jeudi 13 novembre 2008 - par Michel Santi

Y a-t-il encore une bulle ?

Les évènements qui se succèdent à la rapidité de l’éclair ne permettent plus d’en douter : le pourrissement de la crise du crédit est sur le point d’enfanter dans la douleur un phénomène terrible mais ô combien classique et objet de toutes les hantises, la déflation généralisée !

Du marché des matières premières en passant par les principales bourses mondiales pour aboutir aux marchés émergeants, la déflation, à l’instar d’une lave volcanique, envahit le moindre des recoins de notre planète : voilà, ça y est, il n’y aura plus bientôt aucune bulle à faire imploser à la surface du Globe...

Comme les investisseurs et spéculateurs révisent en baisse les prévisions des sociétés, actions et obligations subissent ainsi un violent - mais indispensable - réajustement de leur valorisation respective dans un épisode, cas d’école, où les difficultés à l’accès au crédit - et donc à l’effet de levier - ne font qu’amplifier cette déflation. La déflation des salaires, prochainement sur les écrans, donnera un coup de grâce à la consommation avec à la clé une aggravation supplémentaire des profits des entreprises...

Le marché de l’emploi - qui subit pourtant déjà des mesures d’austérité appliquées par des entreprises dont les résultats baissent sensiblement et qui de surcroît n’ont quasiment plus accès au crédit - verra un afflux massif de nouveaux chômeurs. A son tour, cette augmentation des demandeurs d’emploi exercera une nouvelle pression baissière sur les salaires avec l’impact additionnel que l’on imagine sur la consommation...

Cette dépression, qui force donc tous les investisseurs à vendre leurs valeurs car ils craignent à juste titre une dégringolade supplémentaire de leurs actifs, induit en conséquence des flux massifs de rapatriements de capitaux principalement en faveur du yen et du dollar - le Japon étant en effet le pays par excellence "net créditeur" vis-à-vis de l’étranger, le dollar américain étant la devise de réserve fondamentale par excellence à travers le monde dans laquelle il est bon de se réfugier en période d’incertitudes...

Ce raffermissement du billet vert accentuera encore la pression baissière sur les prix des matières premières car les pays dont la monnaie est faible pourront se payer de moins en moins de ces denrées libellées en... dollars. De plus, ces pays à faible devise vis-à-vis du dollar seront la cible idéale de l’inflation importée et la dernière des bulles à exister encore - celle des marchés émergeants dont la Chine - se mettra à imploser...



26 réactions


  • Francis, agnotologue JL 13 novembre 2008 10:07

    Bonjour, qu’entendez vous exactement par : ""aggravation supplémentaire des profits des entreprises..."" ?

    Parce qu’avec les politiques récentes dites de l’offre, sauf erreur les profits des entreprises, autrement dit la part du Capital, atteignaient des sommets qui aggravaient les inégalités. C’est en ce sens qu’on pouvait me semble-t-il, parler d’aggravation des profits.


  • Forest Ent Forest Ent 13 novembre 2008 10:57

    Bon ben on est d’accord : c’est parti pour le tsunami du deleveraging. Contrairement à ce qu’on peut imaginer, la déflation ne signifie pas que les prix baissent. Elle signifie que la valeur de ce que l’on possède diminue, tandis que le prix de ce dont on a besoin stagne ou augmente.

    Y a-t-il encore une bulle ? Il n’y a que ça.


    • yoda yoda 13 novembre 2008 11:33

      "la deflation ne signifie pas que les prix baissent. Elle signifie que la valeur [...] diminue".

      Cher Forest,
      Je ne comprend pas bien la nuance entre les prix baissent et la valeur diminue... Sur wikipedia, il est ecrit... "En économie, la déflation caractérise une période suffisamment longue durant laquelle une baisse générale des prix est observée"
      Pouvez vous eclairer ma lanterne ?

      Bien a vous,


    • Forest Ent Forest Ent 13 novembre 2008 13:03

      C’était un aphorisme. La notion de prix en général est toujours réductrice. Pendant les 20 dernières années, nous avons vu simultanément le prix de l’immobilier augmenter, et les salaires et les prix des produits manufacturés baisser au moins en termes relatifs. Maintenant, nous voyons les prix de l’immobilier baisser mais pour autant les salaires ne vont pas nécessairement augmenter. En fait, il y a déjà une forte pression à la baisse sur les salaires US à cause de la dépression. Pour autant, les prix des produits ne vont pas nécessairement baisser, car les industriels auront besoin de restaurer des marges et compenser les pertes de volume. Il est donc possible que l’on ait à la fois

      baisse de valeur des maisons, actions, fonds de placements caisses de retraite et toutes sortes d’autres actifs, ce qui crée un "effet de pauvreté"

      baisse ou stagnation des salaires

      augmentation de certains prix à la consommation.

      Je ne pense pas qu’il existe des mécanismes par lesquels tous les prix évoluent dans le même sens.

      Opinion de l’auteur ?


    • Michel Santi Michel Santi 14 novembre 2008 03:29

      Je ne crois pas non plus à un mécanisme de baisse généralisée des prix mais je crois à celui de l’offre et de la demande. S’il y a moins de consommation, il y aura déflation de la plupart des biens de consommation. Celà dit, n’espérons pas des baisses de prix des voitures, des montres Cartier ou des vacances aux Maldives...
      En revanche, les bourses vont continuer à se dégonfler dans une très grande volatilité, signe de grande perplexité des opérateurs...


  • alberto alberto 13 novembre 2008 11:22

    Y a aussi le prix (en dollar !) de l’once d’or qui a doublé en un an..


  • Jason Jason 13 novembre 2008 11:38

    Excellent papier, merci.

    Une mauvaise nouvelle de plus : la locomotive économique de l’Europe, l’Allemagne, est entrée en récession, càd. 2 trimestres de croissance négative de son PIB. Le train européen est mal parti.

    Comment se sortira-t-on de là ? Personne n’en sait rien, sauf qu’il faudra des années, trois à cinq ans au dire de certains, pour sortir de l’ornière. Entre temps, chômage et précarité vont augmenter. Pendant ce temps là, les socialistes se chamaillent. Le parlement parle, les sénateurs pontifient et l’on va dans le mur à un train de... sénateurs. Et vogue la galère.

    Mais, n’exagérons rien, je ne suis qu’un pessimiste parmi tant d’autres...

    Belles perspectives !


  • LE CHAT LE CHAT 13 novembre 2008 12:10

    Avec l’interdiction qui m’est faite de faire des heures sup , mon salaire est déjà en phase de déflation , et ça va pas s’améliorer avec la participation et l’interressement qui vont baisser durement . smiley
    où est la présidence du pouvoir d’achat ????  smiley


  • Cites 13 novembre 2008 12:16

    Encore un excellent article,

    J’ai juste un doute sur vos anticipations d’un renforcement du Dollar. Dans un premier temps celà me semble imparable avec le rapatriement massif de capitaux (on en a déjà eu un premier aperçu depuis septembre), toutefois au cours de l’année 2009, j’ai de gros doute sur la capacité de résistance du Dollars.

    Je suis un gros naïf en économie mais les pays qui ont amassé des Dollars (Japon, Chine, monarchies pétrolières et il me semble également GB dans une nettement moindre mesure) ne vont ils pas avoir besoin de vendre ces dollars pour maintenir à flot leurs économies ravagées par la crise ??

    Si vous pouvez m’éclairer vous et Forest  smiley


    • Michel Santi Michel Santi 13 novembre 2008 12:28

      Le Dollar va poursuivre son appréciation, du reste on vient de 1.60 contre Euro à 1.2390 ce matin...
      Les Raisons : Rapatriement de fonds, re capitalisations massives des banques américaines, différentiel de taux USA/Europe qui va aller progressivement en faveur des USA...


    • thomthom 13 novembre 2008 14:40

      à court terme, peut etre que le dollar peut encore monter un peu, (en raison de ce que vous évoquez : le rapatriement de fonds), mais à moyen terme, je suis convaincu que le dollar s’écroulera bien avant l’euro. Il y a bien plus de facteurs de stabilités et même de marges de croissance en zone euro qu’aux US.... Nous sommes allés beaucoup moins loin que les USA dans le délire du crédit à tout va (meme si nous ne sommes pas blancs come neige, loin de là). Hors de la monnaie créée à crédit, sans réelle production de richesse ni même perspective sérieuse de création de richesse ne peut mener qu’à la dévaluation massive de la monnaie concernée : le dollar US en l’occurence !


    • Forest Ent Forest Ent 13 novembre 2008 16:16

      Je suis perplexe aussi. J’ai pensé un moment que le dollar allait s’écrouler suite à la création US. Mais il semble que la déflation ait été si rapide que la création monétaire n’a pas pu suivre.

      A court terme, le dollar va effectivement conserver voire augmenter sa valeur d’échange, pour toutes les raisons citées. A moyen terme, cela dépendra du comportement des gouvernements.

      Si le gouvernement US continue avec la planche à billets à fond la caisse, il est possible qu’une fois la phase de déflation terminée on embraye une phase d’hyperinflation. Cela dépendra aussi du comportement des autres gouvernements qui décideront ou pas de continuer à en stocker. Si oui, il existe une possibilité de contamination d’une inflation dollar.

      Le comportement des gouvernements va pas mal évoluer d’ici que le credit crunch ait fini de flinguer l’économie réelle.

      Pas de pronostic.


    • Michel Santi Michel Santi 14 novembre 2008 06:46

      Europe Centrale et Balkanique sinistrée = encore un raison de l’affaiblissement de l’Euro... 


  • Internaute Internaute 13 novembre 2008 12:54

    Poum ! c’est la fin du monde smiley


  • Daniel Roux Daniel R 13 novembre 2008 14:04

    Un point de vue intéressant.

    La bulle actuelle est la bulle du dollar. Contrairement à vous, j’estime qu’une baisse du dollar est inévitable. Trop de billets en circulation sans correspondance d’actifs ne peut mener qu’à la descente aux enfers.

    Général Motors, Ford et Chrisler sont en quasi-faillite. Si elles plongent, ces trois sociétés vont entraînées avec elles, leurs fournisseurs, leurs salariés mais également leurs retraités. Une catastrophe pour l’économie américaine et la confiance nécessaire dans le SYSTEME, confiance mal placée à mon avis.

    Rappelons à ce propos l’engouement de l’équipe Balladur-Sarkozy pour les fonds de pension et les placement en actions des capitaux Retraites. Il est vrai qu’on ne les entend plus beaucoup là-dessus mais leur propension à toujours enfourcher de vieux bourins boiteux est vraiment inquiétante.


    • deovox 20 novembre 2008 02:07

      Albert Einstein a dit :
      "La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent."
      alors, serions-nous gouvernés par des fous ?
      je crois plutôt qu’ils sont parfaitement conscients de ce qu’ils font.
      les bulles sont le moyen de ramasser le plus de fric. toute la misère qui en découle ne concerne que les petits. 


  • pseudo 13 novembre 2008 18:25

    Si nous avions annulé tous les crédits dans le monde : des états, particuliers, collectivités locales, départements, régions, entreprise, banque.
    Si nous avions supprimé cet argent virtuel et remis tous les compteurs à zero.
    il n’y aurait pas eu de crise. Donc il y a bien un problème à qui profite la crise ? à qui profite les crédits ? à qui profite le crime ?


    • Philou017 Philou017 13 novembre 2008 21:49

      Bonne idée. Mais si on supprime les dettes, on met les banques en faillites. Les banques ne sont rien d’autre que des parasites qui vivent sur le dos des emprunteurs, et plus loin du systeme économique. Nos gouvernants sont trop amis avec les financiers pour aller dans ce sens. Pourtant la raison voudrait que l’on sauvegarde l’économie réelle plutôt que la sphere financiere qui ne produit rien et qui peut être remplacée (banques d’état ? pourquoi pas).
      Ce que l’on observe de maniere plus générale, c’est que tout le systeme est articulé pour servir des prébendes au monde financier. Tout le monde a payé pour cela : chomage, pauvreté, délinquance, acquis sociaux, services publics disparus, l’etat (baisse des impots et dons endettement), pollution à tout va pour satisfaire la consommation effrénée et donc le profit, etc.

      Mais une fois qu’on aura tout sacrifié, que restera-t-il ?

      Je propose qu’à la premiere bonne occasion, on vire les maffias qui nous gouvernent.


    • Philou017 Philou017 13 novembre 2008 22:17

      Pourquoi entrons-nous en récession ?

      Il n’y a aucune raison à cela. Les gens ont envie de consommer,la machine économique est en place, l’énergie ne manque pas encore, malgré le pic pétrolier qui peut être négocié par des économies d’énergie adaptées. Bref aucune raison d’être en récéssion, sauf que le systeme financier est tres malade.

      Mais cette crise pourrait être une crise uniquement financiere assez aisement contournable, en obligeant les banques saines à prétêr, en rachetant celles qui sont sauvables contre des actions et donc la possibilité de les amener à soutenir l’activité.


      Sauf que...le systeme tel qu’il est fait est construit et uniquement construit à l’heure actuelle pour servir les financiers. Les investisseurs n’investissent que dans des actions profitables à court terme, le systeme repose sur une consommation effrénée et une croissance qui n’ont pour but que de nourrir la sangsue financiere sur le dos de l’économie et des employés, aucune politique de développement équilibré à long terme, les équilibres financiers des pays ont été sapés par le chomage, les délocalisations, les baisses d’impôt (et donc le budget des états), la dette des états augmente (pour le profit des banquiers), etc. L’activité n’était qu"à un haut niveau (polluant, immoral et férocement inégalitaire, je le rapelle) que par la grace du crédit facile, de la création des bulles et de la spéculation.

      Pour nourrir cette sangsue, il faut que le systeme dégage d’énormes profits, afin que l’effet parasite soit (difficilement) acceptable. Si le profit énorme n’est plus là, le systeme s’écroule.

      D’autant que les amis du peuple que sont nos gouvernants paraissent beaucoup plus intéressés de sauver les banques de leurs copains et associés, plutôt que de sauver l’économie réelle.

      Cela pourrait être fait par un découplage énergique de l’économie "réelle" de la sphere financiere, avec un sauvetage intelligent et intéréssé de ce qui est sauvable. Avec plan de relance économique conséquent et relance de l’emploi par un soutien fort (y compris par la ressource publique, comme le font les Chinois).

      Mais nos gouvernants sauront-ils être assez sages pour changer leur fusil d’épaule ?

      En tout cas, le systeme donne une bonne leçon à ceux qui ont abandonné leurs pouvoir de décision entre les mains de prédateurs cyniques (libéralisme, mondialisation au service de la finance, construction de l’europe idem, remplacement du débat idéologique et autre par le prêt à penser médiatique).

      La crise qui vient devra être combattue par la solidarité, la coopération et l’entraide. Si c’est l’individualisme et l’égoisme, bonjour la violence et les affrontements.

      Le premier geste des peuples qui s’éveillent devrait être de virer sans tarder les soi-disant "élites" qui nous gouvernent et de se réapproprier leurs destins.


  • michel michel 13 novembre 2008 18:55

     Comme la finance créé plus de dette que de valeur par construction, la dette s’accroit plus vite, 
     imposant de gonfler la valeur. Apres ca quelque soit la complexite de l’usine à gaz, impossible
     d’y echapper. A part, laisser exploser la bulle chez le voisin... pas de solution. Autre possibilite,
     inverser le processus, a savoir creer de la dette en fonction de la valeur créée. Le probleme
     est que la valeur de toute chose varie dans le temps et quasi impossible de construire un systeme
     stable dans ces conditions. Ce n’est donc pas non plus une solution. Dette et valeur ne peuvent
     donc pas etre exploitées dans un meme systeme, autrement dit, la dette peut etre reliée à un coût
     à un instant donné mais pas à la valeur.


  • Caveman Caveman 13 novembre 2008 19:35

    Premiers signes de récession en Allemagne :
    afp.google.com/article/ALeqM5hwb__MXIcS9w5fnQyQ17NL1cVn6Q
    C’est Forest qui va être content !


    • Forest Ent Forest Ent 13 novembre 2008 19:48

      Je n’ai jamais été heureux de penser que les choses allaient mal tourner. Et malheureusement, ce n’est que le début. J’avais mis dès le début l’exergue sur les pays émergents et en particulier la Chine. Son plan de relance et l’augmentation du chômage dans le Guangdong montrent que la crise s’y abat aussi ; malgré tout ce que le FMI nous a raconté sur le "découplage" pendant 15 ans.

      Comme je suis croyant, je souhaite que Dieu vous aide tous. Si vous ne l’êtes pas, prenez cela comme une simple marque de sympathie.

      WW3 n’est pas encore certaine, et nous devons tout faire pour l’éviter.


  • Caveman Caveman 13 novembre 2008 20:40

    C’est une boutade bien sûr, Forest, je doute fort que l’on puisse se réjouir d’une récession mondiale. Quand un vêtement est usé, on le raccommode, d’ailleurs le rafistiolage économique des gouvernants et autres banquiers qui se pratique actuellement en est l’illustre preuve, ils ne peuvent et ne savent faire autrement que "déshabiller Paul pour habiller Jacques" ou vice et versa, puisqu’ils sont formatés et donc incapables de repenser le monde autrement, c’est pour ça que ce monde vaniteux dont nous faisons partie et que nous avons cautionné durant un temps sera fortement ébranlé d’içi peu, j’en suis convaincu, on ne reconstruit pas sur des fondations de sable ou du vent c’est selon, l’Homme mérite mieux !
    Bien @ vous


  • TELQUEL 14 novembre 2008 05:47

    Je vous remercie Michel Santi pour l’excellence de vos articles ,ainsi que Forest ent par la qualite de vos interventions .Face a ces evenements ,je pense que l’on peut redouter de terrible reaction ,car jusqu’a present les peuples ont avalises beaucoup de choses sous couvert de croissance, de developpement ;mais les fruits de la croissance se transformant en crise mondial avec aux commandes les memes acteurs !
    Amities a tous.


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