Un monde de déséquilibres
Nous sommes tous concernés par cette crise mais nous en sommes également tous responsables, - emprunteurs, créanciers et régulateurs - , car nous avons tous cédé face à un sentiment trop humain, l’euphorie, comme nous capitulons tous actuellement face à la panique...En fait, - et c’est une des raisons fondamentales qui fait que la régulation vient rarement à contre courant des tendances établies -, l’erreur est humaine et le régulateur peut lui aussi se retrouver emporté par les cataclysmes, la seule évocation du nom de Madoff suffisant à lui donner une leçon de modestie ! Dérégulation, titrisation, appât du gain et politique monétaire au laxisme sans précédent ont certes déclenché la crise. Tout le monde devait gagner : les risques devaient forcément être assumés par quelqu’un d’autre, même si l’on ne se préoccupait pas de savoir qui, au juste, était ce perdant.
Pour autant, cette crise peut aussi être analysée sous une autre perspective. Et si, après tout, nos Banques Centrales n’ont fait que réagir face à l’environnement économique globalisé ? Nul ne saurait en effet nier les désordres macro économiques majeurs ayant précédé la crise et qui se sont traduits par des flux de capitaux gigantesques émanant de pays à très forts excédents ( comme la Chine... ), de pays exportateurs de Pétrole et de secteurs économiques dans de nombreux pays disposant de liquidités en excès.
Et si les Banques Centrales, et si notre gourmandise effrénée n’étaient en rien responsables de la crise ? Ces excédents de liquidités ont à l’évidence exercé une pression baissière sur les taux d’intérêts, l’argument est ancien. Néanmoins, si les pays importateurs de ces liquidités - comme les Etats-Unis - n’avaient pas favorisé la mise en place d’une offre de produits avant-gardiste à même de séduire ces capitaux en établissant un cadre de politique monétaire expansionniste, ils auraient été condamnés à une récession inévitable ! Le mandat de nos Banques Centrales leur dicte-t-il la conduite de nos économies vers la dépression ? Il semble bien que leur unique option ait été de maintenir une demande intérieure à des niveaux élevés afin d’absorber ces liquidités grâce à un boom du crédit ! Euphorie boursière et escalade des prix immobiliers pouvant du coup être considérés comme de simples épiphénomènes...si ce n’est qu’elles nous mènent droit vers la déflation par la dette !
Pourtant, c’est bel et bien les Etats-Unis, véritable éponge qui absorbe 75% de l’épargne mondiale, qui sont en premier lieu coupables de ces déséquilibres mondiaux ! Une version - facile, voire simpliste et certainement protectionniste - voudrait que la meilleure façon de résorber les déficits US passerait par un affaiblissement du Dollar, principalement vis-à-vis des pays à forts excédents comme la Chine. Pourtant, le déficit de la balance US des paiements est bien plus imputable à des bulles ayant affecté différents secteurs de l’économie qu’à un Dollar sur évalué, le coeur du problème étant l’épargne endémique et chronique des Américains qui atteint péniblement 1.5% du revenu national sur ces cinq dernières années ! Les Etats-Unis devant fatalement importer toujours plus de capitaux - et donc aggraver encore et toujours leurs déficits - afin de maintenir leur croissance.
Les Américains n’ont jamais été intéressés par l’épargne car l’ascension de leurs bourses - et plus récemment de leur marché immobilier - les autorisaient à anticiper une ère nouvelle où la richesse serait bien plus la résultante de l’appréciation des actifs que de leurs revenus réguliers. En 2007, soit juste avant l’implosion de la dernière bulle, la dette des ménages se montait ainsi au niveau record de 130% de leurs revenus dans un contexte où la consommation privée atteignait 73% du P.I.B., les déséquilibres du pays étant alors à leur climax absolu !
Un ré équilibrage de l’économie américaine est en cours, les prix immobiliers et boursiers devant encore nécessairement se déprécier. Toujours est-il que le monde a désespérément besoin que les Etats-Unis se remettent à épargner afin de contribuer à résorber leurs déficits budgétaires et commerciaux. Les autorités politiques et monétaires US n’agissent toutefois pas dans ce sens car injections de liquidités et autres stimuli fiscaux ne motiveront en rien les citoyens de leur pays à épargner mais contribueront plutôt à préparer la prochaine bulle...
Les déséquilibres macro économiques mondiaux ont donc eu un impact fondamental sur les décisions de politique monétaire, elles-mêmes responsables de la crise actuelle. Les dirigeants du G 7, du G 20, de l’O.M.C. et autres devraient sans tarder s’atteler à aider les Etats-Unis à combler leurs déficits afin que la récession actuelle soit la moins dramatique possible tout en contribuant à assainir nos systèmes. Nos autorités doivent également exhorter les pays à forts excédents comme la Chine à encourager leur consommation domestique, ce qui facilitera les ajustements de ces déséquilibres internationaux à la base des déficits et des bulles Américains.
Nos économies pourraient ainsi s’en sortir honorablement du marasme actuel et, surtout, elles seraient moins dépendantes des décisions - et des excès - Américains.