lundi 20 janvier 2020 - par C’est Nabum

La Langue des oiseaux

Aurore et le vanneau huppé !

 

JPEG

 

Nous sommes sur les rives de Beaugency, un espace sauvage en aval du pont médiéval qui parait-il a été jeté sur la Loire en une nuit par le diable. De la rive sud, on peut admirer de nombreux îlots qui hébergent des oiseaux et des castors. C’est un espace préservé devant lequel aime à rêver une petite fille, Aurore, qui contrairement à ses camarades de classe, préfère observer la nature au lieu de jouer sottement avec une tablette.

La gamine a bien de la chance. En dépit des brumes de ce début décembre, elle a sous les yeux une bande de vanneaux huppés lui offrant un spectacle dont elle ne se lasse pas. Cet été, à leur place, c’étaient les sternes qui avaient été pour elle, un merveilleux sujet d’observation. Les petites mouettes blanches étaient parties tandis que les échassiers aux reflets verts, bleus et violets sont devenus ses nouveaux amis.

Elle adore leur chant, ce petit « pii-ouit » aigu qu’elle reconnaît entre tous les chants d’oiseaux. Elle s’amuse aussi de leur allure, leur longue huppe noire effilée leur donne une majesté incomparable. L’enfant a toujours une longue vue vissée à l’œil ou en bandoulière. C’est là un sujet de moquerie de ses camarades quand ils la voient quitter la ville, traverser le pont et se fondre dans la nature. Les pauvres, ils se savent pas regarder les merveilles qui les entourent, pense Aurore quand elle est victime de leurs railleries.

Ce matin du 6 décembre elle est inquiète. Alors qu’elle se trouve dans un espace protégé, un espace naturel sensible, elle a aperçu des chenapans qui sont venus avec une carabine à air comprimé, jouer les chasseurs. Comment cela peut-il être un jeu ? La petite hausse les épaules, persuadée qu’ils ne sont pas capables de faire grand mal à ses amis, tout juste les effrayer.

Ça ne manque pas d’ailleurs. Ils sont incapables de s’approcher convenablement de leurs cibles, se plaçant dans le vent, leur présence est immédiatement repérée par la bande qui s’envole en un grand vacarme d’ailes et de cris. Elle entend cependant un coup de feu, un tir au jugé, les drôles ne souhaitant pas avoir fait tout ce chemin pour rien.

Un adulte les a entendus lui aussi, un photographe animalier qui s’était camouflé si bien que Aurore ne l’avait pas aperçu. L’homme sorti de son repère, hurla après les deux garçons qui prirent leurs jambes à leur cou, coururent jusqu’à leurs bicyclettes et partirent sans demander leur reste. Le photographe s’en alla, lui aussi, ces maudits gamins avaient réduit à néant ses heures d’affût.

Aurore, restée seule sur la rive eut un pressentiment. Il lui avait semblé voir un oiseau au vol anarchique se poser un peu à l’écart, en bord de rivière tandis que ses semblables étaient partis bien plus loin. Elle voulait en avoir le cœur net. Elle se dirigea vers une petite pelouse poussant miraculeusement au milieu d’une grève.

Un oiseau mesurant un peu plus d’une vingtaine de centimètres était là, couché sur le flanc, avec une petite marque rouge sur son ventre blanc. Ses pattes, très fines et courtes tremblaient. Aurore le prit dans ses mains, il était léger, moins de deux cents grammes. Elle sentait l'accélération folle de ses battements de cœur même si son corps demeurait chaud et doux. La petite ne put s'empêcher de pleurer.

Elle caressa le corps meurtri. La petite caresse suffit à faire ressortir un plomb qui a bout de course n’avait fort heureusement pas fait de gros dégâts. C’est la surprise et le choc qui avaient déséquilibré le vanneau qui s’était en peu assommé en chutant de ce tapis moelleux. L’animal retrouva vite ses esprits. La petite avait sans doute un pouvoir dont il ignorait tout.

Aurore s’en rendit compte et le libéra. L’oiseau tout en sautillant s’approcha d’elle sans crainte et lui dit : « Merci de m’avoir secouru gentille jeune fille. Tu m’as débarrassé de ce vilain plomb. Je t’en suis reconnaissant ! » La fillette n’en revenait pas, un oiseau qui parle, ça ne se peut pas. Le vanneau comprit son étonnement et continua : « Ne sois pas inquiète, si tous les oiseaux s’expriment par leurs chants mélodieux, il y a quelques rares humains capables de comprendre notre langue. Des fées ont dû se pencher sur ton berceau, tu es de ces heureux élus ! »

La gamine accepta cette explication aussi incroyable pouvait-elle être. Elle fréquentait les animaux depuis si longtemps qu’elle avait déjà eu le sentiment de les comprendre. Ils le lui rendaient bien d’ailleurs, jamais un animal ne se montrait agressif à son approche, y compris les molosses portant muselière que de curieuses personnes promenaient sur les quais de la ville.

Aurore caressa la huppe du vanneau, elle était fascinée par ce délicat couvre-chef et plus encore, enchantée de pouvoir réaliser ce qui avait toujours été pour elle un rêve impossible. Le vanneau prenait lui aussi grand plaisir à cette marque d’affection. « Délicieuse enfant, nous sommes le jour de la Saint Nicolas. Moi aussi, je dispose de pouvoirs magiques qui ne s’expriment que ce jour si particulier. Que veux-tu mon enfant ? »

Aurore cette fois n’en croyait pas ses oreilles. Ces histoires de vœux à réaliser lui avaient toujours paru être de sornettes inventées par les faiseurs d’histoires. Elle se souvenait d’ailleurs avec tendresse des animations au château voisin de Meung-sur-Loire, quand les enfants se réunissaient pour écouter un vieux monsieur leur raconter des contes merveilleux. Elle avait souvent souri devant la naïveté de ces récits.

La jeune fille redevenue enfant se mit à sourire benoîtement à l’oiseau. Elle lui parla, ce qu’elle n’avait jusqu’alors pas osé faire. « Tu es adorable petit oiseau. Quel vœu voudrais-tu que je fasse ? Je ne vais tout de même pas te demander des richesses ou des choses plus extravagantes encore. Je vis simplement et je n’ai pas l’intention de changer quoi que se soit à cela »

L’oiseau fut ému de cette remarque. Il se dit qu’il avait trouvé là une enfant qui sortait de l’ordinaire, un gamine qui n’avait sans doute aucun point commun avec les enfants de son âge. Pourtant il fallait qu’elle réclamât un pouvoir, qu’elle exprime une demande. Il le lui devait et c’était pour lui la seule manière de lui être redevable.

L’oiseau insista. « Aurore, tu dois me demander quelque chose, sinon ma guérison n’aura pas de sens. Toi seule peut me redonner vie durablement par la seule expression d’un désir que j'exaucerai. L’enfant fut alors persuadé de la gravité du moment, il lui fallait exprimer un vœu sinon le vanneau allait retrouver les affres de la souffrance.

Aurore, qui était la plus heureuse des enfants, touchait en cet instant un bonheur ineffable. Elle voulait qu’il perdure tout au long de son existence, qu’importe les aléas de la fortune ou ceux de la réussite. Elle vivait dans l’instant des moments qu’elle souhaitait éternels. Elle se dit qu’il y avait sans doute là la plus précieuse de toutes les richesses de ce monde.

« Bel oiseau » lui dit-elle, « puisque tu me demandes de te réclamer un prodige, un pouvoir merveilleux, j’ai envie dans l’instant de solliciter une don unique dont tu viens de me faire toucher la magie. Puis-je toujours être en mesure de communiquer avec tous les animaux de la création, je ne conçois pas plus beau vœu que celui-là. »

Le vanneau fut enchanté d’une telle requête. Sa huppe se dressa sur sa tête, il prit son envol et avant de la quitter, dans un battement d’ailes, lui insuffla ce pouvoir merveilleux. Depuis ce jour, Aurore, arpente les grèves et les prairies, les forêts et les plaines. Beaucoup pensent que la gamine qui parle ainsi à haute voix a perdu la raison. Il font là la plus grande erreur qui soit. Elle est toujours en conversation avec tous les animaux ! Il n’est pas créature humaine plus heureuse que cette merveilleuse gamine tandis que ces semblables casques sur la tête, passent leur temps sur leurs écrans …

Anthropomorphiquement sien

 



8 réactions


Réagir