jeudi 31 mai 2007 - par Jimd

Travail non qualifié : Smic, un outil à tout faire ?

Le Smic à 1500 euros ? C’est une évidence pour le Parti socialiste. L’augmentation du salaire minimum est-elle forcément une évidence ? Peut-on même poser cette question ?

Au-delà du débat sur le capitalisme et une alternative à ce système, nous nous trouvons dans une économie de marché dans laquelle le gouvernement intervient afin de compenser les inégalités de distribution de revenus. Il y a plusieurs façons d’intervenir et le débat est souvent idéologique. Je souhaite présenter ce débat en abordant le rôle du salaire minimum et la possibilité de solutions alternatives.

Deux grandes familles d’intervention :

- Les interventions post-marché. Le marché fonctionne et l’on utilise une taxation progressive associée à des transferts de redistribution afin de rendre les résultats du marche plus justes. C’est le cas de l‘impôt sur le revenu et des minima sociaux. Ce sont des interventions fiscales car présentes au budget de l’Etat. - Les interventions sur le marché pour modifier son fonctionnement. Un exemple est la mise en place d’un salaire minimum, qui est une intervention salariale

Un choix politique, idéologique, moral

Comment choisir entre ces types d’interventions ? Le salaire minimum est une intervention sur le fonctionnement du marché du travail. C’est une forme de prix plancher.

Pourquoi un salaire minimum ? Le salaire est lié à la productivité du travailleur et il n’y a aucune raison pour que la productivité des moins qualifiés induise un revenu suffisant pour vivre. Une intervention est donc nécessaire afin de permettre un revenu suffisant. Nous retenons en France une politique salariale qui intervient sur le marché.

Ce choix est en partie idéologique : utiliser le salaire minimum comme levier est en général associé à l’idée que le prix du travail, le salaire, n’est pas un prix comme les autres. Le salaire devrait être fixé sur des considérations de justice et d’équité et non d’offre et de demande. S’extraire des forces du marché n’aurait aucun effet négatif... Et souligner ces aspects négatifs est souvent associé à de l’extrémisme libéral.

Pourtant, d’autres solutions sont possibles, des actions fiscales qui permettraient le même revenu aux travailleurs moins qualifiés. Pourquoi augmenter le coût du travail non qualifié, ce qui va mettre certains travailleurs en dehors du marché de l’emploi ? Pourquoi ne pas utiliser un autre levier qui serait un levier post-marché en donnant à ces travailleurs un crédit d’impôt ou un impôt négatif ?

La réponse est à la fois d’ordre politique et idéologique

- Politique car un salaire minimum fait sortir le coût de la redistribution du budget de l’Etat. Beaucoup d’économistes vont donc soutenir le levier salarial plutôt qu’un levier fiscal pour cette raison. Nous avons donc un salaire minimum qui a un rôle de redistribution... Tout en excluant certains travailleurs non qualifiés du marché du travail.

- Idéologique, voire morale : Il y a une opposition à l’idée que les salaires soient des prix de marché. Certains verraient une prise en charge de cette redistribution par l’Etat sans passer par le Smic comme un cadeau fait aux employeurs. La réalité est bien sûr plus complexe car le marché est amoral par essence et cette amoralité ne peut être niée ou supprimée par la loi. La productivité et le salaire sont forcément liés et si l’on impose un salaire minimum au-delà de la productivité du travailleur non qualifié, cela va impacter négativement la décision d’embaucher.

Utiliser le Smic comme outil de redistribution ?

Le Smic est un outil extrêmement délicat à manier. Pour le travail non qualifié, le coût du travail joue beaucoup sur la demande d’emploi des entreprises. Une hausse du salaire minimum laissera des travailleurs non qualifiés en dehors du marché du travail.

Affirmer que la revalorisation du Smic n’est pas forcément une bonne chose pour les travailleurs non qualifiés est difficile sans une levée de boucliers et sans être taxé d’extrémiste libéral souhaitant uniquement augmenter les profits des patrons. Mais l’ultralibéralisme, si tant est que cela existe, c’est de laisser faire et de nier l’échec des mécanismes économiques traditionnels dans la redistribution du revenu vers les moins qualifiés et les plus pauvres. Je reconnais cet échec, et je reconnais le rôle essentiel de l’Etat. Je pense que le levier du Smic n’est pas optimum pour assurer un emploi aux non-qualifiés et leur assurer un revenu décent. Je suis proche des solutions proposées par l’économiste [Olivier Blanchard -> http://www.travail.gouv.fr/IMG/pdf/Olivier_BLANCHARD.pdf] qui met plus de poids sur les leviers jouant ‘post-marché’ pour assurer une redistribution :
- Un impôt négatif sur les revenus du travail
- Des cotisations faibles ou nulles sur les bas salaires
- Un salaire minimum bas, jouant le rôle d’ancre et n’étant donc pas le principal moyen de redistribution pour les travailleurs non qualifiés

Les solutions doivent êtres globales

Raisonner uniquement sur le Smic est réducteur, il est essentiel d’agrandir le cadre de la réflexion et d’intégrer la redistribution vers les chômeurs et la lutte contre la pauvreté. Cette vison globale est essentielle pour aider efficacement les plus pauvres et les moins qualifiés, éviter les effets de seuil en maintenant l’incitation à l’emploi. Olivier Blanchard (« Être de gauche n’est pas être ignorant », Libération, 8 janvier 2001) décrit les outils dont nous disposons :
- Un salaire minimum afin d’éviter des abus
- Un revenu minimum pour éviter les drames
- Un impôt négatif pour éviter les effets sur l’emploi.

À plus long terme, je rajouterai la formation, le reclassement, l’éducation.

La frontière du salarial (intervention sur le marché) et du fiscal (post-marché) doit tomber ([vacarme->http://www.vacarme.eu.org/article828.html]). Le Smic ne doit pas être un champ de bataille idéologique et ne doit pas être l’instrument principal de redistribution vers les moins qualifiés. Attention ! Le problème prend et va prendre une importance grandissante : les inégalités de produit marginal du travail augmentent car la globalisation et le progrès technologique introduisent un biais envers les plus qualifiés.



13 réactions


  • finael finael 31 mai 2007 14:06

    Vous parlez du SMIC en le mettant en relation avec le « travail non qualifié ».

    Cette relation est loin d’être une évidence : programmeur, Ingénieur systèmes et réseaux, concepteur et réalisateur de sites web, formateur, avec 26 ans d’expérience, je suis au SMIC.

    Mon cas est peut-être extrême, mais sachez que l’on embauche aujourd’hui des ingénieurs, des commerciaux, ... au SMIC.

    Et en quoi les solution d’Olivier Blanchard dont vous vous faites l’écho ne sont pas (fortement) idéologiques ?

    Pour le reste : « l’incitation à l’emploi » et autres syllogismes, qu’est-ce que cela signifie quand pour 200 à 400 000 postes (officiellement) non pourvus vous avez (toujours officiellement) plus de 2 millions de chômeurs, en fait plutôt 4 à 5 millions.


    • Jimd Jimd 31 mai 2007 15:58

      merci,

      le but du smic est d’etre le salaire le plus bas et donc devrait correspondre au travail le moins qualifie. le fait qu’une personne qualifie soit paye au smic peut demontrer l’echec de ce salaire qui va exclure les moins qualifie.

      les postes non pourvus sont plutot un chomage structurel lies a l’inadequation offre demande. la politique de minimas sociaux, d’impot negatif ou bien de salaire minimum n’est pas un levier pour lutter contre cette inadequation. cela va dependre de la mobilite geographique et professionnelle, de la formation...

      quant a l’ideologisme.... je ne fait pas de blanchard un hero mais je trouve interessant que l’on puisse etre un economiste de renom et accepter les echecs du marche et discuter de politiques interventionistes. Ce n’est pas la caricature souvent faite des economistes extremistes liberaux.


    • claude claude 31 mai 2007 16:03

      @ finael,

      j’ai un parcours semblable au vôtre... 3 diplômes niveau bac+ 2 (deug, dut et bts) le dernier ayant été passé à 50 ans pour compléter l’éventail de mes compétences... et je suis payée au smig, plutôt à moitié, car à cause d’une maladie chronique invalidante, je ne peux travailler qu’à mi-temps...

      et ils sont nombreux le gens comme nous, qui faute de trouver chaussure à leur pied, préfèrent le smig au chômage...

      bon courage smiley


    • jesuisunhommelibre jesuisunhommelibre 1er juin 2007 11:36

      @ Jimd Excellent article qui souligne les énormes défaut du SMIC.

      Le smic n’existe pas en Allemagne. Résultat les salaires sont globalement plus élevés. Au USA, il existe un salaire minimum (par état), mais il sont très bas. Résultat 5% seulement de la population (tout ages confondu) touche ce salaire contre 17% en France et la grosse majorité des moins de 25 ans.

      Enfin, le smic est la cause de cette monstruosité social qu’est le RMI : cette scandaleuse mise à la poubelle de la société de personne sous prétexte qu’elles ne correspondent pas aux normes de productivité dont tout les hérauts de la gauche sont si fiers. Cette course à la productivité causée par l’augmentation idéologique du smic (vous en expliquez bien le phénomène).

      La solution de baisser les charges sur les bas salaires risque de provoquer un effet de seuil.

      Seul, le reversement d’allocations (appelons ça impôts négatifs si vous le voulez) peut permettre de respecter les lois du marché tout en assurant a chacun (de façon permanente ou temporaire) de vivre.

      Comme toujours, les solutions libérales (pour mémoire une allocation minimum pour tous avait été proposé par Alian Madelin en 1995 !) sont les plus justes, en plus d’être les plus efficaces, et ne sacrifie pas les plus faible sur l’autel des bonnes consciences de gauche (comme les HLM et les ghettos, les interdiction d’expulsions et les cautions pharaoniques, le smic et la rigidité des contrats de travail et le chômage et la misère, et je pourrais continuer cette litanie ad nauseum).


    • Jimd Jimd 1er juin 2007 11:47

      je crois que le salaire minimum n’existe pas non plus dans certains pays nordique pourtant souvent montre en exemple pour leur justice sociale. je ne suis pas sur de quels pays il s’agit...desole pour le manque de precision.


  • faxtronic faxtronic 31 mai 2007 14:57

    2000 dollars pour un smic, c’est gentil, mais cela represente 14 dollars de l’heure, soit 2 a 3 fois plus que pour le meme travail aux USA. Personnellement cela aurait deux consequences importantes :
    - Plus aucun travail peu qualifié en France, donc de la misere en plus et necessairement plus de solidarité nationale
    - Une inflation assez enorme, impossible du fait de l’euros, et donc une augmentation du chomage
    - Un conflit avec ceux qui sont pas au smic, donc un plus grand nombre de smicards en france (les salaires non-smic ne seront pas revalorisé), donc une frustration de la classe moyenne, et donc le renversement de ton gouvernement de gauche aux prochaines elections pour un gouvernement de droite.

    Le PS doit eviter ce genre d’ecueil, et repenser sa politique sociale en pensant GLOBALEMENT, notre economie n’est pas isolée du reste du monde. C’est vraiment dommage que certain au PS pensent encore ala collectivisation et l’egalitarisme sans comprendre qu’il faut obligatoirement qu’une politique soit penser en termee globals pour qu’elle fonctionne a moyen et long terme. Plus de solidarité n’est pas une utopie, mais il ne faut pas que cela soit fait n’importe comment.


    • faxtronic faxtronic 31 mai 2007 15:02

      Si tu n’es pas qualifié en France, tu as trois solutions a moyen et court terme du fait de la mondialisation :

      - De qualifier et te former continuellement (quelque soit les moyens). Mais d’ailleurs tout le monde doit se former continuellement pour se considere qualifié, il est illusoire de se considerer qualifié une fois pour toute.

      - Te faire self-made-man (cela peut marcher mais c’est dur et hazardeux), mais par exemple tu peux ouvrir un commerce, ici en belgique il y a plein de night-shop, d’epicerie de nuit. Cela peut etre fait en France aussi, c’est vachement pratique.

      - Te suicider


  • iliaval iliaval 31 mai 2007 21:22

    Le SMIC n’est plus du tout le salaire des personnes non qualifiées, en France c’est le salaire de tout le monde dès qu’il y a plus d’offres que de demandes. Et puis, pourquoi les personnes non qualifiées, ne pourraient-elles avoir un salaire décent et donc, de quoi vivre ? Cette idée est assez révoltante. Personnellement, je crois que ces personnes-là s’en foutent royalement d’avoir un crédit d’impôt, ce qu’elles veulent, plus prosaïquement c’est juste bouffer...


    • Jimd Jimd 31 mai 2007 21:27

      je pense que nous sommes plutot d’accord. le smic devrait etre le salaire des personnes les moins qualifie car c’est le salaire le plus bas. Il faut ensuite que tout le monde mange et paye un loyer et il faut donc subventionner soit par un salaire minimum soit avec un credit d’impot. c’est le but de mon article, dire qu’il faut fournir de quoi vivre correctement pour tous et presenter les outils qui ont ma preference.


  • karg se 31 mai 2007 22:07

    D’accord en grande parti mais quelques pinaillage :

    L’impots négatif, la prime pour l’emploi, la subvention direct des bas salaires, c’est une idée defendu par E.Phelps, prix Nobel d’économie

    Sur l’idée de Blanchard de réduire les charges sur les bas salaires il faut remarquer qu’elles sont déja considérablement allégé, elles qu’elles ont un rôle non négligeable dans la smicardisation de la société :

    Cela coute moins cher d’embaucher deux ouvriers qu’un ingénieur, mais au final pour l’entreprise manquer de cerveau c’est aussi continuer la course à la compétitivité prix, donc c’est risqué.

    Il faut un peu sortir de cette course au baisse des charges qui fait que le cout du salaire est progressif, cela fausse le marché du travail à l’avantage des bas salaires, mais cela n’aide pas les entreprises à recruter des diplômés, cela même qui fuient à l’étranger.


  • Francis, agnotologue JL 1er juin 2007 11:32

    A Faxtronic, Vous avez oublié les trafics louches. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la « gangstérisation » de nos sociétés dont les deux piliers seront demain, les petits rackets illicites et les gros racket institutionnalisés (développement du capitalisme financier).

    On était sortis péniblement de la barbarie. La mondialisation libérale nous y renvoie.

    Puisque j’y suis, à Jmd : je trouve votre article très mauvais, désolé d’être si direct envers vous qui prenez toujours des gants pour répondre : l’article est mauvais sur la forme, mauvais sur le fond (vous avez déjà parlé de ce pb, mais vous y revenez obstinément). Manque de clarté, de synthèse, on cherche en vain le fil.

    Bon, je vais essayer d’être un peu plus constructif , vous dites : «  » le gouvernement intervient afin de compenser les inégalités de distribution de revenus. «  » Il vient d’être décidé d’étendre les mesures d’exonérations fiscale et sociale aux cadres et personnes à temps partiel. Ces dispositions accentuent le danger qui pèse sur la protection sociale et sur les finances publiques, en même temps qu’il aggrave les inégalités.

    Vous dites «  » il n’y a aucune raison pour que la productivité des moins qualifiés induise un revenu suffisant pour vivre«  ». C’est absurde, ça n’a aucun sens.

    Vous dites : «  » Le salaire devrait être fixé sur des considérations de justice et d’équité et non d’offre et de demande.«  » C’est votre coté gauchiste ? Pour moi c’est le contraire qui est vrai. Mais bien sûr, on est là en plein cœur de la contradiction du libéralisme : les actionnaires vivent du travail (et de la consommation) des travailleurs, mais sans gardes fous, ils finiront par tuer la poule aux œufs d’or (anti fordisme), puisque leur rapacité n’a d’égale que celle de leurs concurrents.

    Les considérations d’équité et le souci d’éviter les effets de seuil ne sont que pure hypocrisie dans un monde qui vit et produit des inégalités. La vérité c’est que toute intervention en faveur des plus démunis se traduit par une limitation des profits, et réciproquement. L’impôt négatif n’est ni plus ni moins qu’une machine dont les effets pervers dépassent, et de loin, tout ce que l’on a vu jusqu’ici.

    On peut en parler.


    • Jimd Jimd 1er juin 2007 11:45

      Merci d’etre direct JL. je prefere, ce n’est pas une question de prendre des gants ou pas, mais de dire honnetement ce que l’on pense meme si c’est dire que l’on n’aime pas.

      Sur vos differents points :

      - je ne fait pas reference au gouvernement actuel quand je souligne la necessite d’intervenir, c’etait un propos plus general.
      - je redis que la productivite d’une peronne non qualifiee ne permet pas forcement d’avoir un salaire pour vivre. pourquoi est ce absurde ? c’est justement la raison, le fondement d’une necessite d’intervention.
      - pour les consideration de justice et d’quite dans la determination du salaire. je dis que certains voudraient que ce soient ces considerations qui l’emporte. je pense que ce n’est pas possible, le marche etant amoral la productivite et le rapport offre et demande prime dans la determination du salaire.

      reconnaitre la necessite d’intervention n’est pas liberal, un economiste purement liberal serait pour le laissez faire. une autre solution est bien sur de casser le systeme mais pour mettre quoi ? donc dans ce systeme il faut mettre en place un systeme d’aide aux plus pauvres. je ne pense pas que ce soit de la bonne conscience. mon propos etait de donner mon avis sur les differents moyens d’intervenir et je comprends que l’on soit oppose a l’impot negatif, j’ai viste des sites (altermondialistes je crois, mais il y en a probablement d’autre) qui argumentent contre cet impot negatif. ce n’est pas mon avis. cela laisse donc l’outil du smic.... mais je ne suis pas de cet avis.


  • Maxime Combes Maxime Combes 1er juin 2007 15:02

    Olivier Blanchard, économiste de gauche ???

    Oui, oui, il a juste appelé à voter Sarkozy !

    Sinon, partir du présupposé que nombreux sont ceux qui voudraient faire carrière dans le chômage est un peu léger... et non démontré.

    D’autre part, pourquoi, pour quelles raisons fondamentales, et donc pas seulement économiques, ne pourrait-on pas vivre décemment de son travail ?

    Bonne journée

    http://eco-en-campagne.effraie.org/


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