samedi 23 juillet 2016 - par Roland Gérard

COP 22 chronique N°1 : 18 et 19 juillet c’était la MEDCOP à Tanger

Tanger 18 juillet

Deux jours bien pleins, déplacement utile, voilà ce qui vient immédiatement à l’esprit quand on se retrouve dans le hall de l’aéroport de Tanger après avoir vécu la deuxième MEDCOP climat. Pour ceux qui aiment avoir les nouvelles tout de suite on peut noter que la troisième MEDCOP se déroulera à Palerme en Sicile et la quatrième à Sousse en Tunisie en 2018. Voilà une affaire qui est bien dans les rails après la première qui s’est déroulée à Marseille en 2015 en préparation de la COP 21.

Rapprochement

Nous étions tout naturellement au Maroc à Tanger en préparation de la COP 22 qui se déroulera à Marrakech en novembre. La MEDCOP ce sont les populations du bassin méditerranéen qui se mobilisent pour le climat. La MEDCOP c’est le rapprochement des peuples, c’est le renforcement d’un maillon essentiel pour la compréhension entre le nord et le sud, c’est l’activation du dialogue entre toutes les sphères d’acteurs. Etats, collectivités, entreprises, associations, syndicats, universitaires… ils sont là, ils se parlent, ils entrent ensemble dans des dynamiques collectives, dans la diversité et le respect de ce que sont les autres… rien que ça c’est déjà bon pour le climat.

« Une lame de fond que rien n’arrêtera plus »

C’est Gilles Berhault qui en tant qu’organisateur général de l’évènement déclare la conférence ouverte. Lecture de la lettre royale, discours des diverses autorités dont celui de Hakima El Haité championne internationale du climat, ministre déléguée à l’environnement du Maroc, qui dans une brève conversation me dira son intérêt pour l’éducation. Michelle Vauzelle prend la parole en tant que premier organisateur, l’ambassadeur Philippe Lacoste fait lecture du discours de Ségolène Royal. Nous pouvons tout de suite relever que les collectivités sont aux avants postes, on peut entendre que le mouvement des acteurs non-étatiques constitue : « une lame de fond que rien n’arrêtera plus ». Les sujets qui apparaissent comme prioritaires sont l’énergie, l’eau, la biodiversité… l’éducation reviendra plusieurs fois dans les propos des discours introductifs.

L’Education pour la transition est un mouvement universel

Dès le matin du 18 juillet au petit déjeuner à l’hôtel avec Abderahim Ksiri président de l’Association des enseignants de sciences et vie de la terre (AESVT) au Maroc et Hassam Agouzoul expert en changement climatique et économie verte au Conseil économique, social et environnemental membre du comité scientifique de la COP 22, nous partagions deux constats : le premier est que le mouvement de développement de l’EEDD est ascendant, il vient des territoires et le deuxième que tous les systèmes éducatifs du monde sont dans la même difficulté, ils n’arrivent pas à répondre à la demande croissante d’éducation à l’environnement qui émane du corps social. Il semblerait bien que c’est universel.

Les enfants ont la parole.

Très bonne surprise de voir lors de la cérémonie d’ouverture apparaitre trois enfants de 12-14 ans sur scène. Ils ont préparé un discours et le disent chacun dans une langue différente dont celle de Molière ce qui au Maroc est sans doute naturel mais fait toujours énormément plaisir. Inass, Fathia et Karim disent en particulier qu’il faut éduquer aux valeurs, qu’il faut miser sur l’éducation par les pairs et sur les jeux vidéo. Ils sont bien debout, déterminés, clairs dans leur expression et touchants comme le sont toujours les enfants. Nous devions être entre 1500 et 2000 au moment où nous nous sommes tous mis debout pour la minute de silence en mémoire de l’attentat de Nice.

« Au Maroc on sait mettre l’éducation à la juste place »

Dans le « grand évènement » intitulé « Education, enseignement et formation : accélérer la transition » Jacques Brégeon président de l’EME (Ecole des Métiers de l’Environnement) de Rennes et animateur de la séance, amorce son propos en disant : « Il est rare qu’on mette l’éducation à ce niveau-là. Au Maroc on sait mettre l’éducation à la juste place ». Nous étions en tribune avec Abderrahim Ksiri de l’AESVT, Il dit que : « l’éducation à l’environnement c’est surtout le terrain, c’est le cœur de l’EE », « il faut que les enfants sortent comme des citoyens majeurs », « on doit revoir notre façon de travailler, ne pas travailler sur l’école mais sur le quartier », « on a un mur entre nous les enseignants et la société », « il y a des blocages partout, mais aussi de grandes réussites ».

« On trouve des élèves nettement mieux informés que leurs profs ». 

Pour la Fondation Mohammed VI Kenza Khallafi dit que nous devons : « mettre l’apprenant au centre », travailler « dans une dynamique de concertation ». Toujours avec une belle conviction, elle insiste sur le rôle des collectivités locales et souligne l’importance de « la reconnaissance du travail du professeur par l’institution scolaire et par la communauté locale » (ça aussi c’est universel). Une participante nous alerte sur l’importance qu’il y a à laisser jouer les enfants : « donner du temps aux enfants pour qu’ils jouent ». Un professeur d’université tunisien dit : « il faut sortir de l’amateurisme dans cette affaire-là… On trouve des élèves nettement mieux informés que leurs profs ». Il est plusieurs fois question de la religion, Jacques Brégeon dit que sur ce chantier de l’éducation : « les religions ont un rôle fondamental ».

Vers une métacoopération

Xavier Montserrat directeur enseignement supérieur, recherche et développement durable et climat des côtes d’Armor dit qu’une : « pédagogie du climat doit être mobilisatrice », il dit : « nous sommes en face un métarisque et nous ne mettons pas en place une metacoopération », il ajoute : « il faut qu’on soit résolument innovant ». Jacques Brégeon conclue les échanges en soulignant l’importance des compétences collectives. Ce que dans d’autres cercles nous appelons le « faire ensemble ». C’est ça le chemin vers la métacoopération ! Pour ma part j’ai dit l’importance de la concertation et invité tous les participants qui étaient une cinquantaine à s’emparer du projet des quatrièmes Assises de l’éducation à l’environnement dont l’ouverture se fera le 17 octobre à Paris à la mairie du 20ème, pour en faire chez eux dans la proximité. Après avec Jacques nous avons eu un plateau télé, on traite nettement mieux les acteurs de l’EEDD au sud qu’au nord… serait-ce un signe ?

Il y aura une journée sur l’éducation à Marrakech

Le deuxième jour je sortais du circuit des autorités publiques pour aller de plein pied jouer dans la cour de la société civile. Pauvre société civile toujours encensée dans les discours officiels mais tenue au loin à plus de 300 m du bel hôtel Movenpick et installée dans des tentes grinçantes (c’est venteux Tanger) et sans clim. Malgré cela on a bossé, toujours sur l’éducation en début de matinée. Colette Tardi du Québec parle d’un : « combat contre l’ignorance, la seule guerre que j’encourage à faire ». Une association féminine souligne la corrélation forte entre droit humains et éducation à l’environnement. Nous entendons de la salle : « Nous devons d’abord éduquer les décideurs à changer de comportement et de politique ». L’annonce est faite par Malika Ihrachen de l’AESVT qu’il y aura une journée éducation lors de la COP 22 à Marrakech.

« Une faille entre le niveau décisionnaire et la population »

En deuxième partie de matinée pour la société civile le thème de travail c’est le « réseautage » Saïd Chakri de l’AESVT Tanger anime la cession, le constat fait en introduction par Abderrahim Ksiri c’est que : « les ONG sont de plus en plus petites et fragmentées ». On parle à un autre moment d’une « faille entre le niveau décisionnaire et la population ». « Nous devons faire le choix de peser : tout repose sur notre manière de travailler ensemble ». L’AMCDD (Alliance marocaine pour le climat et le développement durable) qui regroupe les forces marocaines de la société civile pour le climat dit : « Nous avons à apprendre à nous mettre la main dans la main d’une manière différente », « la gouvernance c’est essentiel ». Nous avons à apprendre : « une nouvelle culture du travail en commun ». Mali, Tchad, Algérie, Benin, Togo… l’Afrique est très bien représentée, mais il y a aussi le Liban, le Pérou… La CAN (Climate Action Network) est représentée par Sarah Strack, le Réseau Climat Développement par Joseph Kogbe.

Un peu de théorie sur « réseau »

Mohamed Fahmi chef de file de la Fondation Anna Lindh au Maroc nous présente une théorie du réseau très intéressante… si peu le font… Il donne trois conditions pour un bon fonctionnement d’un réseau : 1. L’intérêt des acteurs, reconnaissance et valorisation des membres, les membres doivent avoir un intérêt tangible et clair d’appartenir au réseau. 2. L’efficience de la circulation de l’information : multiplier les rencontres, les rendre régulières, que les participants y produisent. 3. Rôle clé de la coordination et de l’équipe dirigeante. La coprésidence sera évoquée à plusieurs reprises. En conclusion ce qui est mis en avant par Esther Fouchier présidente de Forum Femmes Méditerranée chargée de la synthèse : « la solidarité interréseau, le partage d’opportunité et d’information : on peut peser plus ! Ouverture à d’autres réseaux comme les réseaux de femmes. Elle dit : « nous sommes tous talentueux, on défend ensemble des valeurs et des droits ! »

« Nous les enfants dirigeants du futur »

Dans le hall du Hilton j’ai rencontré deux des trois enfants qui ont pris la parole à l’ouverture, nous avions pris rendez-vous. - Protéger la nature - est pour eux une des toutes premières valeur « qu’il faut enraciner au cœur des enfants ». Ils attendent des adultes qu’ils s’engagent et « tiennent leurs promesses ». Ils disent que les chiffres sont alarmants : « les COP se suivent mais les gaz à effets de serre augmentent ». Ils parlent au nom de toute une équipe, disent que pendant sept ans ils se sont formés, écrits des articles, fait des interviews de personnalités et créé un jeu vidéo : « Nadif » qui hélas n’est pas encore en ligne. Ils disent : « nous les enfants nous sommes les dirigeants du futur, il faut travailler avec nous sinon on néglige le futur ». A propos de la relation avec la nature, ils parlent c’est très émouvant d’une : « relation d’amour et de fraternité », « nous avons besoin de la nature, mais elle n’a pas besoin de nous » qu’elle lucidité !… Ils seront à Marrakech et je serai très heureux de les retrouver, ils sont enthousiasmants !

Femmes

De mes deux jours passés à la MEDCOP de Tanger la salle la plus animée que j’ai vécu, la plus vivante, celle qui suintait l’espoir, l’adresse à laquelle je retournerai c’est celle de la mise en réseau des associations de femmes. Une pêche et une fougue incroyable. Elles ont créé un appel de Tanger. Nous étions quand même sept hommes sur une salle de soixante… hum intimidant pour le genre théoriquement dominant. La salle est trop petite, plusieurs personnes étaient debout. Pari est fait ici qu’elles se mettent en piste pour aller loin... Intelligemment et avec bonheur en plus ! Auraient-elles tout compris ?

Vers une coalition internationale pour l’éducation pour le climat ?

Lors de la clôture l’éducation a à nouveau toute sa place. La présidente Assia Bouzekry dit : « l’éducation est un des piliers de ce processus, il s’agit de modifier les comportements et les attitudes ». Ronan Dantec qui est venu porter la parole de Climate chance nous rappelle que : « les douze derniers mois sont les plus chauds jamais enregistrés ». Il défend l’idée qu’ « il y a un scénario crédible ». Malika Ihrachen sera invité à parler pour l’éducation en tribune. Elle invite à : « changer les pédagogies ». Dans son discours de clôture le président de la région de Tanger Ilyas El Omari  rendra hommage aux militants de la société civile et fera lecture de la Charte des régions méditerranéennes pour le climat de Tanger. Nous avons une belle opportunité pour faire avancer la cause de l’éducation pour la transition écologique lors de la COP 22. Et si nous faisions une coalition internationale pour ça ? Il semblerait que déjà l’idée soit dans l’air !

Roland Gérard

Codirecteur du Réseau Ecole et Nature

 

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Hakima El Haité
Ministre Déléguée à l’Environnement du Maroc

 



3 réactions


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 23 juillet 2016 16:46

    Un vrai conte de fées.

    Et Fabius ?
    Il n’était pas là pour passer la flamme ?

  • JC_Lavau JC_Lavau 24 juillet 2016 10:47

    Climatou akbar ! et Gérard est son prophète...


  • orobindo 30 juillet 2016 11:38

    Bon... face au militantisme des réchauffistes, je ne vois pas de raison de les laisser faire.

    C’est vraiment étrange la facon dont cette maladie mentale s’est propagée dans l’esprit des personnes crédules. Mais on l’explique fort bien.
    Sous une impulsion des politiques, la masse des gens n’a ni la culture ni le niveau d’exigence ni ce pur amour pour la vérité (qui devrait pourtant passer avant toute autre considération). Ils ont d’abord la passivité de l’animal que l’on conduit a l’abatoir et la crédulité requise.

    Ainsi, on doit encore pouvoir dire et répéter que le nuage de Tchernobyl s’est arreté a la frontiere ! 

    Bref, voici l’un des plus valables commentaires (et témoignage) que l’on puisse trouver au sujet du prétendu réchauffement climatique :

    https://www.youtube.com/watch?v=OwqIy8Ikv-c


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