mardi 26 mai 2009 - par Denis Szalkowski

Européennes 2009 : et toujours la question turque !

J’avais écrit ce texte le 12 mai 2007 sur Voie Militante. A 15 jours du scrutin du 7 juin 2009, à l’occasion des élections européennes, il conserve toute son actualité.

Un sujet central au coeur de la question européenne !

C’est un sujet sur lequel la France, la gauche et les socialistes sont aujourd’hui divisés. Sur cette question, plusieurs visions s’affrontent.

Les tenants de l’entrée de la Turquie déploient deux types d’arguments. Dans le prolongement de la construction économique et commerciale actuelle, l’entrée de la Turquie fournirait un marché supplémentaire. C’est la vision défendue par la Grande Bretagne, Tony Blair, Gordon Brown et le Labour dont la volonté d’intégration européenne reste à démontrer. Rappelons que La Grande Bretagne n’a toujours pas adopté l’euro ! Ce serait un comble de se faire imposer la vision d’un pays qui a, en grande partie, refusé l’Europe.

Certains socialistes français évoquent la nécessité d’ancrer un grand pays laïque dans une communauté de valeurs afin de l’éloigner des tentations obscurantistes de l’Islam. L’arrivée au pouvoir des Islamistes en 2002 a certes de quoi inquiété. Mais ce parti est arrivé au pouvoir par le suffrage universel. Il a donc toute la légitimité de mener les réformes que les Turcs lui ont confié.

Entrée de la Turquie en Europe La question de la Turquie pose en réalité plusieurs questions :

  • l’entrée de la Turquie permet-elle la construction d’une Europe politique ?
  • quelles sont les frontières de l’Europe ?
  • quelle est la vocation de l’Europe ?
  • quelles sont l’histoire et la culture de l’Europe ?

L’élargissement de l’Europe de 15 à 25, puis à 27 vient de signer l’arrêt de mort de l’Europe politique. Sans réforme institutionnelle préalable, l’élargissement nous condamnait à une vision réductrice de l’Europe : la constitution d’un grand marché acceptant de s’imposer de manière unilatérale les règles de l’OMC. Par les mécanismes de dumping fiscal, social, environnemental, l’Europe, aujourd’hui, nous plonge irrémédiablement dans la spirale du "Toujours moins", chère à notre nouveau Président. L’adhésion de la Turquie ne ferait que contribuer à accélérer encore un peu plus le mouvement. Au point où nous en sommes...

La question des frontières dans l’hypothèse de l’adhésion de la Turquie est clairement posée. La Turquie est située en Asie mineure. Si nous acceptions d’étendre les frontières de l’Europe à l’Asie, pourquoi ne pas accepter l’entrée de la Russie, du Maghreb, d’Israël ? La Turquie n’est pas en Europe. C’est une évidence qu’il est ici important de rappeler !

La possibilité aujourd’hui de signer un accord de partenariat renforcé visant à faciliter les échanges commerciaux entre les pays de l’Union et la Turquie devrait pouvoir satisfaire les tenants de la vision libérale de l’Europe. Si leur objectif est d’en faire un grand marché, en aucun cas, le grand marché n’est synonyme d’intégration politique, monétaire, culturelle. C’est même un contre-sens absolu de croire que l’Europe économique peut être constitutive de l’Europe politique. C’est hélas cette vision, celle des pères fondateurs, à laquelle se sont ralliés de nombreux socialistes au premier rang desquels il faut citer François Mitterrand, Jacques Delors et peut-être Lionel Jospin.

La dernière question est de loin la plus délicate, les partisans de l’entrée de la Turquie se chargeant vite de diaboliser leurs adversaires en les taxant d’islamophobie et de racisme. Pour autant, cette question n’est pas réductible à celle de l’Islam et de la laïcité. L’Europe a intégré les valeurs de l’universalisme et de l’humanisme prônées par les Lumières et la Révolution française. Ces valeurs sont fondées sur la séparation des champs privés et publics. L’Islam peut être compatible avec cette vision. Mais l’arrivée au pouvoir d’un parti islamiste dont l’objectif est d’abolir ces frontières anciennes, la légitimité qui est la sienne de mettre en oeuvre un régime islamiste nous donnent-ils le droit de croire à l’universalité de nos valeurs ? Les Turcs sont libres de leur destin. Laissons-les en décider. Ce chantage exercé sur l’hypothétique adhésion de la Turquie à l’Europe est un leurre. Les Turcs, dans leur immense majorité, ont compris qu’ils avaient leur destin entre leurs mains. De quel droit, irions-nous dicter aux Turcs une vision, un comportement, une société qu’ils semblent rejeter massivement ? Quelle image donnons-nous de nous-mêmes à la Turquie ? N’avons-nous pas à balayer devant notre porte ?

Crédit photo : Atlas géographique mondial



11 réactions


    • Internaute Internaute 26 mai 2009 12:53

      Ni même un partenariat économique. Vous ne croyez pas qu’avec l’Europe de l’Est les délocalisations nous ont déjà assez coûté ?


  • Internaute Internaute 26 mai 2009 12:50

    Je suis assez d’accord avec votre analyse sauf cette phrase. « L’Europe a intégré les valeurs de l’universalisme et de l’humanisme prônées par les Lumières et la Révolution française. »

    D’accord pour les lumières (siècle de Louis 14) mais ce n’est sûrement pas la Révolution Française qui a proné ces valeurs. C’est l’héritage chrétien qu’on a rayé du projet de constitution. D’ailleurs vous mettez le pape en photo et pas Robespierre. Les valeurs de la révolution française se résument à la guillotine. Passé la terreur, la France redevient vivable sous le 1° empire.

    Concernant l’Europe, je n’ai jamais vu l’intérêt d’une Europe politique. Je crois qu’une association de nations dans le respect mutuel est bien plus porteuse d’avenir qu’une nouvelle URSS dont les russes ont mis 3 générations à se défaire. Il faut privilégier les « associations momentanées » comme disent nos amis belges, regroupant sur des projets communs ceux qui ont envie d’y participer. L’Europe politique n’est qu’une machine à broyer les gens avec une cour de justice au-dessus de toute juridiction, une police incontrôlable qui sert à fliquer tout le monde, des commissaires qui veulent nous imposer leurs contraintes dans les moindres détails de notre vie privée et demain une armée qui enverra nos jeunes comme chair à canon dans le monde entier pour soutenir des objectifs inavouables cachés sous la propagande habituelle de la démocratie, des droits de l’homme.

    Non à l’Europe politique, sauvons-nous pendant qu’il est encore temps.


  • bahloul 26 mai 2009 14:50

    J’aurais juste deux ou trois point à souligner :

    La Turquie est en partie sur le territoire européen, de plus des pays comme Chypre ou Malte sont loin d’être, géographiquement et historiquement, relié à l’Europe
    Parlant de la laicité , je veux rappeler que certains pays européens sont loin de la laicité « à la francaise » : je citerais l’Italie comme exemple. et je doute du fait que refuser l’entrée de la Turquie car son gouvernement (et donc sont peuple) est musulman soit une trés bonne image d’Humanité

    Je tiens enfin à souligner le fait que je ne suis ni européen, ni turque ; Je me permet donc d’analyser la chose avec un peu d’objectivité et de recul.


  • michel 26 mai 2009 19:09

    J’aurais juste a me demander, qui donc aurait donné a l’europe le monopole de l’universalisme, et des valeurs de l’humaniste et l’aurait oté a tous les autres pays ou nations ou peuples habitants de cette planete:la terre ?

    L’on semble oublié que du temps de Louis 14, justement les frontieres de la turquie imperiale ottomane s’arretaient loin a l’interieur de l’europe !

    Quel est ce dictat qui nous obligerait de même a considerer que l’europe detient le monopole de l’humanisme ?

    La profondeur strategique de la Turquie est au nord et à l’est et non a l’ouest et ça le peuple Turque en est tres conscient !


  • Reneabel 26 mai 2009 20:16

    Bon article ! Mais les tenants de l’intégration de la Turquie ont le vent en poupe. Surtout les américains qui savent bien que le plus gros pilier de l’OTAN est, justement, la Turquie. De là, à Bruxelles (capitale de l’OTAN) les nombreux partisants d’une Turquie « européenne ».
    En fait, à moins de convertir l’Europe en un grand machin aux frontières floues, il conviendrait de tenir compte de l’histoire et de la géographie. Une Europe européenne doit avoir des frontières...
    Et ne pas faire des kurdes européens et des kurdes non européens ! (on peut alors prévoir des problèmes futurs !). Ne pas tolérer non plus qu’un pays occupe un autre pays, malgré des condamnations de l’ONU... C’est pourtant ce que fait impunément la Turquie à Chypre. 


  • xray 26 mai 2009 20:57

     

    La Turquie fait partie de l’OTAN (L’OTAN que la France vient de réintégrer). 
    La Turquie est présente dans l’EUROCOR 

    Aujourd’hui, l’ensemble des pays de l’Union européenne sont militairement asservi à L’OTAN. 
    Si l’Europe politique pose quelques problèmes,  en revanche l’Europe militaire est bien en place. (L’OTAN est dans une logique Américaine aux ordres du Vatican.) Bon courage ! 

    Par sa diversité d’intérêts nationaux,  l’Europe est ingérable. Pour l’Europe, la seule échappatoire est de pourrir la vie du plus grand nombre. On peut compter sur les élus européens pour s’y employer. 


    Le bourbier européen 
    http://n-importelequelqu-onenfinisse.hautetfort.com/archive/2009/05/09/le-bourbier-europeen.html 

    Un Rabbin appelle à voter pour la liste anti sioniste.
    http://n-importelequelqu-onenfinisse.hautetfort.com/archive/2009/05/08/un-rabbin-appelle-a-voter-pour-la-liste-anti-sioniste.html

    Un vandalisme institutionnel 
    http://pour-vivre-heureux-vivons-cache.i-clic.net/article-244833.html 

    La niche à chien fait de la résistance.
     
    (Par nature, les fonctionnaires sont toujours à la recherche de quelque chose à voler.) 
    http://echofrance23.wordpress.com/ 

    Depuis 5 000 ans ! Quoi de neuf ?
     
    http://echofrance36.wordpress.com/2008/10/22/depuis-5-000-ans-quoi-de-neuf/ 



  • non666 non666 26 mai 2009 23:37

    En fait , les deux arguments se heurtent tous deux a des contre-arguments :

    1 ) La Turquie seraient un marché supplémentaire ?

    OUI, mais la Chine, le Bresil , l’Inde seraient de bien meilleurs marchés encore ....

    Et le monde entier ?

    Pourquoi ne pas ouvrir l’Europe au monde entier , hein ?

    Il ne serait pas enorme ce nouveau marché ?

    Par recurrence l’argument anglais est comme le string : il n’y a pas grand chose a soulever pour deviner ce qu’il cache....
    C’est l’argument du grand marché mondial dont la vision anglo-saxonne de l’Europe est juste un préliminaire.

    2) La planche de salut de la turquie.

    La encore , par recurrence, il n’y pas de de raison de ne sauver QUE la Turquie de l’obscurantisme.
    Et Israel ?....
    Et l’Arabie seoudite ?
    Et l’Iran ?

    Cet argument est en fait un argument d’un impérialisme qui n’est malheureusement pas le notre.

    Un Roi donne volontier sa fille a marier a un voisin puissant pour s’acheter une paix provisoire, sauf que la fille qu’on donne, c’est nous, les europeens.
    ....Et le roi dont on sert les interets n’est autre que l’Empire en decomposition qui pretend continuer a diriger seul le monde.
    L’Europe est donc offerte comme une catin aux turcs , pour qu’ils s’y soulage en « esperant » qu’ils resteront desormais modérés ....

    Les Turcs n’ont JAMIAS reculé autrement que devant la force et ils se modereraient en nous voyant baisser notre froc ?
    L’Europe a renoncé a ses colonies mais la Turquie, comme la grande bretagne d’ailleurs, serait la seule a avoir le droit de garder des colonies en Europe ?
    (Irlande, Iles normandes, gibraltar et deux enclaves a chypres pour la grande bretagne et la Thrace, la moitié de chypre, la Bosnie , le kurdistan pour la Turquie ...)


    Aucun des deux arguments ne tient mais une chose est sure : Jesus fu vendu pour 20 deniers.
    Combien de marchés, combien de bons sentiments gracieux etes vous pret a croire pour vendre votre dignité et votre honneur d’europeen ?

     

     


  • frédéric lyon 27 mai 2009 08:26

    Il n’y a plus de « question turque » depuis qu’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont enterré ensemble la candidature Turque à l’entrée dans la communauté européenne.


  • Denis Szalkowski Denis Szalkowski 27 mai 2009 13:58

    @michel

    Ne doit-on pas en finir avec l’image de ce bon blanc colonisateur qui engourdit notre imaginaire et qui, souvent, nous empêche de penser ?

    Et si la Turquie n’en voulait pas de notre universalisme tout simplement ?


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