La conférence gesticulée d’un citoyen-pianiste
Le tri sélectif à la clef
Nous le connaissions, virtuose discret derrière son piano, accompagnant merveilleusement les images d’un film muet, donnant la réplique à son ami Trupin au bandonéon ou bien encore, soliste délicat rendant hommage à la Loire et sa grand-mère passeuse, dans un formidable disque entièrement composé par le bonhomme. Cette fois, Vincent Viala ne se cache plus derrière son instrument, il s’expose même, se met en scène et en danger pour défendre ses convictions dans l’urgence d’une catastrophe imminente qui ne doit plus nous laisser passifs.
Sur la scène, une table sur laquelle trône une poubelle en majesté. De couleur jaune, elle est réservée à la collecte des détritus recyclables, c’est du moins ce que l’on veut bien nous laisser espérer. Un pupitre cache encore tous ses mystères. Rien de plus quand surgit un homme fragile, incertain encore, en peignoir, un sac plastique à la main.
Celui qui semble surpris au saut du lit ouvre le pochon. Il en sort des objets du quotidien qu’il finit par jeter à terre. Rien de tout cela, pourtant en plastique, n’est recyclable. C’est le début d’un long réquisitoire contre cette illusion savamment entretenu par des responsables politiques qui font de nous les seuls responsables du gaspillage éhonté des ressources de la Planète et des Océans de plastique.
Vincent tombe le peignoir, se met à courir autour de cet espace improbable. Course effrénée d’une société qui va à sa perte grâce à la formidable manipulation collective qu’un système fondé uniquement sur la croissance a mis sournoisement en place dans les consciences comme dans tous les rouages décisionnels. Le sportif d’occasion n’est pas un sportif accompli, il manque d’air, s’interroge, reprend son souffle et s’autorise, oh que c’est vilain, la réflexion.
Il se souvient qu’un jour, des sbires, dignes ambassadeurs du tri de la Métropole, ont jeté l’anathème sur sa maison. Sa poubelle jaune a été examinée et condamnée d’un doigt vengeur à ne pas être relevée. Un grand emballage accompagné d’une sentence terrible : « Poubelle refusée ! » a déclenché l’ire du musicien si peu habitué aux fausse notes. Il veut savoir…
Il va nous conduire sur les chemins respectifs de ses courses et de son enquête, les unes et l’autre étant totalement imbriquées, métaphores d’une société qui court à sa perte. La démonstration est rude, l’arnaque patente. Nous sommes pris au piège d’un système qui se contente de nous mettre en accusation sans jamais rien faire de concret pour transformer radicalement les pratiques d’industriels qui tirent les ficelles.
Ce serait au consommateur de changer de pratiques, d’acheter sans emballages, de se tourner vers le zéro déchets tandis que les monstres commerciaux regorgent toujours plus de produits in-recyclables. Nous serions coupables de ne pas acheter ce qu’il convient pour la Plante tandis qu’eux, qui sont les premiers responsables, continuent de ne rien faire pour engranger les bénéfices et repousser les réponses adaptées.
Vincent Viala vous expliquera, démonstration à l’appui que seuls 5 % des déchets plastiques que vous avez patiemment mis de côté seront véritablement ré-incorporés pour fabriquer de nouveaux objets recyclés. Tout le reste n’a d’autre but que de graisser la patte à des sociétés tentaculaires, complices d’élus qui s’en lavent les mains. La délégation de service public, le credo de ces canailles, est la machine de guerre qu’ils ont inventée pour nous rendre responsables et taillables à merci.
Bien sûr, on encourage ici où là merveilleuse théorie du Colibri, légende indienne fort commode qui incite chacun à faire sa modeste part pour avoir bonne conscience sans jamais agir véritablement pour balayer un système dont le seul but réel est de détruire la planète. C’est en changeant tous les paradigmes, en revenant au collectif, en abattant la pyramide des pouvoirs pour un monde horizontal et enfin humain, que nous parviendrons à enrayer le cataclysme.
Vincent achève sa conférence gesticulée, revêtu de la tunique de la colère. Il n’est plus temps de croiser les bras et de compter béatement sur les oligarques ; procédure démocratique dérisoire, pour parvenir à nous sauver. Le pianiste sonne la charge, le clairon est plus approprié devant l’urgence climatique. Il a cessé de courir pour sa petite santé, il nous demande à tous de nous mettre en marche à ses côtés pour sauver ce Monde que d’autres sacrifient sur l’autel d’une cupidité délirante et mortifère.
N’hésitez pas à réclamer sa conférence gesticulée, elle est plus que jamais nécessaire tandis que le Grand Débat, accouchera d’une souris, que rien ne changera et que les élections continueront d’envoyer dans les instances les complices de cette machine à broyer l’humanité. En Marche certes mais bien loin des marionnettes du système, vers un monde nouveau.
Admirativement sien.