samedi 18 janvier 2014 - par Morgane H-R

L’Islande, terre de contrastes entre préservation de l’environnement et développement touristique

Si vous vous sentez l'âme d'un photographe et qu'éveiller la jalousie de vos pairs ne vous effraie point : ne cherchez plus ! C'est en Islande qu'il vous faut passer vos vacances d'hiver : entre aurores boréales et paysages enneigés, mieux vaut avoir un appareil numérique car les pellicules s'usent vite ! Petite république insulaire d'environ 322 000 habitants à mi-chemin entre le Groenland et l'Europe du Nord, ses caractéristiques climatologiques et géologiques semblent faire d'elle une terre à part, à laquelle le reste du monde ne s'est dernièrement intéressé qu'en raison de l'Eyjafjöll, volcan dont l'éruption en 2010 a bloqué une bonne partie du trafic aérien en Europe.

Une terre à part, certes, mais aussi un parfait laboratoire d'études sur les tensions qu'apportent avec elles les tentatives de développement touristique. Les enjeux engendrés par la masse de touristes se déplaçant à travers l'île pour en admirer les plaines et volcans sautent au visage rapidement, l'Islande recevant chaque année plus du double de sa population en touristes.

 

L'enjeu du tourisme comme moteur économique

Si jusqu'en 2008, l'Islande était classée au premier rang des pays développés selon l'IDH, la crise financière a brutalement freiné le développement économique du pays, qui s'est fondé pour sa quasi-totalité sur la pêche et le secteur financier depuis 10 ans. D'un taux de croissance annuel moyen d'environ 5%, l'Islande tombe en profonde récession (avec un taux de croissance négatif de -6,8% encore en 2009) et le PIB par habitant chute magistralement, passant de plus de 66 000 dollars début 2007 à à peine 38 000 dollars deux ans plus tard. Dans les rues de Reykjavik, certains chantiers sont toujours en suspens, entachant par endroits la ville de ruines cohabitant avec les rues commerçantes : une capitale dont on ne parvient à déterminer si elle est durablement meurtrie économiquement ou lutte actuellement pour regagner peu à peu sa prospérité.

Bien que la politique de redressement du pays ait permis de relancer partiellement l'économie nationale ces deux dernières années, il n'en reste pas moins que le PIB national ne s'élève plus qu'à 13,5 milliards de dollars, contre 20 précédant la crise. Surtout, la crise se manifestant avec le plus d'ampleur dans le système bancaire, l'Islande doit repenser son développement par d'autres voies. L'une d'elle en particulier semble être prometteuse : le tourisme. Depuis 2006, le nombre de touristes annuels est passé de 422 000 à 672 000, ces derniers se déplaçant majoritairement pour les paysages et les activités extérieures que la géologie islandaise permet. Le pays a donc la possibilité d'exploiter son environnement exceptionnel à des fins économiques, mais il lui faut aussi apprendre à en gérer les conséquences.

 

Usine à touristes et enjeux écologiques

Développer un tourisme vert, l'Islande en a largement les moyens, d'autant que le pays est réputé pour l'attention qu'il porte à la préservation de l'environnement au quotidien. Pourtant, celui créé actuellement ne mérite pas franchement le qualificatif d'écologique. Au milieu de l'immense parc national Thingvellir et de son fragile écosystème, à coté de Geysir, sur les côtes sud du pays ou encore pendant les nuits propices aux aurores boréales, les bus sont omniprésents. Des compagnies privées se partagent le marché des excursions touristiques de façon oligopolistique, et les gains sont maximisés : la plupart proposent plus d'une dizaine d'excursions par jour, certaines d'entre elles rassemblant entre 4 et 6 bus à la fois. Par conséquent, un trafic incessant -certains diraient disproportionné- existe dans une partie géographiquement limitée de l'île, mais dont la flore et les roches sont fortement exposées aux risques de détérioration.

Seules certaines compagnies peuvent se targuer de détenir des bus pouvant consommer moins d'énergie, mais les performances du système utilisé restent assez floues. Les transports publics étant extrêmement limités (voire inexistants pendant la période hivernale) hors de la capitale, les bus des compagnies privées moins contrôlables sont donc l'unique recours des touristes, d'autant que la location d'une voiture est loin d'être rentable, toute la partie centrale de l'île étant interdite à la circulation des véhicules légers pour des raisons de sécurité.

 

Il serait donc bénéfique, tant du point de vue économique qu'environnemental, de développer le réseau de transports publics à travers l'île par le biais des énergies renouvelables, à l'image de la mise en circulation de trois bus à Reykjavik fonctionnant à l'hydrogène (initiative à saluer mais aux impacts minimes). Une fois cette question réglée, c'est l'enjeu de la masse de touristes en elle-même qu'il faudra gérer. Pour l'heure, plus de 80% du tourisme se concentre sur les trois mois d'été, entraînant à cette période un véritable surpeuplement. L'une des priorités est donc de parvenir à étendre la période touristique en jouant sur l'attractivité de l'île durant les autres saisons, de sorte que d'une part les bénéfices économiques issus du tourisme ne soient plus aussi soumis à la saisonnalité les caractérisant actuellement, de l'autre que la régulation des groupes sur les sites naturels même soit plus aisée.

Des infrastructures sont peu à peu mises en place sur certains lieux pour juguler l'impact négatif des foules sur le paysage : passerelles en bois pour éviter l'érosion d'un sol composé de cendres volcaniques, limitation des sentiers accessibles aux promeneurs... Les tentatives pour préserver la nature islandaise sont là, mais semblent bien insuffisantes en comparaison des risques de dégradation. L'écotourisme apparaît comme une voie d'avenir en Islande : au gouvernement désormais de s'en saisir pour l'exploiter sans détruire ce qui nourrit celui-ci.




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