vendredi 15 mars 2019 - par Monkeete

Environnement | La voix des arbres

 

C’est un fait : les arbres ne parlent pas, ou tout du moins nous ne les entendons pas. Pourtant, en Europe et notamment en Pologne et en Roumanie où se situent encore par endroit des forêts dites primaires (parmi les dernières du continent), certains ont décidé de donner une voix aux arbres, jusqu’alors silencieuses victimes de la déforestation.

Des forêts primaires mal protégées

Rappelons qu’une forêt primaire, aussi appelée forêt vierge, est une zone forestière qui n’a en aucune façon été modifiée ou exploitée par l’homme. 

En 2018, un groupe de chercheurs de l’université Humboldt de Berlin s’est lancé dans un projet pharaonique : recenser et cartographier l’ensemble des zones forestières d’Europe pouvant encore être considérées comme forêt primaire. Le constat de leur étude est sans appel : seulement 0,7% des forêts européennes répond à cette définition, soit 1,4Mha répartis entre 32 pays. Les zones de forêt vierge du continent sont donc extrêmement morcelées et on les retrouve principalement en Europe du Nord (0,9Mha) et en Europe de l’Est (0,2Mha). 

À leur grand regret, les scientifiques ont également constaté que ces forêts primaires sont très mal protégées. Pourtant, elles représentent un véritable refuge pour nombre d’espèces animales et végétales qui ne peuvent se développer que dans ces réservoirs naturels exceptionnels. Ainsi, dans certains pays, l’abattage illégal des arbres menace aujourd’hui des écosystèmes pourtant centenaires. 

Vers l’extinction des derniers bisons d’Europe ?

Parmi les forêts primaires d’Europe, la plus emblématique est sans doute celle de Bialowieza située entre la Pologne et la Biélorussie et qui abrite en son sein les tous derniers bisons d’Europe. Classée sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, cette forêt subit néanmoins un abattage massif, notamment des essences d’épicéa qui représentent 30% des arbres de Bialowieza, à cause de la présence d’une espèce invasive d’insecte : le scolyte. Les autorités accusent les colonies de scolytes de s’attaquer aux arbres fragilisés, mais aussi aux arbres dits sains, justifiant ainsi la coupe de centaines d’arbres attaqués ou non par cet insecte. Les associations de protection de l’environnement dénoncent ces actions et considèrent que les coupes sanitaires sont en réalité un prétexte pour pouvoir dépasser les quotas d'abattage prévus par la législation européenne. Selon de nombreux experts, la forêt est tout à fait capable de se défendre elle-même, comme elle l’a très bien fait sans l’intervention de l’homme pendant près de 10 000 ans.

L’abattage quasi-systématique des épicéas menaçant l’équilibre de la forêt et pouvant à terme entrainer la disparition de plusieurs espèces animales comme végétales, sept ONG se sont réunies en coalition pour faire entendre la voix des arbres et empêcher la destruction de ce patrimoine naturel inestimable en alertant les autorités européennes. 

Suite à de longues investigations, l’Union Européenne a donné raison aux ONG en concluant que la gestion de la forêt de Bialowieza par Varsovie allait à l’encontre du droit européen. Il aura néanmoins fallu que L’Europe brandisse la menace de sanctions financières pour que la Pologne arrête de dépasser les quotas de coupes fixés par Bruxelles. 

« Screeming Trees » : et si les arbres pouvaient crier ?

Alors qu’en Pologne, le problème de protection de la forêt primaire venait principalement du gouvernement, en Roumanie c’est l’abattage clandestin des arbres qui pose problème. Face à cette déforestation, le gouvernement Roumain se montre bien impuissant et n’arrive pas à protéger efficacement les forêts qui couvrent son territoire, y compris la zone de forêt vierge de la chaîne des Carpates qui se retrouve victime de coupes illégales. Dans le pays se sont près de 3 hectares de forêt qui disparaissent toutes les heures. 

Pour pallier l’impuissance des autorités et pour tenter d’enrayer la déforestation, l’ONG Agent Green a décidé d’agir en donnant une voix aux arbres… au sens propre !

C’est notamment ce que rapporte le magazine GEO dans un article publié récemmentsur son site internet. 

Agent Green a développé Screaming Tree,un petit boîtier qui s’attache à la cime des arbres et qui leur permet « d’appeler à l’aide ». Autonome en énergie grâce à un mini panneau solaire, le système est capable de détecter et reconnaître le bruit d’une tronçonneuse dans un rayon de 20 mètres et de transmettre via une connexion 3G un signal d’alerte aux autorités afin qu’elles puissent intervenir et empêcher la coupe. 

Si Agent Green ne communique pas sur le coût de ces boîtiers, l’ONG cherche actuellement à récolter des dons pour en fabriquer davantage et pouvoir étendre un véritable réseau d’alerte sur l’ensemble des forêts roumaines et pourquoi pas à d’autres zones forestières d’Europe.



11 réactions


  • Étirév 15 mars 2019 16:56

    « et si les arbres pouvaient crier ? »

    Ils le font, mais les entendons-nous encore ?

    Quelques mots sur les Arbres du Bois sacré.

    À côté des Temples des déesses existait un Bois sacré.

    C’est que l’enseignement de la Cosmologie donné dans le Temple était complété par un enseignement des sciences naturelles donné dans le Bois sacré.

    Ce Bois est sacré parce qu’on y enseigne l’origine végétale de l’homme et les lois de son évolution, et, pour démontrer ces idées abstraites, on montre à l’étudiant l’Arbre de vie, conservé avec soin, jamais mutilé, afin de pouvoir observer en lui les phases de l’évolution qu’il traverse et qui sont fidèlement reproduites par l’embryon qui se forme dans l’utérus maternel en repassant par les étapes de la vie végétale.

    Des nymphes appelées Hamadryades avaient la garde des arbres et empêchaient de les couper. On disait qu’elles naissaient et mouraient avec l’arbre dont la garde leur était confiée.

    Le culte de l’Arbre est resté dans toutes les traditions, mais on n’en comprend plus la haute portée philosophique. L’arbre révèle les puissances de la Nature. L’homme était arbre avant d’être devenu homme.

    On dit l’Arbre de la science parce qu’il contient en lui tout le mystère de l’évolution et des lois biologiques. Qui connaît ces lois possède la science.

    Les familles des castes supérieures avaient leur arbre sacré qu’on soignait religieusement. De là est venue cette expression : l’arbre généalogique.

    Les Hindous avaient édicté des peines sévères contre ceux qui endommageaient les arbres.

    Les Athéniens punissaient de mort quiconque osait couper des branches aux arbres des Bois sacrés ou des cimetières.

    L’histoire de la Genèse étant ce qu’il y a de plus universellement répandu, il faut, pour rectifier les erreurs qu’elle contient, expliquer la vérité dans la langue comprise de tous. Cependant, l’entreprise est difficile. L’origine de l’homme étant au début de toutes les connaissances, c’est l’origine de l’homme qu’il faut d’abord généraliser.

    Et comment vulgariser une étude qui est la science la plus élevée, la plus abstraite, qui repose sur des faits que l’étude approfondie des sciences naturelles seule fait connaître ? Essayons cependant de vaincre cette difficulté et de tout expliquer en supprimant les termes scientifiques, tâchons de simplifier les faits et de les présenter à l’esprit sous la forme la plus saisissante.

    Nos racines…


  • Fergus Fergus 16 mars 2019 09:36

    Bonjour, Périne

    Excellent article sur un sujet peu porteur en termes d’audience : la plupart de nos concitoyens se préoccupent malheureusement peu de nos forêts.

    La question de la sauvegarde des forêts primaires qui subsistent en Europe n’est pas simple : comment imposer à des états où l’on trouve encore des surfaces inviolées d’agir efficacement pour leur sauvegarde alors que l’on a laissé ailleurs détruire ces forêts primaires pour reconvertir les sols à d’autres fins agricoles ou industrialiser les plantations, notamment par l’apport de résineux à croissance rapide ?

    Pas évident ! Même en France  où la forêt primaire a totalement disparu  trop de surfaces boisées d’espèces nobles (chêne, châtaignier, hêtre) sont sacrifiées aux résineux.


    • Périne 17 mars 2019 12:33

      @Fergus, merci beaucoup pour votre commentaire. Il est malheureusement vrai que ce type d’article n’est pas du genre à attirer nombre de lecteurs. Je tenais surtout à mettre en avant quelques exemples d’actions de la société civile pour pallier les carences institutionnelles en matière de protection de l’environnement. smiley


  • Gilbert Spagnolo dit P@py Gilbert Spagnolo dit P@py 16 mars 2019 11:17

    Voir cette page : Le langage et la communication des arbres


    https://www.portdenvaux.fr/wp-content/uploads/2011/08/le-langage-des-arbres.pdf


    ensuite les causes d’accidents survenus à des bûcherons sont parfois étranges !!


    @+ P@py


    • velosolex velosolex 16 mars 2019 15:08

      @Gilbert Spagnolo dit P@py
      « Quel est le meilleur moment pour planter un arbre ? Vingt ans plus tôt. Et à défaut, quel est le meilleur moment ? Aujourd’hui. » dit un proverbe chinois...


  • velosolex velosolex 16 mars 2019 15:06

    Bon article. Une fois de plus, le problème vient de l’externalisation abusive des échanges, qui taille des croupières aux derniers bastions du vivant. Il semble qu’on fonce de plus en plus vite vers le mur, dans une sorte de crash test. Les espèces animales meurent, même les insectes. Une mort silencieuse qu’on observe sur les pare brises l’été, qui ne font plus les hécatombes de jadis, il y a vingt ans seulement Une vie d’homme, maintenant, vous offre les expériences de disparition et de mutation, qu’on traversait auparavant en 10 000 ans voir davantage. Notre tour approche. Brexit ou non. Les échéances du vivant et de la politique ne sont pas les mêmes. 

    Il se fait tard. Des écrivains, comme Margaret Atwood ont tiré la sonnette d’alarme dans leurs romans d’anticipation. J’ai lu dernièrement un très beau livre, signé Richard Powers, « L’arbre monde » qui évoque les choses dont vous parlez. Nous nous apercevons que les arbres sont d’autant des être vivants irremplaçables, qu’ils disparaissent à toute allure. https://bit.ly/2Y3KAya 

    L’arbre-monde - France Culture

    • Périne 17 mars 2019 12:35

      @velosolex, merci pour votre commentaire et ce conseil de lecture.
      Je vous souhaite une très belle journée.


  • Old Dan 17 mars 2019 06:57

    (Excellent article)

    Lente prise de conscience du désastre mondial en cours, car ds l’hémisphere Sud (où j’habite) c’est encore pire !

    .

    [ Perso, j’n’y crois plus... ]


    • Périne 17 mars 2019 12:45

      @Old Dan
      Je vous remercie d’avoir lu cet article. Le constat environnemental est en effet très peu encourageant à l’heure actuelle, et ce, partout sur la planète. J’ai néanmoins le sentiment que la prise de conscience écologique est bel et bien là. Seulement, elle n’est pas encore entendue par les gouvernements. Espérons que cela change rapidement.  


  • dominique 18 mars 2019 10:00

    La Foret, quel sujet. Beaucoup en parlent et peu savent de quoi ils parlent. Actuellement peu de gens savent apprécier une Foret « sauvage » Il faut que les chemins de promenades, les pistes de VTT etc soient propres. Pas de branches par terre, moins encore d’arbres qui tombent juste là ou l’humain veut passer, net il faut que cela soit net.

    Mais prendre les chemins forestiers pour des raccourcis, bien que fermés à la circulation, gagner du temps au détriment parfois d’un chevreuil, d’un blaireau ou encore d’un renard, cela ne dérange pas grand monde. Le soucis avec la Foret c’est que l’humain la considère au mieux comm une zone de loisir au pire comme une reserve foncière qu’il faut exploiter pour en profiter le maximum. Combien de nos concitoyens savent encore « lire » la Foret, meme ceux qui ajourd’hui manifestent pour le climat que savent ils d’Elle. Le pire n’est-il pas que le papier qui sert à faire la monnaie et qui détruit petit à petit la Foret vient justement de la Foret smiley


  • cevennevive cevennevive 18 mars 2019 10:46

    Bonjour Périne,

    J’aime les arbres et ils me le rendent bien. Merci de nous parler d’eux !

    J’ai 74 ans, et il y eut dans ma vie des moments de déprime et de tristesse, comme dans chaque vie. Eh bien, chaque fois, je m’en suis allée raconter mes malheurs, mes interrogations et mes désirs à un arbre qui, après ces conversations, m’a éclairée dans le chemin à suivre...

    Puis, je suis allée le remercier...

    Oui, les arbres ont une voix. Ecoutez le bruit de la tronçonneuse. L’arbre qui va tomber tremble de tous ses rameaux, et au moment où il va vraiment tomber, il émet un cri que peu de gens entendent.

    Et non je ne suis pas cinglée, j’ai toujours aimé les arbres et je leur demande pardon si je dois couper quelques branches qui dérangent dans mon jardin.

    Ils sont plein d’oiseaux de toutes sortes et bruissent d’abeilles lorsqu’ils sont en fleur.

    La forêt sauvage est un lieu magique et j’ai tout particulièrement aimé la forêt d’Ecouves dans l’Orne où j’ai un peu vécu autrefois. Malheureusement, elle était quelquefois troublée par les cornes et les abois des chasses à courre...

    Ici, en Cévennes, elle est bien souvent abandonnée ou rasée par les engins d’une usine de palettes dans la ville voisine. Mes petits chemins préférés sont abominables après cela. J’en pleurerais !

    Merci et bien à vous.


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