mercredi 31 mars 2010 - par Le Taurillon

Crise grecque et gouvernance européenne : les 6 questions qui font débat

L’élément déclencheur de la crise est la révélation du premier ministre Grec George Papandréou fraîchement élu, que son prédécesseur avait maquillé la dette grecque grâce à des produits financiers proposés notamment par Goldman Sachs.

Cependant la Grèce n’a pas été la seule à utiliser ces outils financiers, d’autres États de la zone Euro l’ont fait, notamment la France et l’Allemagne. À l’annonce des chiffres réels et face à la dégradation de la note de la Grèce, donnée par les organismes de notation internationaux (Ficht, Moody’s), les fonds d’investissement (les fameux « Hedge Funds ») parient à la baisse sur les résultats de l’économie grecque. Les financiers potentiels de la Grèce craignent une faillite du pays, ce qui le mettrait en cessation de paiement. Pour se prémunir contre ce risque, ils rehaussent le taux de leurs prêts pour la Grèce, celle-ci se retrouve donc à emprunter de l’argent (pour payer les intérêts des dettes précédentes et financer ses dépenses courantes) à des taux de 6 à 7% (contre 4% en moyenne pour l’Allemagne), ce qui fait gonfler le service de la dette. Ceci dégrade donc les finances publiques, et attise encore plus la méfiance des prêteurs : c’est un effet boule de neige.

La crise mondiale est-elle responsable ?

Bien sûr la crise mondiale a joué un rôle dans la dégradation des comptes publics mais les difficultés financières de la Grèce ont précédé la crise. La politique économique de la Grèce durant les 10 dernières années est mise en cause, et les hommes politiques grecs, jugés laxistes par l’Allemagne notamment. Comme le résume Dominique Strauss-Kahn : « Ce n’est pas uniquement une dette accumulée par la crise. C’est une dette accumulée par la politique menée par la Grèce depuis très longtemps. La situation aujourd’hui n’est que la cristallisation en quelque sorte des problèmes anciens ». Ce qui est mis en cause par là est le peu d’empressement de la Grèce à réduire son déficit structurel, elle est accusée d’avoir laissé filer ses dépenses publiques et de ne pas lutter assez efficacement contre la corruption (endémique dans le pays) et l’économie parallèle (qui représenterait jusqu’à 20% du PIB du pays, autant de recettes fiscales en moins pour l’État).

Quel serait l’intérêt de créer un Fonds Monétaire Européen ?

Créer une « cagnotte » (financée par les membres de la zone euro) qui pourrait être utilisée en cas d’urgence et en dernier recours si un état risque de faire faillite, avec pour double effet d’aider cet État concrètement et dans l’immédiat, et de rassurer les marchés.

La création d’un tel fond est envisageable, mais certainement pas à court terme. Le principal obstacle est qu’il faudrait réviser le traité de Lisbonne pour pouvoir créer une nouvelle institution européenne, ce qui est impossible à court terme puisqu’il faudrait une nouvelle ratification par les 27. Or on sait très bien le temps que cela peut prendre, sans parler du temps nécessaire pour négocier les modalités de mise en place D’autre part, après avoir entretenu le flou, Angela Merkel s’est prononcée contre une telle solution et envisageait une intervention directe du Fonds Monétaire International (FMI). La France, au départ défavorable à cette idée, voyant notamment dans l’intervention du FMI une humiliation pour la zone Euro, semble ne plus s’y opposer, ou du moins reste-t-elle silencieuse après la prise de position de Mme Merkel.

Pourquoi l’Allemagne s’oppose-t-elle a priori à un sauvetage de la Grèce ?

L’Allemagne a une longue tradition d’austérité monétaire, héritée de la crise de 1929. Depuis 10 ans ses hommes politiques ont engagé des plans d’austérité douloureux pour la population mais qui ont porté leurs fruits. Une partie de l’opinion publique allemande voit donc l’idée d’un sauvetage de la Grèce d’un très mauvais œil, pourquoi devraient-ils payer, eux, qui ont de meilleurs comptes publics, au prix de grands efforts, le sauvetage de la Grèce ? Mme Merkel se fait sans doute le relais de cette opinion et peut-être ne veut-elle pas décevoir son électorat. Enfin, Angela Merkel, joue peut-être un coup de bluff : en rechignant à annoncer le soutien financier de son pays en cas de faillite de la Grèce, elle fait pression sur la Grèce pour qu’elle tienne sérieusement ses promesses de réformes alors qu’en cas de faillite réelle, l’Allemagne s’engagerait finalement.

Et un gouvernement économique européen ?

Théoriquement prévu dans le traité de Maastricht qui crée l’UEM (Union Économique et Monétaire), il n’y a dans les faits que peu, voire pas, de coordination entre les politiques nationales des pays de la zone Euro. La crise l’a très bien démontré. Chacun a tendance à faire cavalier seul dans le cadre du marché commun. Ainsi, l’Allemagne, grâce notamment à une compression des salaires, est la championne des exportations.. Pour faire simple, elle sacrifie sa demande intérieure pour doper ses exportations, et accroît ainsi la concurrence intra-européenne. Si tous les pays de l’UE faisaient la même chose, personne n’exporterait dans l’UE. L’idée d’un gouvernement économique européen serait de coordonner les politiques nationales., Au lieu d’accroître la pression concurrentielle entre pays de l’UE, il faudrait favoriser la concurrence de l’UE sur le marché mondial, ce qui profiterait à l’ensemble des Etats.

La Grèce peut-elle sortir de la zone Euro ?

Le traité de Maastricht de permet pas l’éviction d’un État de la zone par les autres États. Angela Merkel y semble cependant favorable d’après sa dernière allocution devant le Bundestag (l’Assemblée nationale allemande).

Pourquoi cette crise fait-elle baisser l’Euro face au Dollar ?

Pour l’instant seule la Grèce subit une crise grave dans la zone Euro. Cependant, elle n’est pas la seule à avoir une balance courante négative et un déficit public important, c’est aussi le cas de l’Espagne, du Portugal, de la France et même du Royaume-Uni.’D’où la peur des investisseurs de voir cette crise se propager à d’autres pays de la zone, faisant ainsi chuter encore plus l’Euro. Ils n’achètent donc plus d’Euros, perçus comme peu sûrs. La baisse de la demande de l’Euro entraine ainsi une dépréciation de l’euro, c’est-à-dire une diminution de la valeur de l’Euro, face au dollar.

Pour la zone Euro la baisse de l’euro n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Pour les pays pris individuellement, cela dépend. Un Euro faible dope les exportations et renchérit les importations. Le problème tient à ce que tous les pays de la zone Euro ne profitent pas de la baisse de l’Euro : les pays exportateurs, l’Allemagne en tête en profitent, tandis que les pays peu exportateurs, dont la Grèce fait malheureusement partie, en souffrent. Cela signifie qu’il y a un risque d’aggraver l’effet boule de neige de la dette grecque et de pénaliser encore plus ce pays.

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Illustration : Pièce d’1€ grec

Source :Flickr, Taking Owls to Athens, par dullhunk



4 réactions


  • Laury 31 mars 2010 18:21

    Bonsoir a tous voila que surgisse les manquements de la construction Européenne.
    Qui peu imaginer une grande famille où l’entre-aide est proscrit où le chacun pour soit est encore de mise après 50 ans des problèmes qui n’était pas réglés a 7 et qui sont amplifiés a 27 ???
    Les problèmes de plus en plus de pays sur- endetté sont de plus en plus nombreux ,alors pour moi
    s’est la disolution de cette Europe où la sortie de l’Allemagne et non pas des autres pays !!!
    La solidarité ne peu marcher a sens unique !!


  • BA 1er avril 2010 00:27

    D’après le Fonds Monétaire International, en 2014, quelle sera la dette publique par rapport au PIB  ?

    La dette publique de l’Allemagne sera de 91,4 % du PIB.

    La dette publique de la France sera de 95,5 % du PIB.

    La dette publique du Royaume-Uni sera de 99,7 % du PIB.

    La dette publique de la Belgique sera de 111,1 % du PIB.

    La dette publique de l’Italie sera de 132,2 % du PIB.

    La dette publique de la Grèce sera de 133,7 % du PIB.

    C’est à la page 30  :

    http://www.imf.org/external/pubs/ft/spn/2009/spn0921.pdf

    Conclusion : les Etats européens sont tellement surendettés qu’ils ne pourront pas prêter de l’argent à la Grèce.

    La Grèce doit donc trouver de l’argent en empruntant sur les marchés internationaux.

    Mercredi 31 mars :

    A 18H00, le taux de l’obligation d’Etat grecque à 10 ans s’est inscrit à 6,522 %, contre 6,434 % mardi.

    Le différentiel avec le Bund allemand à 10 ans qui sert de référence sur le marché s’est établi à 343 points, contre 316 points en début de semaine, ce qui traduit les inquiétudes sur la dette grecque.

    Ce mouvement fait suite à l’émission obligataire de maturité à 7 ans, qui s’est déroulée lundi, avec un résultat mitigé et une demande moins importante que lors des précédentes opérations.

    A un climat déjà dégradé, est venu s’ajouter mercredi l’abaissement de la note des cinq principales banques grecques par l’agence Moody’s qui a donné lieu à un net mouvement de « fuite vers la qualité », a indiqué Jérôme Broustra, responsable de la gestion taux chez Axa IM.

    http://www.romandie.com/infos/news/201003311901070AWP.asp

    Lundi 29 mars : l’obligation grecque à 10 ans était à 6,289 %.
    Mardi 30 mars : l’obligation grecque à 10 ans était à 6,434 %.
    Mercredi 31 mars : l’obligation grecque à 10 ans était à 6,522 %.

    L’Etat grec ne pourra pas emprunter à des taux aussi élevés.

    La Grèce fonce vers le défaut de paiement.


  • bonsens 1er avril 2010 11:12

    ne se focalise t’on pas excessivement ( voire quasi uniquement ) sur la dette PUBLIQUE ( de plus sur la dette publique brute et non sur la dette publique nette , ce qui fait qu’ à « dette publique » équivalente , on ne distingue pas entre l’état qui posséde un joli patrimoine d’actifs rentables en portefeuille , et celui qui , ayant déja tout privatisé , n’a plus rien qu’il puisse négocier )

    Il me semble personnellement qu’un état dont la « dette publique » serait par exemple de 80 pour cent du PIB est dans un moins mauvaise posture si les acteurs résidents privés ( entreprises et ménages) sont prospéres ,peu endettés , constituant ainsi une base imposable saine et peu exploitée , qu’un état de « dette publique » 40 pour cent , où les acteurs privés sont en situation de surendettement important . Les marges de manoeuvre de cet état sont alors bien faibles ....
    Astuce ( utopique et irréalisable en l’état mais seulement destinée à faire réfléchir ) : si on répartissait et affectait nominalement la « dette publique » française entre les 22 millions à peu prés de ménages ainsi qu’entre les différents acteurs privés , on aurait une dette privée de l’ordre de celles de RU , USA ou Espagne et une dette publique .... nulle . Je gage qu’on nous foutrait alors la paix avec ces ratios dettes publiques sur PIB . En serions nous pour autant plus riches , collectivement ou individuellement : non , ni plus riches , ni plus pauvres . Nous aurions moins d’impots ( plus d’interets sur la dette publique à payer par l’impot ) , mais en revanche nous aurions des dettes privées à financer ( comme nos voisins cités plus hauts ) .
    Hummmm ????

     


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