Le ridicule ne tue pas. La preuve, il n’y a pas d’hécatombe parmi les dirigeants d’EELV
Ces jours-ci, Bordeaux va devenir le centre du monde. Ou du moins de la France. A moins que ce ne soit plus exactement du microcosme politique. Selon ce qu’en diront quelques journalistes désœuvrés en cette fin maussade de vacances estivales.
Mercredi 20 août, Alain Juppé a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2017, qu’il devra soumettre au barrage d’une hypothétique primaire de l’UMP. Ce faisant il attire le regard des médias, dont il espère qu’ils n’auront d’yeux que pour lui, sur la ville dont il est maire et qui accueille du 21 au 23 aout les Journées d’été d’Europe Ecologie Les Verts. Les militants ayant fait le déplacement devraient y fêter dans l’allégresse et l’insouciance d’une mémoire plus que chancelante le 30ème anniversaire de leur parti, et accessoirement les 40 ans de l’écologie politique version française.
La direction du parti tentera de maintenir l’ambiance à un niveau au moins égal à celui des trois dernières années, qui, malgré Fukushima, était celui de la bonne humeur. Bien que cette année la présence d’aucun ministre n’égayera ces journées. Pas même celle de Ségolène Royal. Ils étaient pourtant quatre, l’année dernière à Marseille. Mais entre temps Valls est devenu Premier ministre. Pour autant rien ne devra ternir ces journées commémoratives, même si, au cours de cette même année, deux nouvelles figures tutélaires (Noël Mamère qui fit le meilleur score écologiste à une présidentielle, et Marie-Christine Blandin qui fut la première femme et première écologiste à présider un conseil régional ; sans parler d’Isabelle Attard, députée du Calvados, qui a quitté EELV pour Nouvelle Donne) ont préféré abandonner le navire qui leur semble prendre l’eau de toutes parts.
Et comme sur le Titanic pendant le naufrage, l’orchestre jouera donc jusqu’au bout.
C’est qu’à EELV également, le ridicule ne tue pas. Et bien des dirigeants actuels n’y sont pas avares en manifestations de cet ordre.
Ne s’étant pas satisfait du succès médiatique obtenu lors des européennes de 2014 par l’inénarrable préservatif sur lequel était imprimé leur slogan : « Donnons vie à l’Europe », et cela afin de fêter tout aussi dignement leurs anniversaires, les dirigeants d’EELV remettent ça. Il sera attribué des prix : « Parmi eux, le prix "castor" du vêtement le plus écolo. Parmi les nominés : la robe à fleurs de Cécile Duflot, les bottes de Jean-Vincent Placé, la tenue de castor qu’utilisa Antoine Waechter pour un clip ou le fameux pull rouge du premier candidat écolo à la présidentielle, René Dumont ».
Autrement plus inquiétant, les deux ministres ayant débuté la liste, limitée jusqu’à présent à quatre, des ministres EELV, Dominique Voynet et Yves Cochet flinguent leur parti avec le même mot : adolescence. Pour l’une, à 30 ans il n’est pas sorti de sa crise d’adolescence, pour l’autre il en est encore à sa phase post-adolescente. Les Placé, De Rugy, Pompili et Duflot, laquelle sort son livre en forme de règlement de compte au lendemain des journées mais dont les pages sont déjà abondamment commentées, doivent avoir les oreilles qui sifflent.
Profitant du chaos, Jean-Luc Bennahmias, qui fut secrétaire national des Verts de 1997 à 2001, avant de rejoindre le Modem et en devenir vice-président, est invité à la plénière de samedi alors même qu’il vient de fonder un tout nouveau parti, le Front démocrate. Autrement dit la porte lui est grande ouverte pour lui permettre de « faire ses courses » lors de ces journées et d’y débaucher des militants. C’est le monde à l’envers.
Emmanuelle Cosse, la secrétaire nationale et porte-voix de Cécile Duflot, de son coté a tenu à ne pas être en reste. N’a-t-elle pas annoncé que la transition écologique serait au cœur de ces Journées, que les écologistes restent très mobilisés sur le dossier de Fessenheim, et que si « le texte [de loi sur la transition énergétique] a des lacunes », néanmoins il « est un bon point de départ car c’est le premier texte en France qui va contingenter l’énergie nucléaire » ? Quand en réalité il est plus probable, selon Noël Mamère, que « face au lobby nucléaire, Ségolène Royal a capitulé en rase campagne ».
Quelle meilleure démonstration d’une distorsion de la réalité dans laquelle s’ébattent les dirigeants d’EELV, et si bien incarnée par les propos de sa secrétaire nationale, que celle qu’offre à qui veut bien le lire le programme (lire notamment les commentaires !) de ces trois journées de réflexion ? On y constate en effet que la question du nucléaire, en dehors d’un seul atelier sur une centaine, est évacuée. Ainsi que celle du débat sur la loi de transition énergétique. Lequel est pourtant censé, si l’on en croit Emma Cosse, être au centre de ces journées…
Heureusement pour les dirigeants d’EELV que le ridicule ne tue pas ; il ferait une hécatombe.
Patrick Samba