quand il s’agissait de se mettre à l’abri, de faire le gros dos en attendant la reprise normale du cours des affaires. Mais la crise que nous vivons n’est pas conjoncturelle, elle va durablement affecter nos modes de vies, nos façons de produire, nos manières de consommer. Les organisations qui ne préparent pas ces changements (il faudra peut être oublier un siècle d’industrialisation et de modèle taylorien) ne pourront rebondir, innover et inventer les nouveaux services et produits que réclameront les marchés en 2010 ou plus tard quand la crise aura été digérée.
Maintenir coûte que coûte (et à crédit) notre statu quo économique et d’apprentissage est devenu très dangereux et il va bien falloir que nous sortions de nos conformismes afin d’aider les travailleurs à comprendre et à se reconstruire pour survivre économiquement à cette crise.
Didier Cozin auteur des ouvrages "histoire de DIF" et Reflex DIF publiés aux éditions Arnaud Franel