Le Conseil européen qui s'est tenu à Bruxelles les 23 et 24 juin derniers a marqué une première étape dans l'approfondissement des mesures destinées à surmonter les difficultés de l'Union économique et monétaire. Pour autant, en matière de gouvernance économique, les Européens se sont arrêtés au milieu du gué, et n'ont pas sauté le pas d'un véritable pilotage économique de la zone euro et d'une plus grande mutualisation de leurs moyens financiers. Une véritable rénovation de l'Union économique et monétaire passe par une coordination renforcée des Etats membres et de politiques communes en matière d'investissements d'avenir, un pacte de stabilité et de croissance renforcé et équilibré, un véritable gouvernement économique européen via l'institutionnalisation de l'Eurogroupe, une intégration budgétaire.
La crise a mis en évidence la fragilité d’une Union économique et monétaire déséquilibrée, dotée d’un pilier monétaire sans pendant économique. Les Européens ont enfin reconnu que la construction de ce second pilier était indispensable et ont décidé de doter l’UEM d’une gouvernance économique avant l’été 2011.
Le Conseil européen des 23 et 24 juin est une étape clé dans ce calendrier : il conclue la première phase du « semestre européen » en émettant un avis et des recommandations sur les programmes nationaux de réforme, de stabilité et de convergence, au vu du « pacte pour l’euro plus » pour ses signataires, prépare un accord sur « le paquet gouvernance économique », et fait un bilan des mesures jusqu’ici adoptées.
Les enjeux débattus sont vitaux pour la croissance européenne. La crise a mis en exergue la fragilité d’une Union économique et monétaire déséquilibrée, grevée par des politiques économiques non coordonnées, souvent non coopératives, et un appui politique et financier insuffisant à la stratégie de Lisbonne.
Les propositions sur la table restent néanmoins insuffisantes et contestables.
- Les gouvernements européens accordent à juste titre leur priorité à la réduction des déficits publics et à la stabilisation macro-économique de la zone euro. Ces objectifs sont incontournables. Cela dit, leurs orientations n’accordent pas assez d’importance aux investissements indispensables à la mise en œuvre d’une stratégie de croissance et risquent d’avoir un effet pro-cyclique en pesant sur la reprise, la demande et les conditions de travail des Européens.
- Avec « le pacte pour l’euro plus », les Européens répondent au besoin de coordination des politiques économiques par une convergence vers un modèle unique, une vision schématique et partielle du modèle allemand, négligeant l’hétérogénéité des situations des Etats membres. Or la notion de convergence n’est pertinente que si l’on raisonne sur le long terme et qu’elle porte sur la convergence des niveaux de vie.
- La réforme du pacte de stabilité et de croissance est nécessaire mais celle-ci ne devrait pas éviter les écueils de la première mouture. Si la prise en compte de la dette et des déficits macro-économiques comme le durcissement des sanctions sont des progrès, le principe de prudence budgétaire, l’approche strictement comptable des déséquilibres couplée à une potentielle automaticité des sanctions devraient renforcer l’effet pro-cyclique du Pacte, limitant les leviers de la croissance et les stabilisateurs économiques en récession.
- Enfin, le système de gouvernance discuté s’en tient à la méthode intergouvernementale, malgré ses limites avérées par l’échec de la stratégie de Lisbonne et l’inefficacité du pacte de stabilité et de croissance.
Les Européens restent donc aujourd’hui au milieu du gué. Or la crise appelle une réforme plus profonde de la gouvernance économique européenne et un effort beaucoup plus conséquent en faveur de la stratégie Europe 2020. Pour renouer avec la croissance, un nouveau cap dans l’intégration est indispensable.
- Les politiques d’assainissement budgétaire sont essentielles, mais les dépenses d’avenir et le soutien de la demande le sont tout autant. La mutualisation des efforts européens s’impose aujourd’hui à travers des politiques structurelles européennes dans des secteurs clés pour la croissance, tels que la recherche, l’innovation, l’industrie, les infrastructures ou l’énergie.
- Pour que le pacte de stabilité soit également porteur de croissance, il devrait appréhender de manière plus globale les déficits structurels des Etats et privilégier un système d’incitations et de sanctions gradué. Le rôle de la Commission dans le suivi et l’application du pacte mériterait également d’être renforcé.
- Il est également temps que le pilier économique de l’UEM devienne le pendant du monétaire. Un tel rééquilibrage est possible avec l’institutionnalisation de l’Eurogroupe et sa présidence par le Commissaire aux affaires économiques et monétaires, un Ministre des finances européen souhaité par M. Trichet.
- Cette intégration économique doit se coupler à une intégration budgétaire : la solidarité et la mutualisation s’imposent là encore compte tenu de l’interdépendance des destins économiques des Européens et des fortes contraintes qui pèsent sur les budgets nationaux. Le budget de l’Union doit être progressivement augmenté pour financer la stratégie Europe 2020 grâce au développement de ses ressources propres.