mardi 13 mars 2018 - par Bertrand Cassoret

Se fournir en électricité verte

Cet article est extrait du livre "Transition énergétique. Ces vérités qui dérangent ! " sorti en mars 2018 aux éditions De Boeck.

Certaines compagnies d’électricité vendent une électricité soi-disant uniquement produite à partir de sources renouvelables. J’estime que c’est à la limite de la publicité mensongère. D’abord, parce que l’électricité correspond à un flux d’électrons qui se mélangent dans les câbles interconnectés : imaginons un fleuve alimenté par plusieurs affluents, et dans lequel certains pomperaient en affirmant que leur eau ne provient que de tel ou tel affluent… D’autre part ces compagnies achètent effectivement chaque année autant d’énergie électrique d’origine renouvelable qu’elles en vendent, mais pas en temps réel : la puissance appelée par les consommateurs est bien souvent supérieure à la capacité de production des moyens renouvelables. Il est donc faux de penser qu’on ne consomme pas d’électricité nucléaire ou fossile parce qu’on est abonné chez un fournisseur d’électricité verte.

Le seul moyen d’être certain de consommer de l’électricité renouvelable locale serait de ne pas être raccordé au réseau et de stocker son électricité. Mais vu la difficulté du stockage, ce type d’installation n’est actuellement pas compatible avec une consommation « normale ». Certains refuges de montagne non raccordés au réseau électrique stockent dans des batteries l’électricité des panneaux photovoltaïques. Cela permet de s’éclairer quelques heures le soir mais aucunement de faire fonctionner des lave-linge, téléviseurs, ordinateurs, plaques de cuisson, fours, cafetières… On peut d’ailleurs s’interroger sur la pertinence écologique de l’autonomie étant donné l’impact environnemental des batteries. D’autre part, le « chacun pour soi » est-il préférable à la solidarité des échanges ?

Dans cette logique, certains territoires, comme certaines maisons, prétendent être « à énergie positive ». On confond souvent alors énergie et électricité : si un territoire peut produire plus d’électricité qu’il n’en consomme, cela ne signifie pas qu’il est à énergie positive puisque l’électricité représente moins du quart de la consommation d’énergie. D’autre part on retrouve le problème de l’intermittence et du stockage : à moins de disposer d’une géographie très favorable permettant une production d’électricité renouvelable pilotable par des moyens comme l’hydroélectricité ou des centrales au bois, des échanges d’électricité sont nécessaires pour assurer la disponibilité de la puissance électrique à chaque instant. Ces territoires ou maisons peuvent produire en moyenne plus qu’ils ne consomment grâce à des éoliennes ou panneaux solaires, mais ils absorbent à certains moments de l’électricité produite ailleurs. Dans un de sces rapports, Réseau de Transport de l’Electricité prend l’exemple d’une ville qui réussirait à produire chaque année autant d’électricité qu’elle en consomme grâce à l’éolien et au photovoltaïque et précise que "bien que la puissance installée renouvelable soit pratiquement le triple de la puissance consommée à la pointe, cette ville aura cependant besoin de la même capacité de réseau pour sécuriser son alimentation (sauf à lui substituer un stockage local, une production de secours locale ou organiser des effacements) " [RTE].

Symbolique, l’île d’El Hierro aux Canaries est présentée comme énergétiquement autonome grâce aux énergies renouvelables. Là encore, on confond électricité et énergie, les avions, bateaux et voitures fonctionnant très peu grâce à l’électricité… Cette île à faible densité de population a la chance de bénéficier d’une géographie très favorable : beaucoup de vent pour les éoliennes, et surtout du relief permettant un stockage par STEP grâce à deux énormes bassins de rétention d’eau de 150 000 m3 séparés par 650 mètres de dénivelé. En réalité, durant le deuxième semestre 2015, c’est le fioul qui a assuré en moyenne 70 % de la production d’électricité. Sur les deux premières années de fonctionnement, l’île n’a réussi à se passer de fioul pour la production d’électricité que pendant vingt-quatre heures. C’est déjà un exploit, et il est possible que les performances futures s’améliorent. Mais cette technologie n’est absolument pas généralisable à des territoires plus densément peuplés, moins ventés, et surtout ne disposant pas de collines ou de montagnes pour y créer d’immenses bassins de rétention d’eau.

 



15 réactions


  • Clark Kent Clark Joseph Kent 13 mars 2018 08:38

    autrement dit, c’est une intox de green-washing destiné à faire passerla manip qui consiste à facturer une énergie que l’on ne produit pas et que l’on n’achemine pasen prélevant un droit d’octroi au passage


    c’est plus juteux pour les privés que les autoroutes qui, elles, doivent être entretenues !

    ça s’appelle du racket

  • zygzornifle zygzornifle 13 mars 2018 09:05

    Pauvre Cloclo il a raté ça , se prendre une méga châtaigne au jus écolo , de quoi passer de vie a trépas avec le sourire aux lèvres ....


  • Croa Croa 13 mars 2018 09:15

    Ceux qui croient acheter de l’électricité verte se font évidemment arnaquer. Ces achats sont tout de même de bonne intention, qu’ils existent sont un signal. La seule manière de consommer vert consiste à produire sa propre énergie, et mieux, si possible d’en produire plus qu’on en consomme. L’auteur a raison de dire qu’il est pratiquement impossible de produire plus qu’on ne consomme globalement... Car effectivement nous ne consommons pas que de l’électricité. MAIS produire plus d’électricité qu’on en consomme c’est déjà ça et ce n’est pas rien. La solution ce n’est pas l’autonomie mais la revente, ainsi nous consommons parfois du nucléaire, ce qui hélas n’est pas de notre choix, mais fournissons aussi du vert aux voisins lorsque le soleil brille smiley . En produisant plus qu’on ne consomme c’est encore mieux que d’être autonome via des batteries, non ?
    Perso, j’ai un toit solaire et je produit bien plus que je ne consomme. J’ai tout le confort mais mon chauffage n’est pas électrique c’est vrai. Toutefois, en brûlant du bois je ne produit que du CO2 accumulés par les arbres donc bilan zéro coté chauffage. Avec mes déplacements pas sûr que mon bilant soit d’avenir mais bon... On va y arriver !  smiley smiley smiley


    • JC_Lavau JC_Lavau 13 mars 2018 09:20

      @Croa : «  je ne produit que du CO2 ». Et qu’est-ce que ça peut bien foutre, ô crédule incorrigible ?


    • Calva76 Calva76 14 mars 2018 06:55

      @Croa
      Évidemment si l’énergie « verte » se résume aux célébrissimes patates électriques du mage bonimenteur CABANEL on ne va effectivement pas allez très loin... smiley


    • Calva76 Calva76 14 mars 2018 07:09

      @Croa
      Plus sérieusement en tant que producteur d’électricité depuis 11 ans (photovoltaïque, éolien et cogénération gaz naturel) je peux malheureusement vous assurer que les innombrables tracasseries administratives et réglementaires ne font qu’inciter à l’autonomie et certainement pas à la mutualisation par la revente. smiley C’est très dommage mais c’est ainsi.
      Par exemple, l’arrogance et les frais exorbitants d’ENEDIS pourrait bien me motiver à passer au PowerWall de Tesla (par exemple) à moyen terme (2 ans ?).


  • nono le simplet 13 mars 2018 09:41
    l’île d’El Hierro aux Canaries ...durant le deuxième semestre 2015, c’est le fioul qui a assuré en moyenne 70 % de la production d’électricité

    on est en 2018 !
    en 2016 c’était 41 % par le renouvelable avec 500 h à 100%
    en 2017 dans les 46 % (décembre non connu)
    de plus les mois de septembre, octobre et novembre sont souvent les moins bons !

    faire des démonstrations en prenant de vieux chiffres est malhonnête
    de plus cette manie du 100 % sinon ça ne vaut rien est ridicule !


    • nono le simplet 13 mars 2018 09:48

      @nono le simplet
      de plus, avant 2014 c"était 100 % fioul !


    • Bertrand Cassoret Bertrand Cassoret 13 mars 2018 09:55

      @nono le simplet
      46% renouvelable, on reste loin du 100% électricité renouvelable (et encore plus loin du 100% énergie renouvelabe)
      "C’est déjà un exploit, et il est possible que les performances futures s’améliorent. Mais cette technologie n’est absolument pas généralisable à des territoires plus densément peuplés, moins ventés, et surtout ne disposant pas de collines ou de montagnes pour y créer d’immenses bassins de rétention d’eau."


    • nono le simplet 13 mars 2018 10:01

      @Bertrand Cassoret
      46% renouvelable, on reste loin du 100% électricité renouvelable


      merci de corroborer ce que je dis smiley
       si c’est pas 100% tout de suite ça ne vaut rien ... passer de 0 % à 50 % en 4 ans c’est sûr ce n’est pas très performant smiley

  • sls0 sls0 13 mars 2018 14:57

    Il faut privilégier au maximum le renouvelable tout en sachant qu’atteindre 100% est impossible même en installant 6 fois la puissance de pointe. Ce n’est qu’un problème de stockage.

    Un peu de connaissances en physique, une simple règle de trois et on redescend sur terre.
    Il y a peut être 10-15 pays gâtés par la nature qui peuvent envisager ce scénario.
    Chez moi avec les alizées et un relief à barrage c’est envisageable surtout que les habitants sont sobres.
    Dans pas mal de pays c’est de l’ordre de la croyance ou idéologie.
    En ce moment une petite pompe de 300W envoit l’eau de ma citerne dans ma réserve d’eau de 3000l sur le toit.
    Il faut pas une heure pour remplir.
    Avec des seaux il me faudrait 4h et je serai crevé.
    On ne se rend pas compte de ce qu’est l’énergie, ces 3000l peuvent faire fonctionner un radiateur électrique 2 minutes.

  • Esprit Critique 13 mars 2018 17:07

    « électricité verte » n’a absolument et strictement aucun sens.

    A moins de savoir peindre des électrons en vert et d’autres en couleur CO2 qui reste a définir, et créer des compteurs électriques « Super Lincky » qui sélectionnent et orientent les électrons dans les tuyaux ! ?


Réagir