mercredi 23 octobre 2019 - par
Brexit à J-10 : Boris Johnson large maillot jaune
La semaine dernière a été encore riche en rebondissements avec l’accord trouvé par le gouvernement avec l’UE, puis le vote du parlement refusant de se prononcer sur l’accord, à moins de deux semaines de la date théorique de départ de l’UE. Mais à date, malgré la couverture partielle et partiale de bien des médias, c’est bien Boris Johnson le grand vainqueur des derniers mois, comme le note David Cayla.
L’UE avale son chapeau, la bulle Corbyn dégonfle
Bien sûr, bien des médias français ne retiennent que le vote d’opposition au gouvernement du parlement, et la manifestation des bobos londoniens. Pourtant, Boris Johnson, est, à date, le vainqueur des dernières semaines, tant d’un point de vue européen, que d’un point de vue intérieur, pour qui regarde de manière objective la situation. Un simple retour en arrière le confirme de manière implacable. Au début de l’été, les travaillistes étaient en si bonne position dans les sondages que Jérémy Corbyn ne cessait de demander une élection anticipée, et apparaissait partout comme le futur premier Ministre. L’UE, de son côté, se disait inflexible sur le backstop, position tenue jusqu’en septembre...
Bref, même s’il n’a pas encore gagné, Boris Johnson est le large vainqueur de la séquence des dernières semaines. L’UE s’est ridiculisée en cédant sur des points a priori non négociables. Il est particulièrement piquant de reprendre les déclarations de Michel Barnier début septembre : « le backstop représente la flexibilité maximale que l’UE puisse offrir à un Etat non membre. Ce dispositif est nécessaire pour préserver l’intégrité du marché unique européen et maintenir ouverte la frontière entre l’Irlande du Nord britannique et la république d’Irlande après le Brexit (…) d’eventuelles alternatives au filet de sécurité irlandais ne pourront être discutées qu’après la ratification de l’accord de retrait ».
Avec un premier Ministre prêt au « no deal », c’est l’UE, qui a cédé sur tout – le backstop, la primauté du droit européen, qui pourra être révoqué unilatéralement, et le calendrier -, comme Tsipras en 2015, dans un jeu de miroir inversé. Les considérations commerciales ont probablement pesé lourd dans le renversement de la dynamique de négociation en faveur de Londres, qui a mis Bruxelles échec et mat. Et d’un point de vue intérieur, même si le parlement continue à s’opposer à lui, Boris Johnson a considérablement renforcé sa position, comme l’indiquent les sondages, qui lui donnent une large majorité, avec des conservateurs qui pèsent autant que les travaillistes et les libéraux-démocrates réunis, poussant Corbyn à refuser l’élection qu’il demandait il y a peu, se décrédibilisant plus encore.
La dynamique est extrêmement favorable au locataire de Downing Street. En effet, il a fait reculer l’UE sur le point clé qui avait choqué et montré une capacité de négociateur efficace. Sa ligne conjugue la fermeté à l’égard de l’UE et le pragmatisme minimum pour essayer de sortir avec un accord le plus vite possible. Et les britanniques, passablement lassés par ces négociations, lui donnent de plus en plus crédit d’être parvenu à sortir les négociations de l’ornière et de proposer une fin à ce psychodrame. En refusant de coopérer, c’est le parlement qui aura probablement le mauvais rôle et risque d’en sortir discrédité. Toute la question est de savoir qui pourra avoir le dernier mot dans les prochains jours.
Bien sûr, l’issue est encore incertaine, même si Boris Johnson a très bien manœuvré. Nous ne sommes pas à l’abri d’un mauvais rebondissement de denière minute, comme en Grèce en juillet 2015. Voilà pourquoi, depuis 2012, je persiste à penser qu’une sortie de l’UE ne se négocie pas a priori, mais doit être unilatérale et immédiate, les rebondissements du Brexit me confirmant dans cette voie.