vendredi 22 février 2008 - par Franz

Taxi en monopole, taxi à la demande, taxi libéré !

Le monopole des taxis a été imposé par l’État et sa suppression directe serait injuste pour les artisans taxi. Mais il est possible de libéraliser l’offre de transport en autorisant les taxis à la demande (uniquement sur commande) tout en préservant le monopole de la prise de clientèle sur la voie publique.

La reculade de l’exécutif sur la réforme de la profession d’artisan taxi impose de rappeler le principe constitutionnel de liberté d’entreprendre, que cela plaise ou non aux colbertistes de droite et aux étatistes de gauche.

Ce fut une des conquêtes de la Révolution française que de mettre fin aux corporatismes. Sous l’Ancien Régime, il était interdit d’exercer une profession sans y être autorisé par la corporation considérée. Ainsi un cordonnier qui se mettait à fabriquer des clous était poursuivi par la corporation des cloutiers. Le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791 (repris dans la loi Le Chapelier le 17 juin de la même année) met fin au monopole des corporations et pose en principe la liberté d’exercice des arts et métiers en ces termes : « Il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouve bon ». Début de la liberté économique et d’une croissance ininterrompue depuis.

Ce fut le cas du transport de personnes. Dans les années 20, Paris comptait 25 000 libres artisans taxi. Aujourd’hui, on en compte 15 500 seulement, alors que la population parisienne a augmenté. Que s’est-il passé ? Entre-temps, un corporatisme a été restauré en 1937, par Max Dormoy, ministre de l’Intérieur du Front populaire, qui décide de réserver à 14 000 taxis le « monopole de la plaque » : les seuls pouvant stationner sur la voie publique en attente de la clientèle.

Cette mesure protectionniste avait été prise au sortir de la crise des années 30, à titre exceptionnel, pour sauver la profession et augmenter les prix. Le problème est qu’elle a été maintenue après la sortie de crise. La justification de ce monopole n’est donc plus actuelle.

Et son existence même semble inconstitutionnelle : la liberté « d’exercer telle profession, art ou métier » est depuis 1982 érigée en principe constitutionnel (arrêt du 16 janvier 1982 : http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1981/81132dc.htm). Et rien ne permet de la supprimer sinon des considérations d’intérêt public.

Où est aujourd’hui l’intérêt public ? Comparons avec les autres métropoles : New York connaît 60 000 taxis et Londres 70 000 taxis. Paris 15 500 taxis. Il y a donc clairement un déficit en offre de transport des personnes. L’intérêt public commande d’augmenter le nombre de taxis, donc de libéraliser.

« Ah, mais attention ! », dira la corporation des taxis, « Dans ces chiffres, il y a des taxis ET des voitures de petites remises ! ». Tiens, « voitures de petites remise », qu’est-ce donc ? Ce sont des taxis à la commande : interdit de les héler dans la rue, il faut les appeler. Du transport à la demande. Avec négociation du nombre de passagers et du prix de la course.

Voilà peut-être la solution : laissons aux taxis le monopole de prise en charge dans la rue - ce qui est juste au regard des investissements individuels imposés par l’Etat pour l’acquisition de leur licence, une sorte de respect des droits acquis -, et autorisons immédiatement le libre exercice des « taxis à la demande » pour combler le déficit de transport de personnes avec pour seule condition l’obtention du certificat d’aptitude d’artisan taxi et une déclaration en préfecture.

Et, en rêvant un peu, on pourrait imaginer que ces nouveaux taxis "à la demande" doivent être des véhicules hybrides...

Outre le respect de liberté « d’exercer telle profession, art ou métier », les taxis à la demande permettront de créer des emplois, de satisfaire l’impérieuse liberté de déplacement et de limiter la circulation des automobiles individuelles dans les villes.

Franz Vasseur

Avocat au barreau de Paris

www.vasseur.eu - www.democratix.com



12 réactions


  • tvargentine.com lerma 22 février 2008 10:50

    Soyons réaliste,car la mafia des taxis existent bien et rien que sur le Parvis de la Défense ,vous constaterez un curieux manége de "taxis" qui refusent des courses ,alors qu’ils disposent des "autorisations pour se garer sur la place reservée aux taxis.

    Sans parler des "courses" exotiques (les chemins les plus longs,le conducteur avec un acent de clandestin,la course facturée au prix fort.....")

    A quand de vrais contrôles et des interdictions ??????

     


    • Dewey 22 février 2008 21:44

      Pourriez vous nous expliquer en quoi l’accent d’un "clandestin" diffère d’un autre ? Vous confondez peut-être avec les Savoyards ou les Lillois...


  • Asp Explorer Asp Explorer 22 février 2008 11:22

    Entre l’artisan-taxi légitimement attaché à la défense de son numérus clausus chèrement acquis et le salaud de prof qui réclame encore plus de fric au pauvre contribuable qui n’en peut plus, quelle est la différence ?

     

    L’un gagne sa grève, l’autre la perd.

     

    Ah, et puis aussi, l’un vote Sarko, l’autre non.


    • sacado 22 février 2008 16:58

      Eh oui : devinez qui a voté pour la libéralisation, pour la liberté d’entreprendre, pour l’abolition des privilièges acquis par certains et contre les grèves qui bloquent le pays ?


    • Pak 23 février 2008 15:33

      Le "tous dans le même sac" n’est pas acceptable. Pourquoi les taxi ou les profs voteraient-il tous pour une formation ? La solution préconisée semble intelligente à première vue. On pourrait imaginer de l’accompagner d’une décroissance du coût de la plaque en préfecture de 5% par an par exemple ...


  • Dark-Vador Dark-Vador 22 février 2008 19:14

    Ce fut une des conquêtes de la Révolution française que de mettre fin aux corporatismes.

    mais il est vrai qu’aujourdh’ui on guillotine moins ! quelques taxis qu’ on pourrait passer a la charette !


  • eric 22 février 2008 19:36

    Enfin un article intéressant, informatif et constructif !Il ne susitera donc que peu de réactions..


  • wiztricks 22 février 2008 21:17

    On peut penser toujours penser qu’un tel privilège doit être aboli.

    Ceci dit pour le chauffeur de taxi, la licence est un fond de commerce sur lequel il compte pour améliorer sa maigre retraite de profession libérale. La question est "comment" abolir ce privilège sans mettre ces gens là dans une m... noire.

    A défaut de réponse, normal qu’ils se retrouvent dans la rue.

    D’autant que le nombre moyen de courses qu’ils effectuent est trop faible pour qu’ils voient d’un bon oeil une augmentation de leur nombre. Ceci dit, c’est la préfecture de police qui contrôle le nombre de licence en circulation. 600 licences ont été crées depuis 2002.

    La question est de savoir si le nombre de taxi est un problème d’offre - il faut les augmenter - ou de demande - tant que nous fonctionnons ainsi, nous ne prendrons pas plus souvent de taxi.

    Ceci dit en région parisienne, le gros soucis est d’abord de pouvoir circuler !

    - W

     

     


  • Marc Bruxman 22 février 2008 21:46

    Il y a plus simple : Il est possible de rembourser les plaques aux artisans taxis !

    Si j’ai bien suivi y’en a pour 5 Milliards de plaques (soit 1 Kerviel).

    L’Etat ne peut pas sortir ca en un coup car il est en faillite. Ca je les pigé aussi.

    Mais :

    • L’Etat peut étaler le remboursement des plaques sur 10 ans. Cela fait 500 Millions par ans à sortir.
    • On prévoit une clause qui permet aux chauffeurs qui atteigne l’age de la retraite de demander le remboursement immédiat de leur plaque. C’est une question de justice.
    • La libéralisation crée des emplois. En imaginant qu’elle n’en crée que 5000 (ce qui n’est pas énorme je dois être en dessous) et que les gens aux assedics qui pourraient devenir taxi touchent 1000 €/Mois en moyenne, cela fait déja 60 Millions par an de récupéré. Mais comme ces gens se mettent du même coup à payer des charges sociales et ne touchent plus plein d’allocs diverses et variées vous pouvez obtenir un truc comme 120M d’économies. Et ce sans compter sur les créations d’emplois indirectes (achat de bagnoles pour leur business, hausse du pouvoir d’achat des chauffeurs qui retrouvent l’argent de leur plaque). Si l’on rajoutes 1000 emplois indirects, cela fait 24 Millions de gagné. Reste donc 356 Millions à trouver par an.
    • Vous offrez un service de meilleure qualité dans les grandes villes ce qui dope légérement l’économie quand on sait à quel point les transports peuvent être un goulot d’étranglement dans des villes comme Paris. La encore, emploi crée charges engrangées.
    • Si avec 10 ans cela ne marche toujours pas, étalez le remboursement sur 15 ans ou 20 ans. Vous allez assez vite atteindre le point "break even" ou le juste remboursement de ce qui est du au chauffeur ne coute plus rien à l’état pendant toute la durée du remboursement et lui rapporte après. Et de toute facon, regardez tout ce qui est gaspillé dans des plans "pêche" ou "agriculture" ou "industrie en train de couler" alors que l’on sait très bien que l’on fait juste retarder l’inéluctable. Pour une fois il faut que l’état investisse utile ! Pour libérer les gens.

    Et la même chose est vrai pour les autres professions régulées. Tenez par exemple le cas des boites de nuit. Qui sait combien d’emploi créerait un toilletage de la législation ? La libéralisation totale serait un bienfait énorme pour l’ascenseur social et pourrait en peu de temps assurer un quasi plein emploi.

     


    • Franz Franz 23 février 2008 00:46

      Pas mal comme plan ! Pour ma part, j’estimais un remboursement des plaques parisiennes à environ 2 MD €. Votre démarche est contructive. il faudrait chiffrer correctement. Pourquoi pas, ma foi...

       

       


    • fillaam 23 février 2008 11:06

      Tu n’est pas sur "Désir d’avenir" ici, alors tes propositions tu te les gardes... Ici on gueule et on critique, mais on ne construit pas.

      Non blague à part, je suis 100% d’accord avec ta proposition et pour une fois celle de leur président. C’est tellement simple à mettre en oeuvre : remboursement par les nouveaux venus, comme une rente mensuelle pour dédommager les anciens. Dommage que leur président est abandonné en route, sans doute les lobbyistes lui ont promis des courses gratuites...

      Les taxis ont la mémoire courte et ne se souviennent pas de la galère par laquelle ils sont passés. La bienveillance et la sagesse paternelle voudrait qu’ils se disent que la jeunesse d’aujourd’hui ne doit pas subir les mêmes galères, elle qui est déjà en proie au chômage. Mais cette belle initiative est gâchée par l’individualisme de masse et le lobbying patent.

      PS : A AgoraVox, à quand un système de solution ou de proposition de loi jugée en fonction de leur valeur, avec argumentaire pour/contre ? En gros la même chose que les commentaires, version proposition/loi. Ca ferait d’AgoraVox un vivier de de bonnes idées (et Dieu sait qu’il y en a sur ce site) qui ne seraient pas perdu dans les centaines de commentaires. Des sortes de Agora-doléances...ou d’Agora-Loi... OK, je sors !


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