samedi 9 février 2013 - par C’est Nabum

La falaise aux mouettes tridactyles

En direct de ma Segpa

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Concours écriture

J'entraîne Léa vers mon jardin secret.

  • Regarde cette falaise. Tu ne vois rien ?

  • Je ne vois qu'un mur de rochers. Que faut-il regarder ?`

  • `Observe le va-et-vient des oiseaux blancs. Ce sont des mouettes tridactyles, mes préférées.

  • Qu'est ce que tu dis ?

Je me penche doucement vers Léa. Il y a le bruit de la mer qui frappe les rochers, je lui explique ma passion. Nous sommes assis côte à côte. Je n'ai jamais été aussi proche d'elle. Nous sommes sur un lit de lichen, cachés derrière un gros rocher. Ah, si j'osais ! Devant nous, la falaise où nichent mes mouettes. Elles n'arrêtent pas une seconde, elles font un balai incessant entre le large et leur nid. Nous sommes en surplomb, de cette place nous ne craignons pas la montée de la mer.

    • Ces petites mouettes sont des oiseaux migrateurs. Elles viennent d'Irlande et partiront à Québec. On les appelle « Tridactyles car elles ont trois doigts à chaque patte. Tous les ans elles reviennent de mai en août, toujours sur la même falaise, pour se reproduire.

Je devine la surprise de Léa ! Elle découvre le garçon que je suis vraiment, pas cet élève un peu agité qui passe son temps à s'amuser avec des copains pas vraiment malins. Elle veut en savoir plus, elle me demande de continuer ce qu'elle appelle « mon exposé ». Je suis intarissable, je continue avec un bonheur rare.

  • Elles vivent en couple. Les plus nombreuses ne changent pas de compagnon de toute leur vie. C'est merveilleux. Pendant 41 jours, mâles et femelles vont se relayer pour surveiller l'œuf souvent unique puis pour nourrir l'oisillon. Mais, tu dois savoir que beaucoup de dangers terribles menacent le bébé.

Léa est bouche bée. Elle n'en revient pas ! Je devine qu'elle est entièrement à mon écoute. Elle est suspendue à mes lèvres. Ah ! Si je pouvais être suspendu aux siennes … Elle m'avoue avec une drôle de voix que je suis plus intéressant que le professeur de SVT. Que dois-je en conclure ?

  • Tu sais leur vie est si menacée ! Il y a d'abord ce Grand Corbeau. Cet oiseau tout noir que tu vois là-bas. C'est un prédateur redoutable qui mange les œufs si le nid est laissé sans surveillance Parfois, il n'hésite pas à attaquer les parents pour arriver à ses fins. Puis, il y a le terrible Goéland. Ce très gros oiseau attaque les nids pour dévorer les oisillons. Ceux qui survivent sont surveillés par le Faucon pèlerin qui attend leur faux pas …

Léa se colle à moi, je sens qu'elle frissonne. Je n'en reviens pas, elle me prend par le cou, tout doucement dans un geste irréfléchi. J'ose à peine, je lui pose un petit baiser sur la main. Elle ne dit rien. Je prends cette main dans la mienne, elle ne la retire pas. Pendant ce temps, l'eau est montée, c'est la marée haute. Les autres doivent être sur la plage, sur le continent. Nous sommes seuls ! Ah, si je n'étais pas si timide !

  • Après tous ces dangers extérieurs, le pire de tous, le moment le plus délicat est le premier départ du nid. Pour préparer ce grand bond, les parents lavent toutes les plumes du petit oiseau. Mes mouettes doivent être très propres. Elles passent 8 heures par jour à faire leur toilette. Pour les oisillons, c'est le saut dans le vide. La moindre erreur et c'est la chute, définitive. Pour eux, pas de deuxième chance.

Je devine la respiration de Léa. Non, je l'entends, elle s'abandonne à l'émotion. Je ne sais ce que ça signifie vraiment, elle pose sa tête sur mon épaule. Je devine que pour moi aussi c'est le grand bond. Jamais pareille occasion ne se reproduira. Je réussis mon envol ou je m'écrase définitivement au pied de la falaise ..

Et cette fois, devant les mouettes qui font la ronde au-dessus de nos têtes, j'embrasse Léa. Elle ne me repousse pas, elle me serre plus fort encore dans ses bras. C'est elle qui m'embrasse maintenant. Quel bonheur ! Je suis dans les nuages, comme mes amies de la falaise …

Le professeur remarque un peu trop tard que Léa n'est pas revenue. Il lui manque deux élèves, ils sont sur l'île qui est maintenant entourée d'eau. Des élèves s'en amusent, ils ne sont pas inquiets. Ils ont compris le manège des deux tourtereaux. Il faut attendre six heures maintenant avant que d'aller les chercher.

Oh ! bien sûr le retour sur terre ne fut pas facile. Au collège, ce fut même terrible. Nous en avons entendu mais je crois que Léa m'a sauvé en parlant de ma passion pour les mouettes. J'ai du faire un exposé dans toutes les classes. Je m'en moque, bien au contraire, c'est un plaisir. Mais rien ne peut remplacer celui de retrouver Léa. J'espère que nous serons comme les couples de mouettes tridactyles, unis pour la vie.

 Vidéo indispensable 

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Les courants invisibles

Olivier Adam

Léa était assise juste devant moi. Elle dormait. Comme tout le monde à part moi. Je ne voulais pas en perdre une miette. Ses cheveux. Sa tête penchée sur son épaule. Elle ronflait un peu. Qu’une fille aussi parfaite puisse ronfler ainsi m’a ému, sans que je sache au fond pourquoi. Le trajet a duré plus de deux heures. Je crois que c’est le moment que je préfère dans les sorties. Le bus ronronne. Je mets mon casque et, par- dessus la musique, me parvient le bruit des autres, leur brouhaha léger, cotonneux. Je rêve à la journée qui s’annonce. Je ne pense pas à l’endroit qu’on nous emmène visiter. Ni à ce que nous en diront le prof et les guides. Non, je pense à tout le reste. À ce qui va vraiment se passer. À Léa qui, à un moment, dans les allées du musée, dans les rues d’une ville ancienne, s’arrêtera pour refaire ses lacets, se laissera décrocher, et se retrouvera près de moi, me sourira, et marchera un peu à mes côtés. Ou bien je rêve à la journée qui s’achève, à tout ce qui ne s’est pas passé, à toutes les occasions manquées : les gestes que je n’ai pas osé faire, les mots que je n’ai pas su dire. Quand nous sommes descendus du bus, la brume enveloppait la mer, nimbait la ville d’un drap fantomatique.

Tout le monde était un peu endormi. Pas moi. Je connaissais cet endroit par cœur. Au moindre rayon de soleil, les samedis, les dimanches, papa nous réveillait aux aurores et nous embarquait pour une grande journée à la mer. Deux heures de route et le soleil se levait sur l’eau émeraude. Maman n’était jamais aussi heureuse que ces jours-là. C’est peut-être pour ça que j’aimais tant cet endroit. À cause du visage souriant de maman quand elle regardait la mer. Mais ce matin-là, avec la classe, c’était comme un autre lieu. Une autre ville. Une autre mer. Les odeurs, la lumière : tout me paraissait différent. Peut-être parce que je ne pouvais pas m’empêcher de regarder avec les yeux des autres, de me demander ce qu’ils pouvaient ressentir en découvrant ce paysage pour la première fois. Les remparts par-dessus la mer agitée. Les îles au large. La côte qui se découpait en dentelle et fuyait vers l’ouest. Le sable doré où se plantaient les brises lames. Le château et les ruelles pavées. Pour la plupart, je crois surtout qu’ils n’en avaient rien à faire. Ils étaient trop occupés à ricaner, à s’envoyer des vannes, à regarder leurs téléphones portables. Leur monde tenait sur un écran. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que ça ne faisait pas grand, à côté de tout ce ciel, de tout cet océan.

La prof nous a présenté la guide et la promenade a débuté. Après l’inévitable tour des remparts, nous sommes descendus sur la plage pour pique-niquer. C’était déjà le début de l’après-midi. La brume s’était levée depuis longtemps. La mer était basse et n’allait pas tarder à entamer sa remontée. C’était tellement étrange d’être là, sur cette plage que j’aimais plus que n’importe quel endroit en ce monde, qui était un peu mon secret, et de le partager avec Léa, même si elle m’ignorait. Enzo a râlé que ça puait à cause des algues. Johana a ajouté que c’était moche, en plus, avec la mer retirée au loin, laissant à nu des récifs, des amas de roches où s’accrochaient des herbes rousses et vertes. J’ai pensé à papa. Selon lui, il existait deux catégories de personnes : ceux qui n’aiment que la marée haute et les autres, les poètes, les sensibles, les tourmentés, qui préfèrent la marée basse. Je vous laisse deviner dans quel camp nous nous situons maman et moi. Je me suis assis un peu plus à l’écart et j’ai mis mon casque sur les oreilles.

Après le repas, nous avons marché au milieu du sable humide jusqu’à l’île où reposait un écrivain célèbre, qui avait vécu là et demandé à être enterré face au large. On ne pouvait y accéder qu’une fois la mer en allée. Autour de nous, des aigrettes blanches marchaient à pas de danseuses dans les flaques d’eau. Nous avons gagné le sommet de l’île. Les autres soupiraient. Ils en avaient assez de marcher. Et puis il n’y avait rien à voir. Juste de l’eau, des rochers, et cette stupide tombe. Ils ont fait demi-tour et se sont dirigés vers la plage. Je ne les ai pas suivis. Au contraire, j’ai pris le chemin qui descendait vers la mer. Personne n’a fait attention à moi. Du moins c’est ce que j’ai cru. Arrivé au pied l’île, à quelques mètres de l’eau seulement, j’ai commencé à en faire le tour. À mes pieds, entre les rochers, dans les flaques, se pressaient les anémones de mer. J’entendais grouiller les crabes. Je n’étais plus très loin du but. De l’autre côté d’une petite pointe rocheuse, à l’abri du vent, des centaines d’oiseaux nichaient à flan de falaise. Des goélands, des sternes, des cormorans, des huîtriers.

—Où tu vas ?

Je me suis retourné. C’était Léa. Mes jambes se sont mises à trembler. Je ne sais pas ce qu’elle faisait là. Pourquoi elle n’était pas avec les autres ? Elle m’a répondu que la prof l’avait envoyée me chercher. La mer remon- tait, il ne fallait pas tarder. J’ai regardé l’heure. J’ai haussé les épaules. D’après mes calculs il me restait un peu de temps.

— OK. J’arrive. J’en ai pour deux minutes, ai-je dit. J’ai repris mon chemin vers les oiseaux. — Tu m’as pas répondu. Où tu vas ? — Suis-moi. Tu verras bien.

À ma grande surprise elle s’est exécutée. Mon cœur battait jusque dans mes doigts. Je lui ai fait signe de ne surtout pas faire de bruit. On s’est planqués derrière un rocher.

À vous d’écrire la suite.

Épilogue : Nous avons écrit la suite, nous avons envoyé notre texte. Hélas, je crois bien que notre bulletin d'inscription n'a pas été joint au texte. Une fois encore, mes élèves sont restés sur le côté. Une habitude ...

 



2 réactions


  • Brontau 9 février 2013 21:16

     En amour comme en écriture, Nabum, ce sont les préliminaires qui sont magiques… Quels délices ! L’inspiration, l’élan du désir, l’inconnu et l’ivresse de la nouveauté, même pour les plus expérimentés, sont encore exaltés par la peur de l’échec.

      Rien n’est assuré, et tout est possible. Le rêve et le réel se côtoient et se nourrissent l’un l’autre.

     Votre auteur est un pervers, il s’est réservé le meilleur !


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