Perspectives d’avenir : la ville du 3e millénaire
Des échos du Salon européen de la recherche et de l’innovation 2006. Même si l’on peut regretter que de (trop) nombreux grands groupes, appuyés par les pôles de compétitivité, trustent ce salon à vocation scientifique, il s’y déroule de très intéressantes conférences, où sont abordés les thèmes qui font l’actualité de la recherche. Il en a été ainsi le 8 juin sur les thèmes très liés que sont la ville du 3e millénaire et la construction durable.
Il n’aura échappé à personne que nous vivons une période d’urbanisation vigoureuse. En 2030, 61% de la population mondiale vivra en agglomération. L’écosystème dans lequel l’espèce humaine vivra désormais sera donc la ville, et ce phénomène est particulièrement massif dans le Sud où les taux de croissance urbains sont les plus importants. L’enjeu évoqué par le chercheur Pierre Veltz est le suivant : qu’allons-nous faire avec ces méga-cités, qui, telles Dhaka ou Lagos, se développent à une allure folle, sans que l’urbanisation, en termes d’infrastructures lourdes, arrive à suivre ? Sans compter que, si l’époque récente a vu les inégalités diminuer entre les régions, celles-ci ont fortement augmenté en intra-urbain (particulièrement en France).
Pourquoi la croissance des (grandes) villes ? Fluidité des communications et polarisation
Le phénomène de la mondialisation des échanges est à relativiser. En effet, on observe que l’économie mondiale relie de très grands pôles, les cités-états, formant une économie en archipels avec des flux qui circulent entre ces pôles. Le paradoxe est le suivant : plus les communications sont fluides, plus la polarisation est importante. Contre toute attente, le chemin de fer a provoqué un formidable processus de concentration. Le paradoxe n’est qu’apparent puisque, d’une part, les grandes villes n’ont dorénavant plus besoin d’un marché dynamique fort pour se développer (à l’exception notable des villes américaines). D’autre part, la fluidité a permis de révéler les avantages économiques de l’agglomération, par rayonnement : économies d’échelle, diversité, émergence de services nouveaux et sophistiqués, assurance par rapport aux incertitudes économiques (à l’échelle des individus et des entreprises). A tel point que ville et mobilité est pratiquement devenu un pléonasme, la capacité de mobilité faisant la dynamique urbaine. Une bonne illustration du paradoxe est le développement du e-commerce, qui se fait essentiellement en zone dense.
La ville : objet socio-technique hyper-complexe
Il est illusoire de penser qu’il sera possible de réaliser avec les villes du Sud, en quelques dizaines d’années, ce qui s’est fait en plus de deux siècles pour les villes occidentales. Il n’est qu’à voir un plan des égouts de Paris en 1889 pour prendre conscience du manque d’infrastructures flagrant des villes concernées.
La ville est l’objet technique le plus complexe que l’humanité ait inventé, bien plus que toutes les automobiles, avions ou autres fusées. En effet, quel autre système technique ouvert voit circuler en son sein des êtres humains, qui sont autant de centres de décision asynchrones et décentralisés ? Ainsi, il s’avère qu’en matière de circulation, c’est le fait de donner de l’information, et non le dirigisme, qui est le plus efficace. La ville est à ce point complexe qu’elle va jusqu’à dessiner le développement des technologies (le téléphone portable par exemple, objet urbain par excellence). Et jusqu’à sa structure, qui est finalement le fruit de décisions prises par des individualités.
Apparaît ici un autre paradoxe, dû à la structure radiale des grandes villes. L’attrait de la ville a entraîné l’augmentation du prix des logements en Centre ville, ce qui a provoqué le développement de la périphérie et celui de l’automobile qui est devenu le moyen de transport indispensable des plus pauvres ...
A la recherche d’un schéma de croissance urbaine durable
Ainsi, un habitant de grande banlieue dépense 4 fois plus d’énergie pour ses déplacements liés au travail qu’un habitant intra-muros. Par ailleurs, la pollution apportée par le modèle actuel de croissance entraîne non seulement de la pollution (air, nappes phréatiques, bruit...) mais aussi des inégalités, alimentant des ressentiments et entraînant ce que certains nomment un "état de guerre refroidie". L’avènement d’un modèle de croissance urbaine durable passera nécessairement par la sobriété en matière d’énergie, la réduction des diverses pollutions et une meilleure répartition des avantages liés à l’urbanité.
Pour compléter ce panorama prospectif, je vous invite à consulter le supplément "Ville et mobilité durables", du numéro de juin du mensuel La Recherche.