lundi 25 février 2013 - par L.F.

Taylor et sa critique de la politique économique européene

La lettre du PDG de Titan, ce plaisant Mr. Taylor, est tombée cette semaine comme un pavé dans la mare, le paragraphe délirant qui présente les salariés français comme des fainéants surpayés focalisant l'attention médiatique et déclenchant une juste indignation. Mais, si ce passage est sûrement le plus inadmissible et le plus ridicule, il n'est certainement pas le plus intéressant. Le plus intéressant dans cette lettre, c'est le passage où Taylor critique la politique économique de l'Union Européene.

Mais laissons parler le texte :

« Vous êtes un homme politique et vous ne voulez pas faire de vagues. Les chinois livrent des pneus en France - en fait dans toute l'Europe – et vous ne faites rien. Le gouvernement chinois subventionne tous les producteurs de pneus. Dans cinq ans, Michelin ne sera plus capable de produire des pneus en France. »

Ces quatre phrases reprennent autant d'arguments contre la construction européen telle qu'elle est (et non la construction européene en tant que telle, je préfère m'éviter tout de suite quelques accusations de nationalisme, racisme, etc) :

 

« Vous êtes un homme politique et vous ne voulez pas faire de vagues ».

C'est malheureusement vrai, critiquer l'Union Européene c'est se vouer aux gémonies politiques et médiatiques pour des mois : tout ce que ne cherche pas un homme politique.

 

« Les chinois livrent des pneus en France – en fait dans toute l'Europe – et vous ne faites rien. ».

On nous a vanté les mérites de la division internationale du travail, avec les pays-ateliers (avec au premier rang la Chine), les pays producteurs de matières premières (en Afrique notamment) et les pays de services (ça c'est nous). Mais il faut en accepter les conséquences : le démantèlement de l'appareil industriel des pays développés.

Nos élites ont applaudi à deux mains à la mondialisation. L'Union Européene est le meilleur défenseur de ce processus : après avoir détruit toute frontière entre ses pays membre, elle passe des accords de libre-échange bilatéraux avec de plus en plus de pays ( pour preuve le projet de lire-échange avec les Etats-Unis ). A terme, l'Union sera ainsi un marché absolument ouvert : le rêve de tout apôtre de la mondialisation. Donc, oui, elle ne fait rien pour empêcher les chinois de livrer des pneus en Europe et donc en France. Il ne faut donc pas s'étonner si les usines ferment, et si des PDG de grands groupes comme Titan qui ne cherchent rien d'autres que le profit (car, hors du monde des bisounours, on ne peut rien attendre de plus de leur part ) préfèrent investir dans des pays où la production leur coûtera moins cher (du fait de coûts salariaux mais aussi environnementaux, de sécurité, etc, plus élevés), du fait de l'absence de tarifs douaniers qui compenserait ces différences de coût.

 

« Le gouvernement chinois subventionne tous les producteurs de pneus. »

Oui, les autres grandes puissances comme la Chine (mais aussi les Etats-Unis, le Japon, etc) soutiennent leur économie. Par des subventions, mais aussi par la politique douanière (protectionnisme), monétaire (tous cherchent à baisser la valeur de leur monnaie pour améliorer leur compétitivité-prix sans avoir à pressurer les salaires et donc la demande intérieure) et budgétaire (via les politiques keynésiennes de relance par l'investissement public).

Mais, si ça marche, faisons de même ! Impossible : l'Europe nous en empêche. La politique douanière est impossible avec une Comission libre-échangiste, l'utilisation de la monnaie pour endiguer la crise est impossible avec une Banque Centrale cantonnée à la lutte contre l'inflation, la relance budgétaire est impossible avec le cadre étroit imposé aux finances publiques avec le semestre européen, le TSCG, etc.

Autrement dit : nous n'avons pas les même armes que les autres. Car ne nous voilons pas la face : cette économie mondialisée, c'est un combat. Economique certes, mais ça reste un combat : le combat de cette géniale libre concurrence, sensée nous apporter la prospérité.

 

« Dans cinq ans, Michelin ne sera plus capable de produire des pneus en France ».

La conséquence de ce qui précède : destruction des emplois industriels. Malheureusement, pas besoin de développer tant cette triste vérité est régulièrement démontrée par une énième fermeture d'usine.

 

Loin de moi l'idée de m'identifier à la pensée de Taylor (et encore moins à sa lettre). Mais je souscris à son analyse sur le fait que l'industrie française est abandonnée dans une lutte inégale, non pas du fait de son infériorité, mais du fait qu'elle est face à des industries qui elles sont soutenues par une Etat volontariste.

Mais changer cet état de fait nécessite une hérésie, que l'élite ne semble décidément pas prête à accepter : commencer par dire que l'Europe telle qu'elle a été faite est un échec.

Une fois cela fait, on pourra enfin la repenser.

 



10 réactions


  • robin 25 février 2013 11:41

    La façon dont un PDG de 2e zone comme Taylor se permet de parler à un représentant d’un gouvernement comme celui de la France en dit plus sur l’absence de crédibilité de nos politicards que tout autre évènement.


  • Yvance77 25 février 2013 11:52

    Salut,

    Ce rapace, carnassier dents blanches vise au moins sur ce point dans le mille. Et la solution il se garde bien de la donner.

    Faire comme fait son pays dans de nombreux secteurs : agir en protection du marché intérieur (et pour nous européen).

    Toues les grands dirigeants connaissent le problème majeur du marché mondialisé unique, celui du moins disant social et ils tournent tous la tête ailleurs, bien là-haut dans les étoiles.

    La partie risque de se terminer bientôt, car quand des millions de personnes en Europe ou chez eux vont commencer à avoir faim et tous les jours, cela saignera !


  • 1871-paris 1871-paris 25 février 2013 13:26

    l exemple du fournisseur d Apple foxcom s installant au bresil pour eviter les majorations douanieres, n est malheureusement jamais repris politiquement ici !


  • wesson wesson 25 février 2013 14:21

    Bonjour l’auteur, votre analyse est hélas juste. Tout juste dois-je concéder au gouvernement actuel d’avoir au moins pris conscience du problème.


    Car c’est vrai que sous Sarkozy, nous n’aurions pas reçu une telle lettre, car en lieu et place du redressement productif de la France, nous aurions eu un débat sur quelques sujets religieux bien stigmatisant, mais sans réelle importance.

    Voir le gouvernement consacrer un ministère au redressement industriel de la France, c’est à mon sens la seule chose positive que je concède pour le gouvernement Hollande. Encore faut-il maintenant sérieusement passer aux actes, notamment en se délivrant du carcan qui nous empêche objectivement de le faire. Mais effectivement, cela ne pourra se faire que avec un préalable : bazarder tout les traités européens depuis 2005 - car ils sont illégitimes.

  • escoe 25 février 2013 16:42

    Ce Monsieur Taylor, républicain extrémiste du Tea Party, ferait mieux de s’occuper de la déglingue généralisée des infrastructures et de l’industrie dans son pays.


  • Le421... Refuznik !! Le421 25 février 2013 20:37

    Vous direz ce que vous voulez, Taylor ne fait qu’exprimer au grand jour ce que les dirigeants et patrons veulent de nos jours.
    C’est un retour simple aux fondamentaux. L’exploitation, limite esclavage qui serait une fin souhaitable, car aboutissement du processus, la concurrence à tout prix, le profit réservé à l’élite, la lutte des classes pour résumer le tout.
    Il est temps de se réveiller. Nous nous sommes fait endormir avec les I-phone et tout le reste.
    Réveillons-nous les amis. Vite !!


  • escoe 26 février 2013 09:06

    C’est un retour simple aux fondamentaux. L’exploitation, limite esclavage qui serait une fin souhaitable, car aboutissement du processus, la concurrence à tout prix, le profit réservé à l’élite, la lutte des classes pour résumer le tout


    Le retour à avant 1848 a été théorisé dans les think-tank conservateurs américains. Ce que nous voyons est l’application d’une feuille de route élaborée dans les années 60-70. Il est grand temps de se réveiller.

  • lechoux 5 mars 2013 17:30

    Quelle lettre !! Quel coup de frais dans le paysage médiatique actuel !! Merci à Monsieur Taylor.

    Aucun patron français n’est en mesure de critiquer ainsi les syndicats français et les employés qui séquestrent les entreprises, car ils se sont trop corrompus avec les syndicats d’employés et ils les ont trop corrompu.


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