La refondation social-démocrate et l’écologie (II)
Cet article est le second de la série issue d’un travail commun de réflexion fait dans le cadre de la rédaction du manifeste de socialisme et démocratie (2007).
II.La question écologique au sein de l’idéologie social-démocrate
A.Progrès et écologie
Dans sa troisième tribune au nouvel observateur « La nouvelle bataille des valeurs », Dominique Strauss-Kahn aborde le problème écologique à travers la notion de progrès : Comment achever l’esquisse d’une refondation de la gauche sans revenir sur la notion de progrès ? Cette dernière n’est plus à la mode. Le repli sur elle-même d’une société inquiète laisse douter du progrès social ; les bouleversements environnementaux font voler en éclats l’illusion de l’asservissement sans limites de la nature ; l’émergence de nouvelles interrogations morales, liées par exemple à l’utilisation des cellules souches ou des OGM, effraie autant qu’elle fascine. La défiance qu’inspire l’idée de progrès se nourrit de l’opacité qui entoure les expérimentations scientifiques comme les grands choix technologiques, notamment en matière énergétique. Aussi est-il sans doute nécessaire de placer ceux-ci sous un rigoureux contrôle démocratique. Mais refuser toute dérive scientiste ne nous dispense pas de renouer avec le règne de la raison, qui est, depuis deux siècles, la marque des progressistes. Rejeter frénétiquement l’expérimentation scientifique, s’abriter couardement derrière la recherche du « risque zéro », voilà qui pave la voie d’un retour de l’obscurantisme que la vénération de la nature tente d’habiller idéologiquement. C’est, ici encore, l’identité même de la gauche qui est en jeu. Réel et donc rationnel : tel est le socialisme que je veux aider à refonder. »
La social-démocratie est fondamentalement attachée à la rationalité des solutions, elle est intimement liée à un optimisme quant à la capacité de trouver des solutions scientifiques et techniques aux défis qui se posent à nous, donc ici aux problèmes écologiques. Ceci ne veut cependant pas dire que l’on peut tout laisser faire aujourd’hui et que l’on croit toujours pouvoir trouver une solution demain.
Sur un problème aussi nouveau que celui de nos sociétés qui découvrent subitement les limites imposées par un écosystème aux capacités limitées, il est difficile d’avoir du recul et des certitudes : les OGM sont-ils totalement mauvais ou représentent-ils aussi un espoir ? Nos capacités de piégeage des gaz à effet de serre seront-ils suffisants pour continuer avec notre modèle énergétique actuel ou y-a-t-il urgence à en changer ? Ces questions n’ont à ce jour pas de réponses évidentes et certaines. Cependant, nous défendons deux idées :
- Le recours « au principe de précaution » est une illusion mensongère, un alibi pour justifier une démission du politique. Nous avons le devoir de défendre la solution qui semble rationnellement la meilleure
- La morale est un juge de paix. Nos décisions doivent être en accord avec nos choix d’humanisme, de respect des libertés, de défense de l’égalité, de préservation des générations futures. Les avancées de la science et de la connaissance, allant de pair avec la démocratisation, limitent les effets éventuellement pervers de la technologie. Il nous faut simplement intégrer le fait nouveau que le problème écologique résulte d’un problème de pression de nos sociétés sur l’écosystème planétaire.
B.Une écolo-idéologie ?
Il serait prématuré de prétendre avoir une écolo-idéologie, mais on peut essayer d’en
tracer les contours :
- Le droit écologique doit être aux sociétés ce que sont les droits fondamentauxaux hommes et aux citoyens.
- Nous défendons l’idée que l’écologie est un élément de citoyenneté, elle implique chacun d’entre nous, dans un mouvement commun, vers un but commun.
- Nous défendons l’idée d’une société qui a compris qu’elle n’évoluait pas dans un espace infini, et ne disposait pas de ressources inépuisables.
- Nous devons adopter, non pas une orientation scientiste sur ce problème, mais une orientation responsable, morale et scientifiquement réfléchie.
- Nous voulons avoir une action collective et volontariste de manière à diminuer autant que faire se peut notre pression collective sur l’écosystème.
- Nous devons pouvoir évaluer l’impact sur l’environnement de chacune de nos décisions politiques.
- Nous devons favoriser et donner un accès égalitaire aux technologies écologiques : c’est notre intérêt collectif.
- Nous devons promouvoir ces idées auprès de tous les peuples et les aider dans ce combat.
En terme d’outils, nous voulons nous doter d’outils qui garantissent la croissance économique et qui vont dans le sens d’une diminution de notre pression écologique : nos modèles énergétiques, de transport, d’organisations industrielles, d’urbanisme et de santé sont à retravailler.
Nous défendons l’idée d’une croissance économique compatible avec les impératifs écologiques. La croissance ne s’oppose pas aux impératifs écologiques si on choisit des modes de production et de consommation adaptée. Elle sera même un outil qui
renforcera ce mouvement dès que les modèles de développement durables qui incluent le coût de la trace environnementale auront été largement mis en place. Au contraire, l’écologie peut être source de croissance économique par la production de nouveaux biens (matériaux isolants, énergies propres, produits et matières recyclées).
Ecologie et énergie
Sur ce point clé, on peut partir de quelques constats :
- Quel que soit le choix du futur mix énergétique, l’avenir énergétique est à l’électricité, éventuellement au pneumatique.
- Notre production d’électricité ne doit pas dépendre (pour des raisons de
- réchauffement et d’épuisement des ressources) de sources fossiles
- Aujourd’hui, nous sommes incapables d’assurer une production énergétique suffisante à partir des énergies renouvelables à court ou moyen terme. L’utilisation de centrales totalement écologiques est à développer, mais en l’état, on peut difficilement espérer à court terme une production écologique centralisée supérieure à 20% de notre besoin. Cette piste doit cependant être expérimentée.
- Nous avons des centrales nucléaires, donc utilisons les (fermer les centrales avant leur fin de vie serait une aberration économique et énergétique) ; c’est un énorme atout, profitons en.
Enfin, le nucléaire nous donne une longueur d’avance pour entamer la mutation de
l’économie vers l’après-pétrole.
Nous défendons la sortie raisonnée du nucléaire, c’est à dire quand on pourra le remplacer par des énergies plus sûres et moins polluantes. Il est impératif que cette sortie ait un sens, c’est à dire fondée sur des critères rationnels, objectifs et connus qui permettent d’affirmer qu’à besoin égal, le système de production est plus sûr, a moins d’impact sur l’écosystème et qu’il est économiquement viable.
Il faut être capable de produire l’énergie nécessaire à un horizon raisonnable, mais en changeant si nécessaire et progressivement les chaudières nucléaires par quelque chose qui pose objectivement moins de problèmes (en regard des critères évoqués plus hauts). Cela peut se faire entre autre en remplaçant par exemple deux centrales nucléaires de 2ème génération par une de 4ème.
Nous devons nous doter d’un mécanisme qui montre clairement la voie, qui permet de tracer le chemin à parcourir et de mesurer ce qui a été parcouru. Il faut donc préparer notre transition vers l’après nucléaire, même s’il est plus lointain que l’après pétrole.
Nous devons instaurer des normes drastiques pour développer les constructions HQE et corriger les erreurs de l’existant.
Dans toutes nos actions, nous devons faire un bilan écologique pour identifier nos
faiblesses et nos axes de progrès en matière de développement durable. Nous devons privilégier les technologies les moins énergivores et les plus propres, et les promouvoir par un système de taxe variable en fonction des qualités écologiques des produits (+X% pour les polluants, - X% pour les plus écologiques), en particulier pour les transports (ndr : ce texte a été écrit bien avant les éco-taxes Borloo !).
Le débat sur une hypothétique baisse volontaire de la demande en énergie (par le biais de la décroissance), doit être décorrélé du choix de la technologie de production.
Action volontaire sur l’écosystème
Nous devons évaluer la possibilité et les conséquences d’une action volontaire de modification des écosystèmes et des conditions climatiques comme par exemple :
- piégeage en sous-sol des émissions polluantes
- création d’écosystèmes forestiers pour créer des puits de carbone
- actions de contrôle de l’atmosphère (comme l’envoi de satellites parasols pour faire de l’ombre et empêcher le dégazage du permafrost)
Actions internationales
Avec nos partenaires Européens, nous devons être le fer de lance du programme
Reach d’évaluation des substances chimiques sur l’homme, en interdire les plus dangereuses et développer la recherche d’alternatives technologiques respectueuses de l’environnement.
Avec nos partenaires Européens, nous devons définir une nouvelle Politique Agricole
Commune qui favorise le respect de l’environnement.
Avec nos partenaires Européens, nous devons définir une politique commune des
transports de marchandises qui mette fin au dumping social et aux subventions
déguisées aux transporteurs routiers, et qui investit dans les infrastructures nécessaires au ferroutage et au transport fluvial.
Au niveau mondial, nous devons défendre l’idée de barrière pour les produits qui ne
respectent pas une charte écologique minimale.
III.Conclusion
Cette contribution est très insuffisante pour être à la hauteur du reste de notre corpus idéologique bien qu’elle ait été le résultat d’âpres discussions. Elle doit cependant contribuer à alimenter le débat sur le sujet de façon à proposer rapidement une offre politique responsable et cohérente sur le sujet.
La difficulté en ce qui concerne l’écologie en politique est d’éviter de proposer un catalogue d’idées plus ou moins bonnes et de ne pas prendre le recul nécessaire pour une réflexion politique cohérente sur l’écologie, ou a contrario de nier le problème pour mieux le noyer dans un scientisme aveugle.
Les problèmes écologiques résultent d’un conflit entre les sociétés (qui croissent et
exercent une pression de plus en plus forte) et l’écosystème qui a des capacités limitées d’absorption de cette pression.
En apparence, il est plus facile de jouer sur les ressorts individuels que sur une
conscience collective. Cependant, l’individualisme sur le problème écologique est au
mieux voué à l’impuissance, au pire source d’accélération des conflits entre nos
sociétés et l’écosystème, et des problème de santé de nos semblables.
Enfin, une des clés aux défis écologiques réside dans nos choix énergétiques. Nous
fonctionnons actuellement avec un modèle énergétique souple, puissant mais très
préjudiciable aux écosystèmes. Si nous réussissons à basculer vers un meilleur modèle de production d’énergie, nous aurons réussi à relever une partie importante de notre défit écologique.
La société, sa vie, ses progrès, entrent totalement dans le champ politique social-démocrate. C’est dans ce sens que nous considérons qu’il faut traiter l’écologie comme un problème politique et qu’il faut en tenir compte dans notre corpus idéologique et réussir à faire la synthèse entre une position « rationaliste » (le besoin d’une République qui réponde efficacement aux problèmes) et une position « affective » (l’aspiration des citoyens à une vie saine et harmonieuse).